Macron veut augmenter massivement les frais d’inscription aux universités

Jeudi dernier en clôture du 50e anniversaire du congrès de la Conférence des présidents d’universités, le président Macron a évoqué son éventuel deuxième quinquennat. Il a proposé de mettre fin à la quasi gratuité des études universitaires avec l’émergence d’établissements payants à l’américaine. Macron propose ainsi une attaque fondamentale contre le droit démocratique d’étudier pour les enfants de famille ouvrière ou populaire.

Devant les présidents d’universités, il a commencé en se félicitant du «bond de géant» qu’aurait réalisé l’Université Paris-Saclay, «qui s’est directement hissée à la treizième place cette année» dans le classement de Shanghai des universités, gagnant une place. Il a appelé à «redoubler d’efforts pour qu’à l’horizon de dix ans, notre université soit plus forte, qu’elle attire à elle les meilleurs étudiants et talents internationaux».

Macron a parlé de la nécessité de professionnalisation des universités en lien avec les entreprises qui devrait déboucher vers l’ouverture de places en filières courtes, alors même que ce sont les diplômes les plus élevés qui protègent le plus du chômage. Il s’est proposé de revoir la gouvernance des universités pour viser «plus d’excellence pour les universités»: «Oui, nous devons aller vers plus d’autonomie en termes d’organisation, de financement, de ressources humaines».

Pour cela, Macron a averti que la quasi gratuité des universités devait prendre fin: «On ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants où un tiers des étudiants sont boursiers et où, pourtant, nous avons tant de précarité étudiante et une difficulté à financer un modèle qui est beaucoup plus financé sur l’argent public que partout dans le monde pour répondre à la compétition internationale.».

Après la grève générale de mai 1968, l’organisation des universités est fortement modifiée par la loi Faure qui supprime les facultés, démocratise davantage la gouvernance des universités et en crée plusieurs dans les grandes villes. Mais depuis 15 ans, et la «loi relative aux libertés et responsabilités des universités» portée par Valérie Pécresse en 2007, des réformes en cascade se sont enchaînées. Celles-ci visent à diminuer la démocratie et la collégialité dans la gouvernance des établissements et le suivi des carrières.

Ces réformes se sont accompagnés de l’emploi de personnels qui travaillent sous statut précaire, ce qui a entraîné en 2018 un mouvement de contestation de la «loi de programmation de la recherche» votée la même année et porté par le gouvernement Macron.

Macron souhaite aller plus loin et casser ce qu’il reste des avancées sociales et démocratiques établies par les luttes ouvrières au 20e siècle et notamment après la défaite du fascisme dans la Deuxième Guerre mondiale. Visant l’accès aux études supérieures de qualité pour les enfants d’ouvriers, ce qui a fourni techniciens et ingénieurs qui manquaient pour les nouvelles industries créées après cette guerre, il ouvre le chemin à un vaste accroissement des inégalités sociales.

La ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Frédérique Vidal, a déjà fait payer des frais d’inscriptions aux étudiants étrangers, en détricotant le statut des enseignants-chercheurs et à institutionnaliser la sélection à l’entrée en licence et en master.

 A présent Macron souhaite la généralisation de ces frais d’inscription. Cette attaque contre le droits d’étudier vise à imposer une société de privilèges de classe dont la pandémie est l’accélérateur.

Pendant la pandémie de Covid-19, les gouvernements en France et en Europe ont dépensé des milliers de milliards de deniers publics, non pas pour sauver des vies mais pour renforcer les banques et les grandes entreprises, faisant exploser les dettes publics des états.

Au moment de la crise économique mondiale en 2008, la dette publique de la Grèce était de 125 pour cent du PIB. Elle est passée de 180,5 pour cent du PIB en 2019, avant la pandémie, à 206,30 pour cent aujourd'hui. A présent, avec la pandémie, la dette publique a explosé à 115,3 pour cent en France, 122,1 pour cent en Espagne, et 155,6 pour cent en Italie.

Le financement de ces plans de sauvetage pour l’aristocratie financière exige de faire payer la classe ouvrière sous forme de réduction des pensions et de dépenses sociales. Les universités rentrent dans cette logique de réduction des coûts. La proposition par Macron de faire émerger des établissements «à l’américaine» constitue une provocation choquante contre le droit des jeunes de famille ouvrière d’accéder à l’éducation.

Le modèle américain dont fait référence Macron est une catastrophe sociale pour les étudiants. Les frais d'inscription s'élèvent souvent à 40.000 dollars, auxquels il faut ajouter le logement et les frais de vie. Le coût annuel s’estime donc à une fourchette comprise entre 50 000 dollars et 55 000 dollars, soit 42.500 euros à 46.750 euros annuels. 

Il existe un système de prêts à intérêts presque nuls ou à taux d'intérêt très bas, dont certains ne sont remboursés que lorsque l'étudiant entre dans la vie active, ce système laisse souvent les étudiants largement endettés. En 2019, les dettes des étudiants aux Etats-Unis s'élevaient à 1.600 milliards de dollars, un montant qui a presque triplé en 12 ans. Un étudiant qui finit ses études peut se retrouver à endetté de la hauteur de plusieurs centaines de milliers d’euros à rembourser sur 30 ans.

L’exemple du Royaume-Uni permet d’avoir une idée de la manière dont Macron pourrait envisager d’évolution des frais d’inscription en France. Les études sont devenues payantes en 1997. Les frais de scolarité sont passés de 1.270 € en 2001 puis à 3.895 € à compter de la rentrée universitaire 2009. En 2012, ils s'élevaient à 11.250 € à la suite d'une décision du cabinet Cameron de tripler les frais de scolarité entre 2009 et 2012. Les étudiants ne les payent qu'à partir de la fin de leurs études, et lorsque leur salaire atteint une somme annuelle de 26.400€. 

Vu que le salaire médian en France s'élève à 1.940 euros mensuels, et que 8 salariés sur 10 ont un salaire net mensuel situé entre 1 204 euros net mensuels (le Smic) et 3.200 euros net mensuels, de telles augmentations des frais d’inscription rendraient les universités d’excellence hors de prix. De larges sections des 10,9 pour cent d’étudiants en universités issus de la classe ouvrière seraient découragés de faire des études dans les universités. Ils se rendraient dans des filières courtes dans des établissements moins cotés où ils sont le plus représentés actuellement.

Un conflit politique irréconciliable émerge entre le droit d’étudier par la quasi gratuité des frais d’inscription qui est soutenu par les étudiants et les travailleurs, et le souhait de l’élite dirigeante de créer une université à deux vitesses où seuls les enfants de familles aisées pourront se permettre de faire des études supérieures. 

Les travailleurs et les jeunes doivent se préparer à une lutte sans merci contre le prochain gouvernement, qu’il soit issu d’une ré-élection de Macron où de l’élection d’un autre président, mais qui se préparera à une attaque sans précédent contre les droits démocratiques et sociaux.

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