Le directeur de la santé publique du Québec forcé de démissionner alors que les hôpitaux croulent sous le variant Omicron

Le directeur national de la santé publique du Québec, le Dr. Horacio Arruda, a remis sa démission lundi dernier, alors que la province est frappée par une cinquième vague de la pandémie suite à l’explosion exponentielle des cas causée par le variant Omicron.

Contraint de démissionner un an et demi avant la fin de son mandat, Arruda sert de bouc émissaire au gouvernement de droite de la CAQ (Coalition Avenir Québec), dirigé par l’ex-PDG multi-millionaire François Legault, qui cherche ainsi à détourner la colère populaire face à sa propre réponse désastreuse à la pandémie de COVID-19.

La démission forcée d’un des principaux visages publics de la gestion de la pandémie au Québec révèle un état de crise non seulement à la direction de la santé publique, mais au sein du gouvernement Legault lui-même. «Les propos récents tenus sur la crédibilité de nos avis et sur notre rigueur scientifique», avoue Arruda dans sa lettre de démission, «causent sans doute une certaine érosion de l’adhésion de la population».

Le directeur démissionnaire de la santé publique du Québec, Dr Horacio Aurrda (Wikimedia Commons)

La situation épidémique au Québec est dramatique. La province, qui a déjà enregistré plus de 12.000 décès et un taux de mortalité parmi les plus élevés de la planète, connait des niveaux d’infection et d’hospitalisation jamais vus depuis le début de la pandémie. Le système de santé sous-financé est au point de rupture alors que des milliers de travailleurs doivent s’absenter suite à la contamination au coronavirus. Déjà des établissements doivent faire du triage, des médecins devant décider qui peut ou ne peut pas recevoir des soins.

Malgré l’urgence de la situation, le gouvernement Legault, refuse de prendre les mesures nécessaires pour endiguer cette vague meurtrière de COVID-19 et poursuit avec sa politique d’ «immunité collective» – laisser le coronavirus circuler librement et faire des ravages dans la population.

Suite à l’annonce du départ d’Arruda, tout l’establishment politique a salué son travail. Gabriel Nadeau-Dubois du parti «de gauche» Québec Solidaire, par exemple, a remercié Arruda car «tout au long de cette pandémie, il a servi le Québec avec sincérité».

Le rôle véritable d’Arruda a été de fournir un vernis pseudo-scientifique à la politique pro-patronale meurtrière de la CAQ. La pandémie a révélé à quel point la direction de la santé publique n’est pas une institution indépendante et neutre, mais une extension du gouvernement. C’est le sens des propos d’Arruda, qui écrit dans sa lettre que «nous avons émis des avis de santé publique et fait des recommandations, les meilleurs possibles, pour supporter en temps opportun le gouvernement dans ses prises de décisions».

Arruda a notamment joué un rôle clé pour justifier la réouverture hâtive des écoles sous prétexte de préserver la «santé mentale» des jeunes, alors que l’objectif réel pour le gouvernement a toujours été de renvoyer les parents au travail pour permettre le flot continu des profits vers la grande entreprise.

La liste des mensonges et demi-vérités d’Horacio Arruda est longue. Rappelons-en quelques-uns:

* Comme l’agence de santé publique du Canada, il a semé la fausse idée que le virus se propage par gouttelettes et non surtout par aérosols.

* Face au manque de masques et autres équipements de protection, dû à la négligence et au manque de préparation des autorités, Arruda a affirmé que le masque ne devait pas être porté dans la population, car il créait un «faux sentiment» de sécurité. Il a dit la même chose des masques N95 en milieu scolaire et sur les purificateurs d’air dans les classes.

* Arruda a prétendu que les gens asymptomatiques ne pouvaient transmettre le virus malgré les études prouvant le contraire.

* Plus récemment, il a soutenu la directive, finalement annulée, permettant à des enfants et à des membres du personnel ayant été en contact avec un cas positif de COVID-19, mais qui sont asymptomatiques, de fréquenter les services de garde.

Dans un rare moment de candeur au printemps dernier, Arruda a fait savoir qu’ «au secondaire, en ramenant les 3-4-5 [en classe à temps plein], on savait que ça augmenterait le nombre de cas. Tout ça, c’est comme planifié».

Autrement dit, l’objectif du gouvernement était la contamination de masse, et il n’allait pas tolérer que la science se mette sur son chemin. Comme l’a cyniquement reconnu Arruda en novembre dernier, dans son témoignage à l’enquête publique du coroner sur les décès survenus en CHSLD (Centres d’hébergement de soins de longue durée) au printemps 2020, «il n’y a pas juste la science qui décide».

Ayant obtenu la démission d’Arruda, Legault a aussitôt nommé pour le remplacer Luc Boileau, actuel PDG de l’INESSS (Institut national d’excellence en santé et en services sociaux) et père de l’attachée de presse du ministre de la Santé, Chrisitan Dubé.

Le nouveau directeur de la santé publique a aussitôt donné son feu vert à la réouverture prévue des écoles lundi prochain. En point de presse jeudi, il a rejeté le port de masques N95 par des enseignants, recyclant le mensonge de son prédécesseur que «dans les milieux scolaires, il n’y pas de motif de croire qu’il y aurait un avantage» sur d’autres types de masques.

Boileau a déclaré à ce même point de presse que la Santé publique ne considère pas les écoles comme une source de transmission communautaire. Avant la pause de fin d’année, les écoles montréalaises représentaient pourtant près de la moitié de toutes les éclosions de COVID-19 dans la ville pour le mois de décembre, la plupart d’entre elles ayant eu lieu dans les écoles primaires.

Les vagues successives de la pandémie au Canada ont définitivement démontré que les écoles sont parmi les principaux foyers de transmission du virus et que les enfants contaminent leurs parents, qui peuvent ensuite le transmettre dans la communauté. Autrement dit, en rouvrant les écoles hâtivement au Québec comme dans le reste du Canada, les gouvernements préparent le même scénario que l’an dernier, qui avait vu l’émergence d’une troisième vague après le congé des fêtes.

En rouvrant les écoles, le gouvernement prévoit des infections de masse parmi le personnel scolaire et les étudiants. Le ministère de l’Éducation a averti le réseau scolaire qu’il anticipait un «très grand nombre» d’absences du personnel en raison du virus, ce qui pourrait «potentiellement mener à des bris de services dans certains milieux ou compromettre le maintien des services de garde tels qu’ils sont».

Comme «l’objectif est de garder les élèves présents à l’école», coûte que coûte, les écoles sont invitées à identifier des «parents volontaires aptes à soutenir les élèves en classe dans leurs apprentissages durant l’absence physique de l’enseignant». Des enseignants pourraient aussi être appelés à faire du «délestage», soit de se promener entre les classes pour enseigner à plusieurs groupes, avec un autre adulte non formé en soutien scolaire.

En plus d’engager des gens non qualifiés pour faire du gardiennage dans les écoles, le gouvernement, avec l’aval de la santé publique, prévoit ramener les travailleurs potentiellement infectieux plus rapidement au travail en réduisant la période d’isolement de 10 à 5 jours pour le personnel et les enfants déclarés positifs à la COVID-19.

Pendant ce temps, les syndicats continuent d’abandonner les travailleurs face aux politiques dangereuses de la CAQ. Depuis le début de la pandémie, les appareils syndicaux se soumettent aux politiques gouvernementales et étouffent la lutte des classes. Malgré leurs critiques creuses, ils acceptent que le personnel retourne en classe sans protection adéquate.

Les travailleurs de l’éducation et de tous les secteurs doivent rompre avec les syndicats pro-capitalistes et s’organiser comme une force politique indépendante dans des comités de sécurité de la base.

Des enseignants et éducateurs à travers le Canada ont déjà entamé la lutte pour une politique Zéro COVID dans les écoles en créant le Comité de sécurité pancanadien du personnel scolaire de la base (CSPPB). Ce comité fait partie de l’Alliance internationale des comités de base, qui lutte pour un programme mondial d’éradication de la pandémie.

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