Alors que la pandémie fait rage dans l'UE, le directeur régional de l'OMS pour l'Europe proclame la «  fin de partie  » de la pandémie

Lors d'un entretien dimanche avec l'Agence France-Presse (AFP), l'agence de presse internationale française, le Dr Hans Kluge, directeur régional de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l'Europe, a déclaré que le variant Omicron avait poussé la pandémie de COVID-19 dans sa phase finale, laissant entendre que la phase d'urgence de la pandémie de COVID-19 pourrait prendre fin cette année en Europe.

«  Il est plausible  », a déclaré Kluge, «  que la région se dirige vers une sorte de fin de partie pandémique  ». Il s'attend à ce qu'Omicron infecte 60 pour cent des Européens d'ici mars, sur la base d'une modélisation de l'Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME) basé à l'Université de Washington. Moins de deux mois après sa découverte, Omicron domine désormais en Europe.

Les estimations de l'IHME ont également révélé qu'au 10 janvier 2022, les deux tiers de la population en Europe avaient été infectés par la COVID-19 au moins une fois. Officiellement, plus de 123 millions de cas ont été confirmés en Europe, représentant un tiers de toutes les infections dans le monde. Avec 1,74 million de décès officiels liés à la COVID, l'Europe représente 31 pour cent de tous les décès dans le monde. Il y a eu 10 millions de cas de COVID et 21  000 décès la semaine dernière.

Le directeur de l'Organisation mondiale de la santé pour l'Europe, Hans Kluge, au parlement grec aux côtés du ministre grec de la Santé, Vassilis Kikilias, le jeudi 15 avril 2021. (AP Photo/Petros Giannakouris)

Kluge a ajouté qu'une fois que la poussée d'Omicron sur le continent européen reculera, «  il y aura pendant plusieurs semaines et mois une immunité généralisée, soit grâce au vaccin, soit parce que les gens sont immunisés en raison des infections et de la baisse de la saisonnalité.  »

Cependant, il a rapidement fait marche arrière sur ses évaluations optimistes en avertissant qu'il était trop tôt pour déclarer COVID-19 endémique car de nouveaux variants pourraient émerger. « On parle beaucoup d'endémie, mais endémique signifie qu'il est possible de prédire ce qui va se passer. Ce virus nous a surpris plus d'une fois, nous devons donc être très prudents.  »

Kluge a proposé le résumé suivant dans une déclaration traitant de la fin de la «  phase d'urgence  » de la pandémie de COVID  :

Mais avec une surveillance et un suivi rigoureux des nouveaux variants, un taux élevé de vaccination et de troisièmes doses, les respirateurs, un accès équitable et abordable aux antiviraux, des tests ciblés et la protection des groupes à haut risque avec des masques de haute qualité et une distanciation sociale lorsque un nouveau variant apparaît, je crois qu'une nouvelle vague n’exigerait pas le retour à l'ère de la pandémie, aux confinements généralisés de la population ou à des mesures similaires.

En lisant ces mots, on doit se demander pourquoi de telles mesures n'ont pas été mises en œuvre en premier lieu et quelle est l'impulsion maintenant pour les instituer ? Les promesses de Kluge de renforcer l'infrastructure de santé publique de l'Europe sont sans fondement et trompeuses. En tenant compte du contexte de ses commentaires, ils font suite à la poussée de nombreux États membres de l'Union européenne pour commencer à traiter le coronavirus SARS-CoV-2 comme la grippe, qui est un appel direct à «  vivre avec le virus  » et lui permettre de se diffuser sans entrave.

Le 9 janvier, le secrétaire britannique à l'Éducation, Nadhim Zahawi, a déclaré à la BBC que «  le Royaume-Uni est sur la voie de la transition de la pandémie à l'endémie  ». Le 10 janvier, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a déclaré lors d'un entretien à la radio : « Nous devons évaluer l'évolution de la COVID d'une pandémie vers une maladie endémique. »

Ces commentaires des chefs de gouvernement ne sont que les premières affirmations et demandes vocales d'un changement radical de politique à l'égard de la pandémie à laquelle Kluge acquiesce. Le passage à des protocoles d'isolement plus laxistes pour garantir que le fonctionnement des écoles et des entreprises ne soit pas perturbé n'est que le premier d'une série de politiques de santé publique plus laxistes.

Cependant, une approche qui traite la COVID-19 comme endémique promet d'être catastrophique. Comme le Dr Aris Katzourakis, professeur d'évolution des virus et de génomique à l'Université d'Oxford, au Royaume-Uni, l'a récemment écrit dans Nature sur la COVID-19 et l'endémicité, «  Déclarer qu'une infection deviendra endémique ne dit rien sur le temps qu'il faudra pour la contrôler, quels seront les taux de cas, les niveaux de morbidité ou les taux de mortalité ou, surtout, quelle proportion d'une population – et quels secteurs – seront à risque. Cela ne suggère pas non plus une stabilité garantie.  »

L'effort pour faire passer pour «  normale  » l’ampleur des infections et des décès par COVID-19 en Europe et aux États-Unis est motivé, non par la science ou la santé publique, mais par des considérations économiques. Dans une récente enquête menée par l'entreprise d'information économique IHS Markit, l'économiste en chef Chris Williamson a déclaré au Wall Street Journal : «  La flambée des cas de virus a pratiquement paralysé l'économie américaine au début de l'année  ».

Comme l'a noté le WSJ, «  la propagation rapide du nouveau variant a entraîné une augmentation des infections dans le monde, ce qui a incité davantage de méfiance chez les consommateurs vis à vis des activités qui impliquent une proximité physique avec les autres, tandis que les exigences de quarantaine ont mis de nombreux travailleurs à l'écart.  »

Un coup d'œil aux indicateurs mondiaux sur les cas quotidiens de COVID souligne l'augmentation rapide des infections dans la plupart des régions du monde. La semaine commençant le 17 janvier 2022 a enregistré près de 21,4 millions d'infections avec près de 50  000 décès. Et alors qu'Omicron continue d'augmenter dans les pays à revenu faible ou intermédiaires, la perturbation des chaînes d'approvisionnement due aux vastes pénuries de main-d'œuvre causées par les infections donne une impulsion à la volonté de déclarer la pandémie endémique.

Rory Fennessy, économiste à Oxford Economics, a prédit qu'« après un ralentissement de la croissance [pour la zone euro], nous nous attendons à ce que l'activité économique reprenne plus tard dans l'année. En fin de compte, Omicron ne devrait pas modifier de manière significative les perspectives de croissance globale pour 2022. »

Cependant, la vision optimiste de la pandémie promue par Kluge n'est pas partagée par le directeur général de l'OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, lors de son allocution d'ouverture de la 150e session du Conseil exécutif le 24 janvier 2022.

Ghebreyesus a noté  : «  Depuis qu'Omicron a été identifié pour la première fois il y a à peine neuf semaines, plus de 80 millions de cas ont été signalés à l'OMS - plus que ce qui a été signalé pour l'ensemble de 2020. Jusqu'à présent, l'explosion des cas n'a pas été accompagnée d'une explosion du nombre de décès, bien que les décès augmentent dans toutes les régions, en particulier en Afrique, la région qui a le moins accès aux vaccins. Alors, où en est-on ? Où allons-nous  ? Et quand cela prendra-t-il fin  ?

Répondant à ces questions, il ajoute qu’« il est vrai que nous vivrons avec la COVID dans un avenir proche, et que nous devrons apprendre à la gérer grâce à un système soutenu et intégré pour les maladies respiratoires aiguës, qui fournira une plate-forme de préparation aux futures pandémies. Mais apprendre à vivre avec la COVID ne signifie pas que nous donnons libre cours à ce virus. Cela ne peut pas signifier que nous acceptons près de 50 000 décès par semaine dus à une maladie évitable et traitable. Cela ne peut pas signifier que nous acceptons une charge inacceptable pour nos systèmes de santé, alors que chaque jour, des agents de santé épuisés retournent en première ligne. Cela ne peut pas signifier que nous ignorons les conséquences de COVID longue, que nous ne comprenons pas encore pleinement. Cela ne peut pas signifier que nous parions sur un virus dont nous ne pouvons ni contrôler, ni prédire l'évolution.  »

Il a ensuite averti : « Il existe différents scénarios sur la manière dont la pandémie pourrait se dérouler et sur la manière dont la phase aiguë pourrait se terminer – mais il est dangereux de supposer qu'Omicron sera le dernier variant, ou que la fin de partie est devant nous.  »

Au cœur de son discours il y avait la nécessité d'une distribution équitable du vaccin COVID et de l'équité en matière de santé mondiale. La pandémie a appauvri des millions de personnes et a ravivé des maladies infectieuses comme le VIH, la tuberculose et le paludisme. Les maladies sexuellement transmissibles telles que la syphilis et les hépatites B et C réapparaissent comme des menaces. « Quand la santé est en danger, tout est en danger. La pandémie nous rappelle brutalement que la santé n'est pas un sous-produit du développement. Pas le résultat de sociétés prospères  ; Pas une note de bas de page de l'histoire. C'est le battement de cœur, le fondement, l'ingrédient essentiel sans lequel aucune société ne peut s'épanouir.  »

Lors d'une conférence de presse précédente, il a déclaré : « La pandémie de COVID-19 entre maintenant dans sa troisième année, et nous sommes à un moment critique. Nous devons travailler ensemble pour mettre fin à la phase aiguë de cette pandémie. Nous ne pouvons pas la laisser continuer à s'éterniser, oscillant entre la panique et la négligence.  »

Cependant, l'OMS s'appuie sur le financement volontaire des États membres et de diverses organisations caritatives qui désarment sa capacité à critiquer les États membres, limitant son autorité à un consultant auxiliaire. Le Dr Tedros a déclaré aux États membres qu'une refonte du financement de l'organisation serait nécessaire si l'agence devait rester efficace dans sa mission.

Après que le président Donald Trump a retiré le soutien américain et accusé l'OMS de parti pris pro-chinois, l'Allemagne a assumé le rôle de plus grand donateur, donnant 1,235 milliard de dollars au total. En revanche, les États-Unis n'ont donné que 660 000 dollars pour la même période. L'administration Biden résiste à la proposition de financement qui «  rendrait l'organisme de santé de l'ONU plus indépendant  », selon Reuters. Au lieu de cela, «  Ils [les États-Unis] font campagne pour la création d'un fonds séparé, directement contrôlé par les donateurs, qui financerait la prévention et le contrôle des urgences sanitaires  », ou, en substance, privatiserait les initiatives mondiales de santé.

Pendant ce temps, plus de 8000 cas d'un sous-variant d'Omicron, désigné BA.2, ont été signalés dans 40 pays. Défini comme un variant d'intérêt, il est hautement contagieux, et certains sont allés jusqu'à le surnommer le «  fils d'Omicron  ». Dominant au Danemark, il se propage rapidement à travers l'Inde (5 % des cas séquencés), le Royaume-Uni (4 %), et la Suède et Singapour avec 2 pour cent. Le sous-variant a également été détecté aux États-Unis.

(Article paru en anglais le 26 janvier 2022)

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