Le gouvernement espagnol, une coalition du Parti socialiste (PSOE) et de Podemos, se trouve pleinement engagé dans la volonté de guerre de l’OTAN contre la Russie, suite à l’invasion de l’Ukraine par Moscou. Le Parti a été fondé en 2014 par des forces petites-bourgeoises staliniennes et pablistes. Leurs militants ont rejoint les protestations contre la guerre d’Irak de 2003 menée par les États-Unis. Podemos s’est vanté d’être entré en politique pour «démocratiser» la société espagnole et européenne et redistribuer les richesses aux plus pauvres. Au gouvernement, Podemos s’est révélé être un parti militariste et pro-OTAN dont les politiques contre l’invasion de l’Ukraine par la Russie menacent de provoquer une guerre de l’OTAN avec la Russie.
En janvier, Podemos s’est cyniquement posé en critique des actions du gouvernement dont il fait partie, notamment l’envoi de navires de guerre espagnols en mer Noire et d’avions de chasse en Roumanie. Cependant, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie jeudi qui est la réponse réactionnaire du régime de Poutine à l’encerclement impérialiste de la Russie par l’OTAN, Podemos a mis au rebut ses critiques vides et s’est rangé derrière la campagne de guerre.
Dans un contexte de profonde opposition à la guerre où plus de la moitié de la population et deux tiers des jeunes opposés à l’envoi de troupes en Ukraine, Podemos ne veut pas déclencher accidentellement un mouvement anti-guerre.
Au lieu de cela, jeudi, les ministres de Podemos sont entrés en action pour soutenir les menaces militaires de l’OTAN et son refus de négocier avec la Russie. Públicoa rapporté qu'au sein de Podemos «des sources consultées par Públicosoulignent qu’il y a un message clair d’“unité” sur la question, et qu’il n’y a pas de divisions avec l’aile socialiste [PSOE]» du gouvernement.
La vice-première ministre et future candidate présumée de Podemos, Yolanda Díaz, a déclaré: «Nous condamnons fermement cette attaque et nous pensons que la seule voie possible est la diplomatie et la légalité internationale.» Elle a ensuite rejoint le Conseil national de sécurité pour discuter du rôle de l’Espagne au sein de l’OTAN et de l’Union européenne (UE). L’objectif est de faire monter les tensions contre la Russie, notamment en imposant des sanctions et en armant l’Ukraine.
Le ministre de la Consommation et dirigeant de la Gauche unie stalinienne, qui fait partie de Podemos, Alberto Garzón, a tweeté: «Ma solidarité avec le peuple travailleur ukrainien, qui souffre de l’agression impérialiste de la Russie. Une attaque qui viole le droit international et les accords antérieurs conclus pour préserver la paix».
Dans un communiqué, Podemos a déclaré: «Nous dénonçons fermement l’attaque militaire russe et demandons son arrêt immédiat.» Il ajoute: «Nous exigeons une désescalade militaire et une pression sur toutes les parties qui réduise le risque d’une escalade de la guerre en Europe.» Il conclut: «Le souvenir des mobilisations des citoyens contre la guerre oblige le gouvernement [espagnol] à travailler au sein de l’Union européenne et sous l’égide des Nations unies pour la fin de la guerre et le maintien de la paix».
Cette posture cynique émane de représentants de l’impérialisme espagnol et de l’alliance de l’OTAN, qui ont poussé la Russie à envahir l’Ukraine. Madrid fournit actuellement près de 800 soldats aux frontières de la Russie en Europe de l’Est. Le plus grand contingent se trouve en Lettonie, où sont maintenus 350 soldats depuis 2017, équipés de six chars de combat Leopardo et de 15 véhicules blindés Pizarro. Les soldats espagnols font partie de l’opération Présence renforcée en avant (Enhanced Forward Presence) de l’OTAN et d’un bataillon multinational sous commandement canadien. Mardi, l’Espagne a envoyé 150 soldats supplémentaires.
En outre, Madrid dispose de quatre avions de combat Eurofighter et de 130 soldats sur la base OTAN de Graf Ignatievo, en Bulgarie. Censés défendre l’espace aérien bulgare, les jets espagnols étendent régulièrement leurs missions de vol à 150 kilomètres en mer Noire pour faire face aux jets russes. Enfin, la marine espagnole participe avec trois navires à deux groupes navals permanents de l’OTAN en Europe orientale.
Lorsque Podemos est entré au gouvernement en janvier 2019, il a soigneusement évité de proposer de retirer ces troupes et de mettre fin à l’encerclement provocateur de la Russie. Au lieu de cela, en décembre 2021, ses ministres ont participé à une réunion pour approuver des unités mécanisées supplémentaires, des avions de combat et des déploiements de navires en Europe de l’Est.
Podemos défend maintenant des sanctions économiques paralysantes contre la Russie qui, avec l’action militaire de l’OTAN, menacent de transformer la guerre russe en Ukraine en une guerre mondiale OTAN-Russie. Il défend également l’envoi d’armes au régime pro-OTAN de Kiev par le biais de l’UE, en présentant cyniquement cela comme plus «progressiste» que l’envoi direct par l’Espagne.
Mardi, le porte-parole parlementaire de Podemos, Jaume Asens, a déclaré qu’il était «légitime que la communauté internationale fournisse de l’aide à l’État [ukrainien] attaqué». Asens a ensuite rejoint la presse capitaliste en comparant la guerre russe en Ukraine à l’invasion de la Pologne par Hitler en 1939.
En fait, dans ce conflit, les puissances impérialistes de l’OTAN sont indubitablement le principal agresseur. Ils ont travaillé systématiquement pour encercler et menacer la Russie depuis que la bureaucratie stalinienne a dissous l’Union soviétique il y a 30 ans.
Podemos lui-même est un parti pro-guerre lié à tous les crimes récents de l’impérialisme espagnol. Avant de prendre le pouvoir avec le PSOE, il a recruté des officiers de premier plan, dont l’ancien général de l’armée de l’air et chef d’état-major de la défense Julio Rodríguez, qui a dirigé la participation de l’armée espagnole aux guerres néocoloniales menées par les États-Unis en Afghanistan, en Irak et en Libye. Rodríguez est aujourd’hui un membre important de Podemos et le chef de cabinet du vice-premier ministre.
Une fois au pouvoir, Podemos s’est aligné de plus en plus étroitement sur les guerres de l’OTAN au Moyen-Orient. Il s’est engagé à maintenir les quatre bases militaires américaines en Espagne et a soutenu l’augmentation des ventes d’armes de l’Espagne. Ces dernières ont atteint le montant record de 22,5 milliards d’euros, notamment à l’Arabie saoudite dans sa guerre sanglante contre le Yémen. Il a également voté en faveur du dernier budget militaire. Ce dernier a augmenté de 9,4 pour cent sur celui de l’année dernière, battant son précédent record d’augmentation de 19,7 milliards d’euros en 2020 à 21,6 milliards d’euros en 2021.
La position belliqueuse de Podemos est applaudie dans la presse bourgeoise. El Paísécrit: «Loin de faire du bruit, les ministres de Podemos, qui en janvier étaient publiquement en désaccord avec le PSOE en critiquant l’envoi de troupes en Europe de l’Est, ont fait appel cette fois à la “diplomatie” et au “respect de la légalité internationale” comme seul moyen de résoudre le conflit».
20 Minutosa écrit que «Podemos a réagi rapidement (…) pour rendre claire l’unité» avec le PSOE «sur l’invasion russe, surtout après l’affrontement avec [la ministre de la Défense Margarita] Robles» en janvier.
Alors que Podemos faisait la promotion de la campagne de guerre contre la Russie, le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, du PSOE, était occupé à téléphoner aux anciens Premiers ministres espagnols. Parmi eux, Felipe González (1982-1996), qui a envoyé des troupes en Irak lors de la première guerre du Golfe (1991), en Bosnie-Herzégovine (1992-1996) et au Kosovo (1998-1999); Jose María Aznar (1996-2004), méprisé pour avoir participé aux guerres d’Afghanistan et d’Irak qui ont fait plus d’un million de morts et Jose Luís Rodríguez Zapatero, qui a participé à la guerre de l’OTAN en Libye en 2011, qui a coûté 30.000 vies, dont la torture et le meurtre du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi.
Cette liste d’appels, écrit le quotidien (pro PSOE) El País, «a une grande valeur symbolique et montre la gravité de la situation et la volonté du Premier ministre d’impliquer tous ses prédécesseurs».
La classe dirigeante se sert de la guerre pour dissimuler le fait qu'elle a donné la priorité aux profits plutôt qu'aux vies dans la pandémie, qui a fait plus de 122 000 morts en Espagne, pendant que sévit une austérité sauvage pour payer les plans de sauvetage de l'UE et une inflation croissante.
Une opposition profonde et historiquement enracinée existe dans la classe ouvrière en Espagne et dans le monde au militarisme et aux menaces de guerre contre la Russie. Cependant, la construction d’un mouvement anti-guerre dans la classe ouvrière européenne et internationale exige une rupture impitoyable avec les partis de la classe moyenne et pro-impérialiste comme Podemos. Ce dernier vise à isoler et à étouffer le sentiment anti-guerre de masse. Si Podemos soutient des manifestations «anti-guerre» de nom cette année, ce sera pour dénoncer la Russie comme entièrement responsable de la guerre en Ukraine et l’utiliser pour intensifier les menaces contre la Russie.
Seule une lutte unie de la classe ouvrière internationale peut empêcher la classe dirigeante de plonger la planète dans l’abîme. Les travailleurs et les jeunes opposés à cette poussée vers le militarisme et la guerre doivent construire des partis trotskistes, des sections du Comité international de la Quatrième Internationale, en opposition aux partis de pseudo-gauche comme Podemos.
(Article paru d’abord en anglais le 3 mars 2022)
