Après qu’un « Convoi de la liberté » exigeant la fin de toutes les mesures de santé publique contre la COVID-19 ait occupé le centre-ville d’Ottawa, la capitale canadienne, un réseau de militants d’extrême-droite et anti-vaccination prévoit des actions similaires à travers l’Europe. Des occupations de Paris et de Bruxelles, siège du Parlement européen, sont prévues respectivement les 11 et le 14 février.
À l’instar du « Convoi de la liberté » canadien, lié aux forces d’extrême-droite impliquées dans la tentative de coup d’État de l’ancien président américain Donald Trump le 6 janvier 2021 à Washington, cette action est le résultat d’une campagne soigneusement préparée. Une série de groupes Facebook, de pages Twitter et de vingt-quatre canaux Telegram ont été mis en place les 26 et 27 janvier pour organiser des convois vers les capitales européennes et, de là, vers Bruxelles. Ils présentent des vidéos promotionnelles glorifiant les convois à Ottawa et à la frontière canado-américaine et appelant à la propagation du mouvement en Europe.
Cette action est menée par un groupe nommé « Convoi de la liberté européenne » (European Freedom Convoy). Sur Twitter, il dénonce les restrictions telles que le port de masques à l’intérieur des magasins ou des écoles et l’exigence d’une preuve de vaccination pour entrer dans les restaurants, qualifiées de « loi martiale ». Il revendique au contraire le « droit de mener librement ses affaires » et de conserver sa « fierté nationale » et ses « croyances spirituelles ». Il dispose également d’un canal Telegram World Freedom Convoy qui relie les mouvements d’Amérique du Nord et d’Europe, et qui est inondé de messages sur QAnon et de théories conspirationnistes antisémites et anti-vaccins.
Ce mouvement réactionnaire vise à accélérer l’élimination des mesures sanitaires contre la COVID-19, ce que font déjà les gouvernements européens mais plus lentement, face à une opposition croissante des jeunes et des travailleurs.
Après avoir enregistré 1,65 million de décès dus au COVID-19 et 140 millions de contaminations, l’Europe est maintenant confrontée à un tsunami d’infections dues au variant Omicron, avec plus de 23 000 décès la semaine dernière. La France, qui a enregistré 691 décès le 8 février, le chiffre le plus élevé depuis mars 2021, a connu près de 1,5 million de cas et 2302 décès dus à la COVID-19 la semaine dernière. Pourtant, les gouvernements de toute l’Europe se débarrassent ds obligations de port du masque et des règles d’auto-isolement pour les personnes exposées au virus. Ainsi, ils rouvrent entièrement les lieux publics et les écoles, et s’assurent de la propagation du virus.
Le fait que les Convois de la Liberté se présentent comme une opposition aux politiques publiques est une fraude politique. Ils dénoncent les politiques de santé publique de l’État, comme les confinements globaux ou partiels qui ont été adoptées sur recommandation des scientifiques, après des grèves dans toute l’Europe exigeant que les travailleurs soient protégés du virus. Ils demandent une mise en œuvre plus rapide de la politique de « vivre avec le virus » exigée par le président français Emmanuel Macron et d’autres gouvernements à travers l’Europe, qui sont déterminés à stimuler les marchés boursiers au détriment des vies humaines.
Bien que les Convois de la Liberté se présentent comme « apolitiques », ils sont liés aux partis d’extrême-droite qui ont fait campagne contre la vaccination l’année dernière et maintenant pour les Convois de la Liberté.
Des actions sont prévues dans toute l’Europe vendredi et samedi, en prélude à l’occupation prévue de Bruxelles. Aux Pays-Bas, la chaîne Telegram néerlandaise du convoi compte plus de 32 000 membres, en Belgique plus de 12 000, en Espagne plus de 10 500 et en Autriche plus de 9500. En Espagne et en Autriche, les camionneurs prévoient d’occuper Madrid et Vienne samedi, avant de se rendre à Bruxelles. Les chaînes Telegram au Royaume-Uni, au Danemark, en Allemagne, au Portugal, en Italie, en Suède et dans d’autres pays comptent quelques milliers de membres.
Le parti d’extrême droite « Alternative pour l’Allemagne » (AfD) encourage l’occupation de Bruxelles par le Freedom Convoy. Sur Twitter, Christine Anderson, parlementaire européenne de l’AfD, a dénoncé Bruxelles comme « la capitale de la folie, l’origine de toute cette folie du certificat vert numérique et de toutes les discriminations, du harcèlement et des mesures oppressives qui en découlent ». Elle a promis d’accueillir le convoi dans les rues à son arrivée à Bruxelles.
La plus grande action organisée à ce jour se déroule en France, où le Convoi de la liberté a reçu le soutien de néo-fascistes, notamment des partisans des candidats à la présidence Marine Le Pen et Éric Zemmour, ainsi que du parti « populiste » de La France insoumise (LFI) mené par Jean-Luc Mélenchon.
Des convois de quelques dizaines de camions, de véhicules de travail, de voitures et de motos ont quitté hier les villes méridionales de Perpignan, Nice et Bayonne, dans le cadre d'un convoi de trois jours qui atteindra Paris vendredi. D'autres convois en provenance de villes françaises plus proches de la capitale doivent partir aujourd'hui et demain.
La chaîne de télévision C-News, l’ancien employeur de Zemmour, qui appartient au milliardaire Vincent Bolloré, a couvert de bout en bout le convoi de la liberté et son lancement mercredi. En conséquence, le groupe Facebook qui fournit des informations sur le convoi en France a atteint plus de 320 000 membres depuis son lancement le 26 janvier.
Un journaliste indépendant qui utilise le pseudonyme de Rémi Monde se décrit comme le meneur du mouvement français. Dans une vidéo publiée sur Facebook, il demande : « Peut-on tout bloquer ? », avant de déclarer : « Nous prenons notre destin en main. Rassemblons-nous et dirigeons-nous vers la capitale ». Monde a précédemment fait des posts de soutien à Florian Philippot, chef du parti d’extrême-droite des Patriotes, bien qu’il ait affirmé que le Convoi de la liberté est apolitique.
Philippot a tweeté : « On dirait que le château de cartes mondial de la corruption a commencé à s’écrouler, et ça commence au Canada ! Trudeau se cache! La vague va déferler sur la France ! »
Mercredi, Jean-Frédéric Poisson, un soutien de Zemmour, a tweeté : « Après le Canada, les camionneurs français et européens s’organisent. Soutenez le convoi de la liberté ! Tous à Paris ! »
Marine Le Pen a dit « comprendre » le Convoi de la liberté, car la mondialisation a « transformé nos sociétés en cocottes-minute qui peuvent exploser au moindre événement ». Appelant toutefois ses partisans à « voter », elle a ajouté : « Manifester sa colère, oui bien sûr, le faire savoir au gouvernement, oui bien sûr, mais le moment venu, tous les cinq ans […] c’est l’élection présidentielle, c’est là que se prennent vraiment les grandes décisions de notre pays. »
Dans le but de rallier un soutien plus large et de cacher ses racines d’extrême-droite, le Convoi français pour la liberté prétend également, de manière démagogique, être un mouvement « apolitique » opposé à la hausse du coût de la vie. En cela, il a reçu l’aide de LFI, dont le coordinateur national, Adrien Quatennens, a soutenu le Convoi de la liberté hier dans un entretien télévisé avec France Info.
« Évidemment », LFI soutient le Convoi de la Liberté, a déclaré Quatennens, il a ajouté : « on doit immédiatement mettre fin au passe vaccinal et supprimer toutes ces mesures liberticides qui n’ont aucune efficacité. » Si les partisans de LFI « veulent y aller, je les encourage à y aller », a-t-il dit, ajoutant que le Convoi pour la liberté « a des exigences qui concernent d’autres problèmes, comme le pouvoir d’achat. »
On constate l’impact d’une telle propagande politique mensongère dans un entretien à Paris-Actu accordé par un camionneur non vacciné qui envisage de participer au Convoi de la liberté. « Je travaille dans une petite entreprise, je vois mon patron se débattre avec le prix du carburant et mes factures qui augmentent toujours […] De plus, je suis considéré comme un mauvais citoyen parce que je ne me trouve pas vacciné », a-t-il expliqué. Il ajoute toutefois qu’il hésite encore à se joindre au convoi de la liberté : « Je ne sais pas qui va se présenter, et je n’aime pas l’idée de klaxonner à côté de l’extrême droite. »
Les problèmes économiques des travailleurs ne peuvent cependant pas être résolus par ce qui est, en fait, des manifestations d’extrême-droite qui exigent une politique qui ne fera que prolonger indéfiniment cette pandémie et son cortège de morts en masse et de dislocations économiques, Le Convoi de la liberté est une provocation d’extrême-droite, soutenue par des partis de pseudo-gauche comme LFI. Les travailleurs doivent s’y opposer, chercher à en dissuader les travailleurs non vaccinés qui pourraient s’y joindre, et s’opposer aux tentatives de la bourgeoisie européenne d’assembler un mouvement fasciste qui veux une politique d’infection massive à la COVID-19.
(Article paru d’abord en anglais le 10 février 2022)
