Le syndicat des métallos veut imposer un accord avec ExxonMobil pour mettre fin au lock-out au Texas

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Travailleurs d'ExxonMobil en lock-out à Beaumont, Texas (USW)

Le syndicat des Métallos (USW) a prévu un vote le lundi 21 février sur le dernier ultimatum lancé par ExxonMobil aux travailleurs en lock-out de sa raffinerie et de son usine de traitement du pétrole à Beaumont, au Texas. La proposition, qui se heurte à une profonde opposition de la part des travailleurs de base, créerait un précédent pour la destruction totale des emplois, des salaires, des avantages et des conditions de travail des travailleurs dans toute l’industrie pétrolière.

Le géant de l’énergie, qui a réalisé 23 milliards de dollars l’année dernière, a mis en lock-out 650 travailleurs de la raffinerie et de l’usine adjacente de mélange et de conditionnement le 1er mai 2021. Les travailleurs militants ont courageusement défié les menaces de l’entreprise et, jusqu’en octobre 2020, ont rejeté à une écrasante majorité une proposition de contrat chargée de concessions, qui est pratiquement identique à celle que le syndicat des Métallos soumettra au vote lundi.

ExxonMobil s’est appuyée sur la trahison du syndicat des Métallos pour mener à bien son attaque bien planifiée. L’USW a retiré les travailleurs de Beaumont de l’accord «Négociation nationale sur le pétrole» (National Oil Bargaining) – qui couvre les travailleurs des raffineries de pétrole et de la pétrochimie dans plus d’une douzaine de sociétés énergétiques – lors de sa trahison de la grève des travailleurs du pétrole de 2015. Au cours des 10 derniers mois, le syndicat a isolé les travailleurs en lock-out. Il leur a fourni des indemnités de grève de niveau famélique, ce qui a forcé beaucoup d’entre eux à prendre d’autres emplois et à compter sur les banques alimentaires pour nourrir leurs familles.

Plus important encore, le syndicat des Métallos a maintenu 30.000 travailleurs de Marathon, BP, Shell et d’autres compagnies pétrolières au travail pendant plus de deux semaines depuis l’expiration de l’accord national le 1er février. Les travailleurs sont largement favorables à une grève nationale pour venir en aide aux travailleurs de Beaumont et repousser les demandes de concessions des grandes compagnies pétrolières.

Il ne fait aucun doute que les responsables du siège international des Métallos à Pittsburgh ont donné l’ordre aux responsables de la section locale 13-243 des Métallos à Beaumont de mettre fin à la lutte à Beaumont. Le représentant international des Métallos, Bryan Gross, a déclaré: «Avec l’ajout de la fête de MLK par la compagnie, nous avons pensé que c’était le moment où les membres aient leur mot à dire sur ce que nous allons faire à partir de maintenant». De la manière la plus lâche qui soit, les dirigeants locaux n’ont fait aucune recommandation. Le président des négociations de la section locale 13-243, Mark Morgan, a posté sur Facebook: «Nous ne jetons pas l’éponge. Nous n’abandonnons pas et nous ne démissionnons pas. C’est seulement le temps pour vous de nous indiquer la voie à suivre».

Estimant qu’ils avaient suffisamment usé la résistance des travailleurs, les dirigeants de l’USW pensaient qu’ils pouvaient maintenant imposer cet accord plein de concessions. La direction d’ExxonMobil, qui a également mené une campagne de désaccréditation pour faire pression sur l’USW, a salué la décision. «Nous sommes heureux que nos employés représentés aient une nouvelle chance de voter», a déclaré Julie King, porte-parole d’Exxon. Elle a affirmé que l’accord «offre une stabilité à long terme, y compris des protections d’emploi et des progressions salariales pour les employés».

ExxonMobil et d’autres travailleurs du pétrole qui ont analysé le contrat ont déclaré au World Socialist Web Site que le contrat les ramènerait des décennies en arrière et enhardirait les autres compagnies pétrolières à chercher des concessions similaires.

Voici les points saillants du protocole d’accord, daté du 11 février 2022, envoyé par Blake Berend, directeur des ressources humaines d’ExxonMobil à Beaumont, au président des négociations de la section 13-243 des Métallos, Mark Morgan:

Coupes dans les salaires réels

L’accord de cinq ans prévoit «des salaires égaux à ceux du National Oil Bargaining Pattern (NOBP)». L’augmentation proposée par Marathon, le principal négociateur de la compagnie pétrolière, est de 2 à 3 pour cent par an. Avec une inflation de 7,5 pour cent par an, cela signifie que les travailleurs de Beaumont subiraient de facto une baisse de salaire de 20 pour cent ou plus.

Les spécialistes des matériaux et les employés de bureau verront leurs salaires gelés pour les cinq prochaines années, ce qui entraînera une réduction de près de 40 pour cent des salaires réels.

Les travailleurs de l'usine de mélange et de conditionnement, le plus grand producteur de la très rentable huile à moteur Mobil 1, subiront un gel des salaires pendant deux ans, suivi d'augmentations de 0,5 pour cent, 1,5 pour cent et 2 pour cent les troisième, quatrième et cinquième années.

Feu vert à la direction pour réduire les avantages sociaux

Sous la rubrique «Contributions aux régimes médicaux», le protocole d’accord stipule que «la société accepte, à compter de la ratification, d’ajuster, si nécessaire, ses contributions aux régimes médicaux et dentaires parrainés par la société pour les employés de la raffinerie et de l’usine de mélange et de conditionnement de Beaumont représentés par le Syndicat des Métallos 13-243, d’un montant égal à la contribution de la société versée aux employés non représentés».

Le protocole d’accord stipule en outre, dans la section «Renonciation aux avantages», que «la société reste libre de mettre fin ou de modifier à tout moment l’un ou l’ensemble de ses régimes d’avantages sociaux». Il s’agit notamment des pensions, des plans d’épargne, d’invalidité, d’assurance-vie, des plans médicaux et dentaires. Il poursuit: «Si le syndicat n’est pas satisfait des résultats de la négociation» de ces avantages réduits, il doit donner à la société un préavis de 120 jours suspendant son obligation de ne pas faire grève.

Selon David, un vétéran d’ExxonMobil, qui s’est entretenu avec le WSWS, «l’entreprise parle depuis des années de supprimer les pensions et de réduire les prestations de soins de santé. Selon les termes du contrat, s’ils suppriment les plans pour les salariés, ils peuvent faire la même chose pour les travailleurs syndiqués. Cela ne me surprendrait pas le moins du monde. ExxonMobil n’a rien à faire des salariés de première ligne, pas plus que de nous».

Travailleurs d'une raffinerie dans le Dakota du Nord (USW)

Suppression d’emplois

Il n’y a aucune disposition pour protéger les emplois. On retrouve le même accord sans valeur avec les Métallos qui interdit les licenciements involontaires «à l’exception des diminutions du niveau d’exploitation causées par une vente d’unité(s) d’exploitation, une fermeture complète ou partielle, une fusion ou une coentreprise entraînant un changement de contrôle de la direction, ou un cas de force majeure».

Dans le même temps, les travailleurs n’auront plus de droits d’ancienneté et de supplantation dans la raffinerie et l’installation de mélange et de conditionnement. Désormais, l’ancienneté sera propre à chaque site. Cela signifie que si des licenciements ont lieu dans l’une ou l’autre des installations, les travailleurs ne pourront pas être mutés pour protéger leur emploi. «Il y a beaucoup de gars qui ont 30 à 40 ans d’ancienneté dans l’usine de mélange», a déclaré David. «L’entreprise veut se débarrasser d’eux et faire appel à des personnes moins bien payées, issues de la rue, plutôt que de permettre à un travailleur plus ancien et mieux payé de soumissionner pour le poste. Dans le même temps, l’entreprise aura le pouvoir de forcer un travailleur à accepter n’importe quel emploi dans l’établissement si la direction a besoin de combler un poste vacant».

Multiplication par quatre de la période d'essai

Selon les termes du nouveau contrat, tous les employés embauchés à partir du 1er février 2021 auront une période probatoire de 24 mois, au cours de laquelle leurs «services pourront être résiliés à la discrétion de la société». Selon les travailleurs, la période probatoire était auparavant de six mois. En d’autres termes, une nouvelle catégorie d’employés à volonté est créée, payés 38,18 dollars de l’heure – soit 7 dollars de moins que les opérateurs à temps plein – pendant deux ans: ils n’accumuleront pas d’ancienneté et n’auront aucune sécurité d’emploi. C’est clair que l’entreprise a pour objectif de purger la main-d’œuvre des travailleurs qui bénéficient de salaires et d’avantages sociaux plus élevés et de les remplacer par ces travailleurs, qui n’ont aucun droit, mais devront payer des cotisations syndicales aux Métallos.

Fusion des classifications, risques accrus pour la sécurité

L’accord prévoit essentiellement la fusion des classifications des opérateurs. Combiné à la «formation croisée», cela signifiera moins de formation spécialisée, l’affaiblissement des compétences nécessaires pour exploiter une raffinerie en toute sécurité, et la possibilité pour la direction de déplacer les travailleurs où elle le souhaite. «Ils mettent tout le monde sur un pied d’égalité», a déclaré le vétéran. «En général, un opérateur “A” gagnait 80 cents de plus par heure, et il assumait beaucoup plus de responsabilités pour l’ensemble de l’unité. Maintenant, ils vont combiner tous les emplois en un seul. Ils diluent les compétences spécifiques et la sécurité. Les opérateurs ont des assistants qui ont peut-être moins de compétences et ont besoin de plus de formation. Mais, ils vont se trouver mis en charge de toute une zone, ce qui crée de plus grands risques d’accident.»

Fatigue et accord national

Comme on pouvait s’y attendre, l’accord ne contient aucune proposition qui vise à remédier au manque de personnel et à la fatigue. Il comprend les mêmes accords bidon sur la fatigue, la santé et la sécurité qui donnent à la direction les coudées franches pour forcer les travailleurs à travailler de 12 à 16 heures par jour pendant 13 jours d’affilée ou plus.

Il va sans dire que l’accord, qui doit expirer le 31 janvier 2027, maintiendra les travailleurs de Beaumont sous un accord de travail et une date d’expiration distincts de ceux des 30.000 travailleurs couverts par le NOBP.

Pour résumer, David a déclaré: «Je dirais aux travailleurs de dire “non” à ce déchet. La réduction des avantages sociaux, la formation polyvalente, l’élimination des appels d’offres, tout cela n’est pas bon. Avant, vous pouviez rester au même poste jusqu’à ce que vous fassiez une offre pour un autre emploi. Maintenant, ils peuvent déplacer un travailleur âgé vers un poste plus exigeant physiquement pour le forcer à prendre sa retraite. Ensuite, ils le remplacent par un travailleur dont le salaire et les avantages sont inférieurs et qui peut être licencié pour n’importe quoi. Si c’est la nouvelle norme, cela nous ramènera des décennies en arrière».

«Pendant la grève de 2015, nous, les plus âgés, avons dit que s’ils nous retiraient du contrat national et de la même date d’expiration, c’était ce qui allait arriver».

Considérant les implications pour tous les travailleurs du pétrole, un travailleur de Marathon à la raffinerie de Galveston Bay a déclaré au WSWS: «Ce contrat est terrible. Il n’a pas changé depuis l’offre initiale. Les conditions sont comme s’il n’y avait pas de contrat du tout».

«C’est effrayant de voir disparaître tout ce pour quoi les travailleurs se sont battus. Exxon a planifié cela depuis longtemps».

«Nous devons renforcer le soutien de la base pour résister à cette décision. Cela ne viendra pas du syndicat».

Les travailleurs d’ExxonMobil devraient rejeter massivement l’accord lors du vote de lundi. Mais les travailleurs de Beaumont ne peuvent pas lutter seuls contre la société et ses laquais au sein de l’USW. Le WSWS exhorte les travailleurs à prendre la lutte en main en créant des comités de la base à Beaumont et dans chaque raffinerie et usine pétrochimique afin d’organiser un combat indépendant du syndicat pro-entreprise USW. Ces comités doivent s’opposer à la conspiration du silence de l’USW. Ils doivent présenter leurs propres revendications basées sur les besoins des travailleurs et non sur ce que les dirigeants pétroliers disent pouvoir se permettre, et préparer une grève nationale pour obtenir leurs revendications.

Vous êtes un travailleur du pétrole ? Contactez le WSWS et faites-nous savoir ce que vous pensez de la prolongation du contrat, de l''offre finale' de la compagnie et de la lutte pour une grève nationale des raffineries.

(Article paru en anglais le 18 février 2022)

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