Le territoire du Nunavut au Canada signale le premier décès causé par le variant Omicron une journée après la levée des mesures de confinement

Le Nunavut, un territoire majoritairement peuplé d’Inuits situé dans le Grand Nord canadien, a signalé mardi [18 janvier 2022] son premier décès dû au variant Omicron hautement infectieux de la COVID-19. L’annonce est intervenue une journée après que le gouvernement du Nunavut ait mis fin aux mesures de confinement anti-COVID qu’il avait imposées à l’échelle du territoire à la fin décembre en raison d’une recrudescence des infections.

Les restrictions sur les déplacements dans la communauté ont été levées, les rassemblements à l’intérieur pouvant aller jusqu’à cinq personnes provenant de ménages différents sont désormais autorisés et toutes les entreprises non essentielles ont été autorisées à rouvrir leurs portes. Le gouvernement a également annoncé la réouverture des écoles pour l’apprentissage en personne à partir du 24 janvier et a réduit la période d’isolement pour ceux qui contractent la COVID-19 de 10 jours à seulement sept.

Le gouvernement libéral fédéral a fait preuve d’indifférence face à la progression du variant Omicron sur le territoire, ignorant les appels à l’aide pendant plusieurs semaines. Ce n’est que mardi [18 janvier 2022] qu’Ottawa a répondu à la demande d’aide et par un geste largement superficiel, en déployant trois infirmières et neuf chercheurs de contact pour l’ensemble du territoire, vaste mais peu peuplé. Ces chiffres sont tout à fait insuffisants pour faire face à la vague croissante du variant Omicron dans un territoire marqué par une des pires pauvretés et des infrastructures parmi les plus mauvaises au pays.

Une grande partie de la population du Nunavut vit dans des logements surpeuplés et insalubres, ce qui l’expose davantage au risque de contracter la COVID-19. Ci-dessus, Brenda Maniapik, qui, lorsqu’elle a été interviewée en 2019, vivait avec ses quatre enfants dans la salle de lavage d’un ami. (Courtoisie CBC)

Pour sa part, le gouvernement territorial fait tout son possible pour accélérer la rouverture. La page Internet officielle du gouvernement, qui contient des informations sur le coronavirus, affiche le slogan «L’approche du Nunavut: Vivre avec la COVID-19», soulignant encore plus son attitude cavalière face à la misère sociale et à la mort engendrées par la pandémie. L’administrateur en chef de la santé publique, le Dr Michael Patterson, a écarté toute possibilité que la province revienne au confinement, alors même que le territoire enregistre le nombre de cas le plus élevé depuis plus d’un an. Lors d’un discours prononcé le 5 janvier, le premier ministre P.J. Akeeagok a rapporté 244 cas de COVID-19 dans 12 communautés du Nunavut. «Nous n’avons jamais eu autant de cas de COVID-19 sur notre territoire», a-t-il déclaré. Les chiffres officiels indiquaient un pic de 297 cas le 8 janvier.

La décision de mettre en œuvre une politique dangereuse de retour au travail et à l’école a été justifiée par les représentants du gouvernement par le fait que le nombre de cas aurait diminué. Selon Patterson, il y a maintenant plus de personnes qui se remettent de la COVID-19 que de nouvelles personnes dont le test est positif. Cependant, le nombre de nouvelles infections est probablement bien plus élevé que ne l’indiquent les chiffres officiels, car le territoire a cessé de procéder à des tests dans les communautés où la COVID-19 a déjà été détectée. En outre, même si le nombre total de cas actifs a atteint un plancher de 128 le 13 janvier, il a depuis fortement augmenté, atteignant les 195 jeudi le 20, ce qui indique qu’une autre vague d’infections, potentiellement pire que la précédente, est en cours.

Les décisions de «réouverture» du gouvernement interviennent alors que les efforts de vaccination ont été «interrompus» dans de nombreuses communautés du territoire, en raison du manque de personnel médical. Lors d’une conférence de presse tenue le 13 janvier, le ministre de la Santé du Nunavut, John Main, a déclaré: «Dans l’état actuel des choses, sur le plan des ressources humaines, nous attendons toujours une réponse de nos partenaires fédéraux.» Les pénuries de personnel ont également entraîné une pression plus large sur les soins de santé dans l’ensemble du territoire. Il y a maintenant 10 communautés du Nunavut dont les centres de santé ne peuvent fournir que des services d’urgence.

La décision d’annuler les mesures de confinement sur le territoire aura des conséquences désastreuses. Malgré les déclarations officielles selon lesquelles les cas sont en baisse, la vague Omicron au Canada, qui a vu des taux d’infection quotidiens quatre fois plus élevés que lors des quatre précédentes vagues de la pandémie, est loin d’être terminée. Selon une modélisation fédérale publiée le 14 janvier par l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), le nombre de nouveaux cas quotidiens pourrait atteindre les 170.000 d’ici février, même si toutes les restrictions sanitaires limitées qui étaient alors en vigueur le restaient.

Le rapport prévoit également que le variant Omicron entraînera des «niveaux extrêmement élevés» d’hospitalisation dans les semaines à venir. Cette prévision s’est déjà vérifiée, puisque l’Ontario et le Québec ont vu lors de la semaine du 17 janvier plus de personnes hospitalisées pour la COVID-19 que jamais auparavant. Les décès sont également en forte hausse, avec une moyenne d’environ 150 morts par jour pour les sept jours précédents le 21 janvier et un pic de 212 atteint le jeudi 20 janvier.

Au Nunavut, où les ressources limitées sont déjà mises à rude épreuve, de telles conditions pourraient entraîner un effondrement généralisé des infrastructures et de nombreux décès.

Dans les communautés du territoire qui sont touchées par la pause des vaccinations, l’afflux à venir pose des risques encore plus grands. Le manque de logements adéquats exacerbera la propagation du virus dans les communautés vulnérables, où un grand nombre de personnes sont obligées de vivre dans des pièces étroites sans aucun endroit où s’isoler pendant le long hiver arctique. De nombreuses communautés sont également touchées par l’insécurité alimentaire en raison des prix exorbitants. En conséquence, un nombre important de personnes souffrent de malnutrition et sont donc plus vulnérables aux infections et à la transmission.

Pour aggraver les choses, le territoire subit de nombreuses épidémies de tuberculose (TB) depuis plusieurs décennies, ce qui expose un nombre important de personnes à des cas graves de COVID-19. En 2018, le gouvernement fédéral s’était engagé à mettre fin à la tuberculose au sein de la population inuite d’ici 2030. Mais après seulement deux ans d’efforts, les progrès ont été officiellement bloqués en janvier 2020 en raison du manque de financement. Les taux de tuberculose chez les Inuits sont 300 fois plus élevés que ceux observés chez les Canadiens de naissance non autochtones. À Pangnirtung, une communauté de 1.400 habitants, une autre épidémie de tuberculose s’est déclarée en pleine poussée du variant Omicron. Les travailleurs de la santé, confrontés à des problèmes de sous-effectif, doivent se concentrer entièrement sur la lutte contre la COVID-19, au détriment de leurs efforts pour combattre la tuberculose. «Dès que la COVID est arrivée, nous avons totalement perdu de vue la question de la tuberculose», a déclaré le maire de la ville.

Parce que la population du Nunavut est si vulnérable, les autorités de santé publique ont mis en place un contrôle strict des déplacements et une distanciation sociale dans les épiceries et autres lieux au début de la pandémie, en mars 2020. Ce n’est qu’en novembre 2020 que le Nunavut a enregistré son tout premier cas de COVID-19, alors que le Canada était au milieu d’une deuxième vague désastreuse produite par les politiques de retour au travail et à l’école de l’establishment capitaliste privilégiant les profits avant la vie. Depuis décembre, le territoire est en proie à une épidémie majeure.

La poussée pandémique au Nunavut alimentée par le variant Omicron causera probablement le plus grand nombre d’infections à Iqaluit, la capitale territoriale et plus grande ville du territoire, dont les habitants n’ont actuellement pas accès à l’eau potable. Cette semaine en effet, du mazout a été détecté dans l’approvisionnement en eau de la ville pour la deuxième fois après une découverte initiale en octobre, ce qui a entraîné un nouvel avis de non-consommation. Pour l’instant, les habitants doivent aller chercher leur eau pour boire, cuisiner et se laver dans la rivière Sylvia Grinnell – une chose impossible pour ceux qui sont actuellement confinés. Les responsables gouvernementaux ont rejeté les appels à une enquête indépendante sur la crise de l’eau.

(Article paru en anglais 21 janvier 2022)

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