­Le vice-premier ministre canadien porte une bannière fasciste ukrainienne lors d’une manifestation à Toronto

La vice-première ministre Chrystia Freeland pose avec une bannière fasciste [Photo: SputnikNews/WyattReed]

La vice-première ministre du Canada, Chrystia Freeland, est apparue dimanche lors d’une manifestation de soutien à l’Ukraine au Nathan Phillips Square de Toronto, alors qu’elle tenait fièrement une bannière rouge et noire portant le slogan fasciste «Slava Ukraini!» (Gloire à l’Ukraine!). Le maire de Toronto John Tory (dans un bandana bleu) se tenait enveloppé dans le drapeau ukrainien bleu et jaune juste derrière Freeland.

L’image a été capturée par un membre du personnel et promue via le compte Twitter officiel du gouvernement canadien de Mme Freeland, @cafreeland. Lundi matin, face aux critiques croissantes du public, une autre photo a été postée sans la bannière fasciste. Cependant, même la nouvelle version de l’image montrait toujours le drapeau en arrière-plan, et le slogan «Slava Ukraini!» était conservé.

L’épisode met à nu de nombreuses vérités que Freeland et la classe dirigeante canadienne préféreraient garder cachées, à la fois sur la guerre par procuration entre les États-Unis et l’OTAN contre la Russie en Ukraine et sur l’affiliation historique de la classe dirigeante canadienne avec l’extrême droite et le nazisme.

L’image qui a été supprimée du compte Twitter de Mme Freeland

La bannière rouge et noire et son slogan sont associés à l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA), la branche militaire de l’OUN, l’Organisation des nationalistes ukrainiens. L’OUN, pro-nazie, baigne dans le sang de milliers de Polonais et de Juifs innocents massacrés par ses membres pendant la guerre d’anéantissement de l’impérialisme allemand contre l’Union soviétique.

L’OUN était une organisation ukrainienne de droite, nationaliste et terroriste, dont les deux factions rivales ont collaboré avec les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. La faction «M» de l’OUN, dirigée par Andrei Melnyk, était favorable à une collaboration étroite avec l’État nazi, tandis que la faction «B», dirigée par Stepan Bandera, a opté pour une guerre militante et sanglante visant à créer une Ukraine «indépendante» fasciste sous la dictature de Bandera et de Yaroslav Stetsko. En réalité, les deux factions étaient entièrement dépendantes de l’impérialisme nazi allemand, puis, après la guerre, de l’impérialisme américain et britannique. Les militants de l’OUN figuraient parmi les premières recrues de la CIA.

Le fait que Freeland ait brandi la bannière fasciste de l’OUN a été accueilli en silence dans les grands médias parce qu’il coupe court au récit frauduleux selon lequel les puissances impérialistes arment les forces «démocratiques» en Ukraine. Mais ignorer cet épisode révélateur ne change rien au fait que le Canada, ainsi que ses alliés impérialistes américains et allemands, ont travaillé en étroite collaboration avec les forces d’extrême droite et carrément fascistes en Ukraine depuis le coup d’État de Maidan en 2014 qui a renversé le président pro-russe Viktor Yanukovych.

De nombreuses personnes qui ont participé à la manifestation de Toronto l’ont sans doute fait parce qu’elles souhaitaient, à juste titre, exprimer leur opposition à la guerre, au fait de tuer et de blesser des civils innocents et au nationalisme russe réactionnaire du régime de Poutine. Mais la classe dirigeante canadienne tente manifestement d’exploiter cette indignation, ainsi que la confusion politique généralisée sur le contexte du conflit, afin d’obtenir un soutien à la guerre par procuration de l’OTAN contre la Russie. La bannière que l’on voit au-dessus de Freeland sur la photo et qui affiche le slogan #standwithukraine est celle du Congrès ukrainien canadien, qui faisait campagne pour la livraison d’armes à l’Ukraine bien avant le début des hostilités.

Freeland fait campagne pour la guerre, pas contre. En tant que vice-première ministre, elle a dévoilé un grand nombre des sanctions brutales adoptées par Ottawa contre la Russie, qui s’apparentent à une guerre économique et dont l’impact sera des plus dévastateurs sur la vie des gens ordinaires. La ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, encourage activement les volontaires canadiens à se rendre en Ukraine pour combattre. Le gouvernement Trudeau expédie également de grandes quantités d’armes, y compris des missiles antichars et des fusils de précision, à l’Ukraine.

De plus, le Canada a joué un rôle clé dans l’expansion constante de l’OTAN en Europe de l’Est au cours des trois dernières décennies, qui comprend l’encerclement systématique de la Russie par un renforcement militaire effréné à sa frontière occidentale.

Mme Freeland connaît bien, à plus d’un titre, le bilan politique désastreux de l’OUN. Son grand-père, Michael Chomiak, a été le directeur de la rédaction d’un journal ukrainien pro-nazi, Krakivski Visti, de 1939 à 1945. Chomiak gérait les relations entre le journal et les autorités nazies. Il vivait dans deux appartements palatiaux volés aux Juifs de Cracovie et publiait un flot quasi-constant d’incitations antisémites et anti-polonaises, à l’aide d’une presse à imprimer volée au journal juif Nowiy Dzennik, dont les propriétaires ont ensuite été assassinés au camp de la mort de Belzec.

L’éditeur du journal, Volodymyr Kubijovyc, lançait de fréquents appels à Adolf Hitler pour qu’il transfère aux Ukrainiens les biens juifs et polonais volés, qu’il leur accorde un traitement privilégié et qu’il crée un État ukrainien fasciste sur le modèle du Hetmanate cosaque des XVIIe et XVIIIe siècles, avec lui-même comme «provydnyk» (Führer). Kubijovyc a fait campagne pour et a créé la 14e division de la Waffen SS, dite division Galicie, qui a commis des meurtres de masse de partisans, de Juifs et de Polonais, et a participé à la répression du soulèvement de la classe ouvrière slovaque au printemps 1945. Il en fut le premier enrôlé d’honneur et prêta le serment SS à Hitler.

À la fin des années 1980, alors qu’elle était étudiante à Edmonton (Alberta), Freeland a travaillé pour le vieux Kubijovyc sur son projet d’après-guerre d’«Encyclopédie de l’Ukraine». L’encyclopédie vise à faire l’apologie de l’histoire du nationalisme ukrainien en supprimant les preuves historiques accablantes de son passé fasciste et collaborationniste nazi et en recadrant les nationalistes ukrainiens comme de perpétuelles victimes.

La décision de Freeland de poser pour une photo avec la bannière de l’OUN n’est pas simplement, ni même principalement, une affaire personnelle. Elle s’inscrit dans le droit fil de la culture et de la collaboration systématiques de l’impérialisme canadien avec les nationalistes ukrainiens d’extrême droite, qui remonte à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le nationalisme ukrainien s’est fermement établi au Canada après 1945, lorsque le gouvernement libéral du premier ministre Louis Saint-Laurent a entrepris d’admettre des dizaines de milliers de collaborateurs nazis d’Ukraine et d’autres pays d’Europe de l’Est. Les communautés d’immigrants d’Europe de l’Est établies au Canada avant la guerre avaient été politiquement dominées par les socialistes et la gauche. St-Laurent était déterminé à leur fournir un nouveau leadership.

Des milliers de membres des divisions Waffen SS ukrainiennes, lettones et estoniennes ont été admis au Canada, ainsi que des dizaines de milliers de membres de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne fasciste. Les membres dirigeants de divers groupes fascistes d’Europe de l’Est, dont la garde slovaque Hlinka, l’Ustasha croate et la garde de fer roumaine, ont trouvé refuge dans le Canada de l’après-guerre. Ces criminels de guerre bénéficiaient du soutien des plus hautes instances de l’État canadien, qui ne souhaitait que des immigrants fervents «anticommunistes». Un tatouage SS sous l’aisselle était à l’époque un billet pour la citoyenneté canadienne.

Ces collaborateurs sont devenus immédiatement influents dans les années 1950, par le biais du groupe de façade de la CIA, l’ABN (Anti-Bolshevik Bloc of Nations), qui a été fondé par des collaborateurs nazis ukrainiens tels que Mykola Lebed, un meurtrier et sadique chevronné.

Le projet d’apologie de cette histoire a été entrepris avec beaucoup de diligence par les nationalistes ukrainiens. L’Institut canadien d’études ukrainiennes (CIUS) de lUniversité d’Edmonton a été cofondé par Peter Savyryn, ancien membre de la Waffen SS, et continue d’héberger et de promouvoir l’«Encyclopédie Internet de l’Ukraine» de Kubijovyc.

Le CIUS produit un flux d’«érudition» pro-nationaliste, qui à la fois excuse le passé fasciste du nationalisme ukrainien et soutient la politique impérialiste de l’État canadien. Sa déclaration sur la situation actuelle en Ukraine attribue la guerre aux ambitions personnelles de Vladimir Poutine. Elle ne mentionne pas le rôle des groupes fascistes dans le coup d’État de Maidan en 2014 ni l’expansion de l’OTAN aux portes de la Russie.

Alors que l’impérialisme canadien institue une campagne sans précédent de guerre économique contre la Russie et fournit des armes aux forces nationalistes ukrainiennes qui combattent la guerre de l’OTAN par procuration, son besoin de mentir, non seulement sur le présent mais aussi sur le passé, deviendra de plus en plus pressant. Les nationalistes ukrainiens d’extrême droite sont maintenant au centre même de la politique étrangère du Canada. Tout sera fait pour dissimuler le caractère fasciste des groupes paramilitaires ukrainiens, tels que Centuria et le Bataillon Azov, qui ont reçu une formation militaire canadienne pendant des années et pour lesquels le gouvernement canadien organise maintenant essentiellement l’enrôlement.

(Article paru en anglais le 2 mars 2022)

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