Un rapport du «Lancet» montre que le nombre de décès dus à la pandémie est trois fois plus élevé que le total officiel

Le suivi des statistiques de santé publique cruciales, comme les décès et leurs causes, a pour but, du moins en théorie, d’aider les gouvernements à répondre aux besoins sociaux de leur population et à évaluer la réaction aux diverses mesures employées. Les statistiques de santé publique fonctionnent comme une sorte de cartographie qui permet de situer sur une carte sociale la vie et le bien-être de la communauté et de tracer une voie sûre pour les habitants.

Cesser délibérément la collecte de telles statistiques, comme c’est le cas actuellement aux États-Unis, est comparable à un marin qui essaierait de diriger son navire les yeux bandés. Cela démontre que l’objectif essentiel des mesures de santé publique est perverti par la censure, non pas pour assurer le bien-être de la population, mais pour maintenir quelque chose d’encore plus vital, sous le capitalisme: les profits de la classe dirigeante. Cet objectif est déterminé par des considérations politiques fondées sur des intérêts de classe.

Comme l’a fait remarquer le Dr George Rosen, historien de la médecine et géant de la santé publique, «On ne peut avoir de réelle compréhension de l’histoire de la santé publique à quelque période que ce soit sans une compréhension approfondie de l’histoire politique, économique et sociale de cette période dans sa relation avec la situation contemporaine de la santé publique».

Ces mots, écrits il y a plus de six décennies, restent très pertinents aujourd’hui, tandis que le monde entre dans la troisième année de la pandémie et que les dirigeants des nations capitalistes ont abandonné tout semblant de préoccupation pour le bien-être ou même la survie physique de l’humanité. Ils ont abandonné toute tentative d’atténuation des épidémies répétées d’infections et de décès causés par des versions toujours plus contagieuses du coronavirus, qui auront des conséquences importantes.

Au lieu de cela, ils se sont tournés vers la guerre pour détourner les tensions internes croissantes accélérées par leur réponse désastreuse à la pandémie. La troisième année de la pandémie pourrait bien s’avérer être une période décisive dans l’histoire du monde et l’une des plus dangereuses pour l’humanité.

la récente étudepubliée dans le «Lancet» sur les estimations mondiales de la surmortalité offre une fenêtre sur les politiques criminelles qui ont été employées dans les différents pays au cours des deux dernières années, l’élite dirigeante faisant passer le profit avant la vie, quel qu’en soit le coût pour les populations. L’ampleur et l’échelle des pertes en vies humaines sont extrêmement révélatrices, et le lecteur est invité à consulter le document scientifique [en anglais].

Répartition des décès excédentaires pour 2020-2021 (Source: Étude du «Lancet» sur les décès excédentaires, Creative Commons)

Ilont été tracées dans les quartiers de métropoles et villes densément peuplées. Dans les deux cas, la guerre et la pandémie étaient prévisibles, évitables et, en dernière analyse, totalement inutiles.

L’ampleur des décès survenus au cours des deux dernières années est ahurissante, d’autant plus que les moyens de mettre fin à la pandémie en quelques semaines seulement ont toujours été à portée de main. Toutes les ressources, technologiques, scientifiques et médicales, étaient disponibles pour mettre fin à l’urgence de santé publique et permettre d’endiguer le virus quelques semaines après avoir pris cette décision. Et au lieu de cela, le mantra continue d’être «apprendre à vivre avec le virus» indéfiniment.

lieux dans des nations à revenu faible ou intermédiaire qui avaient rapporté les données sur une base hebdomadaire ou mensuelle depuis le début de 2020. Ces mortalités observées ont ensuite été comparées à la mortalité attendue sur la base d’une modélisation «d’ensemble» complexe qui tenait également compte des régions où les registres de mortalité étaient incomplets.

Du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2021, avant que le variant Omicron n’ait commencé son assaut mondial, on avait signalé 5,94 millions de décès dus à la COVID dans le monde. La nouvelle étude estime que la surmortalité, au-delà de ce qu’on aurait observé dans une période normale, est plus de trois fois supérieure, soit 18,2 millions.

Distribution mondiale des taux estimés de surmortalité causée par la pandémie de COVID-19 pour 2020-2021 (Source: Étude du «Lancet» sur les décès excédentaires, Creative Commons)

officielles… qui ne donne qu’une image partielle de la véritable charge de mortalité».

Le rapport note: «La surmortalité mondiale cumulée due à la pandémie fait potentiellement de la COVID-19 l’une des principales causes mondiales de décès pendant la période de la pandémie, compte tenu des taux et des tendances des autres causes de décès avant la pandémie».

million de décès. Le Mexique (798.000), le Brésil (792.000), l’Indonésie (736.000) et le Pakistan (664.000) sont également des pays qui ont subi des pertes de vies très importantes. En outre, six autres pays, le Bangladesh, le Pérou, l’Afrique du Sud, l’Iran, l’Égypte et l’Italie, ont tous enregistré plus d’un quart de millions de décès excédentaires.

décès par 100.000  habitants. Le Pérou a enregistré 500  décès par 100.000  habitants. Les deux pays d’Amérique du Sud sont adjacents et partagent une frontière dans la cordillère des Andes.

décès par 100.000 habitants. Le Brésil et les États-Unis se situaient dans le même ordre de grandeur, avec 187 et 179 décès par 100.000, respectivement.

Distribution mondiale du ratio entre le taux estimé de surmortalité causée par la pandémie de COVID-19 et les décès signalés, pour 2020-2021 (Source: Étude du «Lancet» sur les décès excédentaires, Creative Commons)

En revanche, les pays qui ont adhéré à la stratégie «Zéro COVID» connaissent en fait une surmortalité négative, les gens vivant plus longtemps que «prévu», même dans les conditions d’une pandémie mondiale due à un virus mortel.

Lorsque l’on compare la surmortalité entre les régions en fonction du revenu par habitant, les régions à revenu élevé affichent des taux de surmortalité proches de la moyenne mondiale de 126 décès pour 100.000 habitants. L’Europe de l’Est, plus pauvre, a enregistré une moyenne de 345 décès pour 100 000 habitants, tandis que l’Europe de l’Ouest, plus riche, n’a enregistré «que» 140 décès.

Les auteurs notent: «Sur le plan régional, on a enregistré les taux de surmortalité estimés les plus élevés dans la région andine de l’Amérique latine. Plusieurs endroits en dehors de ces régions présentent des taux également élevés, notamment le Liban, l’Arménie, la Tunisie, la Libye, plusieurs régions d’Italie et plusieurs États du sud des États-Unis».

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Les résultats concernant la Chine sont remarquables. Les décès excédentaires estimés ne sont que de 17.900 au total, pour un pays de 1,4  milliard d’habitants, soit un taux de décès excédentaires par habitant de 0,6 pour 100.000  personnes, un nombre 300 fois inférieur à celui des États-Unis.

Le variant BA.2 d’Omicron a créé une situation périlleuse pour la Chine, mais cela ne résulte pas de l’abandon d’une politique de zéro COVID. Elle est plutôt due à la politique malveillante des élites dirigeantes de la plupart des autres pays, qui ont laissé le virus persister, se propager et muter, générant de nouveaux variants plus transmissibles et plus dangereux.

La troisième année de la pandémie ne fera que poursuivre le massacre des personnes les plus pauvres et les plus vulnérables. Depuis le Nouvel An, on a signalé 600.000  décès dus à la COVID au cours de la vague Omicron. Si l’on multiplie ce chiffre par trois, plus de deux millions de décès supplémentaires sont susceptibles d’être survenus dans le monde entier au cours des trois premiers mois de 2022, ce qui souligne le caractère mortel de la souche Omicron.

», les auteurs, parmi lesquels figure le Dr Aris Katzourakis, virologue de renom, affirment que les pressions de l’évolution vont sélectionner une transmissibilité intrinsèque plus élevée et une résistance à l’immunité.

Ils écrivent:

La notion selon laquelle les virus évolueront pour être moins virulents afin d’épargner leurs hôtes est l’un des mythes les plus persistants entourant l’évolution des agents pathogènes. Contrairement à la résistance immunitaire et à la transmissibilité des virus, qui sont soumis à une forte pression évolutive, la virulence est généralement un sous-produit, façonné par des interactions complexes entre les facteurs de l’hôte et de l’agent pathogène. Les virus évoluent pour maximiser leur transmissibilité, ce qui peut parfois être corrélé à une virulence plus élevée, par exemple si une charge virale élevée favorise la transmission et augmente également la gravité. Dans ce cas, les agents pathogènes peuvent évoluer vers une virulence plus élevée. Si la gravité se manifeste tardivement dans l’infection, seulement après la fenêtre de transmission typique, comme dans le cas du SRAS-CoV-2, mais aussi du virus de la grippe, du VIH, du virus de l’hépatite C et de bien d’autres, elle joue un rôle limité dans l’aptitude virale et pourrait ne pas être privilégiée dans le processus de sélection. La prévision de l’évolution de la virulence est une tâche complexe, et la faible gravité d’Omicron n’est guère un bon prédicteur des futurs variants.

Le virus du SRAS-CoV-2 continue de subir une «évolution antigénique» en réponse aux pressions exercées sur lui par une plus grande immunité de la population due à la vaccination de masse. L’orientation de ces mutations vers une résistance à l’immunité implique, au niveau de la population, un taux croissant de réinfection et de maladie grave globale.

De plus, ces «évolutions antigéniques» – telle que la santé globale de la population – est un phénomène politique, motivé non seulement par des processus biologiques automatiques, mais aussi par les politiques des gouvernements qui permettent au virus d’accéder aux conditions dont il a besoin pour survivre et s’adapter – à savoir, l’hôte humain.

La classe ouvrière doit tenir compte des connaissances scientifiques qui se sont accumulées en peu de temps sur la nature de la pandémie et soutenir un effort global pour éliminer le virus dans le monde entier. Cela inclut la défense des efforts de la Chine pour endiguer les nouvelles épidémies qui arrivent de l’extérieur dans cet immense pays. C’est la guerre contre la COVID, et non la guerre impérialiste contre la Russie, qui est la nécessité urgente à laquelle sont confrontés les travailleurs.

(Article paru en anglais le 17 mars 2022)

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