Biden arrive en Europe pour demander une escalade militaire contre la Russie

Le président américain Joe Biden arrive aujourd’hui [mercredi] à Bruxelles pour deux jours de réunions avec le Conseil européen des chefs d’État européens, puis avec l’alliance militaire de l’OTAN. Sa visite vise à s’assurer que l’OTAN intensifie de manière insouciante les opérations militaires contre la Russie, malgré le danger croissant de guerre nucléaire.

Interrogé mardi sur le voyage de Biden, le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a déclaré que la guerre se poursuivrait indéfiniment, rejetant les informations qui font état de succès dans les pourparlers russo-ukrainiens qui visent à mettre fin à la guerre déclenchée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 23 février.

«Cette guerre ne se terminera pas facilement ou rapidement», a déclaré Sullivan. «Depuis les derniers mois, l’Occident est uni. Le président se rend en Europe pour s’assurer que nous restions unis, pour cimenter notre détermination collective, pour envoyer un message fort qui indique que nous sommes prêts et engagés dans cette affaire aussi longtemps qu’il le faut.»

Biden doit discuter des plans d’invasion terrestre de l’Ukraine par les États membres de l’OTAN lors de sa visite ultérieure du 25 mars en Pologne. Cette dernière défend les plans de déploiement de troupes de l’OTAN en Ukraine en tant que «gardiens de la paix».

Le président Joe Biden, le 18 mars 2022, à Washington (AP Photo/Patrick Semansky)

L’ambassadrice américaine auprès des Nations unies, Linda Thomas-Greenfield, a démenti que des troupes américaines se trouvent actuellement en Ukraine, mais a donné le feu vert aux autres États de l’OTAN pour les envahir. «Je ne peux pas prévoir les décisions qui pourraient être prises à cette conférence de l’OTAN et la manière dont l’OTAN répondra à la proposition polonaise [de déployer des casques bleus en Ukraine]. Ce que je peux dire, c’est que les troupes américaines ne seront pas sur le terrain en Ukraine pour le moment», a-t-elle déclaré. Elle a ajouté que «d’autres pays de l’OTAN peuvent décider de déployer des troupes à l’intérieur de l’Ukraine».

Le déni de Thomas-Greenfield concernant l’implication militaire américaine sur le terrain en Ukraine est trompeur et faux. Des contractants militaires privés américains comme Academi (anciennement Blackwater) et des paramilitaires de la CIA aident les milices nationalistes ukrainiennes et les unités de l’armée contre la Russie. Cependant, une escalade majeure se prépare: des officiers militaires américains à la retraite ont déclaré que le Pentagone pourrait doubler sa force actuelle de 100.000 soldats en Europe.

Les conditions sont réunies pour que l’OTAN lance une guerre terrestre contre la Russie qui pourrait dégénérer en une guerre nucléaire mondiale. L’armée russe compte environ un million de soldats réguliers, dont quelque 150.000, issus pour la plupart d’unités blindées d’élite, sont enlisés dans les combats sanglants en Ukraine. Les forces armées de l’OTAN, qui comptent environ 3,3 millions de soldats, jouissent d’une supériorité numérique écrasante à l’échelle mondiale et se préparent publiquement à lancer des opérations militaires en Ukraine.

Mardi, CNN a interviewé le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, et lui a posé une question provocatrice sur la volonté de la Russie d’utiliser des armes nucléaires.

Peskov a souligné que la Russie peut utiliser des armes nucléaires si le Kremlin estime qu’il est confronté à une menace pour la survie nationale de la Russie. «Nous avons un concept de sécurité intérieure et il est public, vous pouvez lire toutes les raisons pour lesquelles les armes nucléaires devraient être utilisées. Donc, s’il s’agit d’une menace existentielle pour notre pays, alors [l’arsenal nucléaire] peut être utilisé conformément à notre conception», a-t-il déclaré.

Peskov a également expliqué à CNN les calculs bancals qui ont conduit le Kremlin à envahir l’Ukraine. Il a déclaré qu’il craignait une invasion des zones séparatistes russophones de l’est de l’Ukraine, comme le Donbass, par l’actuel régime ukrainien d’extrême droite de Kiev. En outre, a-t-il ajouté, le Kremlin est de plus en plus frustré par le traitement de la Russie par l’OTAN au cours des décennies qui ont suivi la dissolution de l’Union soviétique par la bureaucratie stalinienne en 1991.

«Les intentions du président [Vladimir] Poutine sont de faire en sorte que le monde écoute et comprenne nos préoccupations», a déclaré Peskov. «Nous avons essayé de transmettre nos préoccupations au monde, d’abord à l’Europe, puis aux États-Unis, pendant deux décennies, mais personne n’a voulu nous écouter».

Le désespoir de la Russie a augmenté à mesure que les armes et le soutien des États-Unis et de l’OTAN étaient acheminés en Ukraine, qui est devenue une base de l’OTAN lourdement armée directement aux frontières de la Russie. Moscou «espère que l’Ukraine ne se préparera jamais à une attaque contre le Donbass», a déclaré Peskov, et compte sur les pourparlers du «Cadre Normandie» entre Berlin, Paris, Kiev et Moscou. Toutefois, a ajouté Peskov, «personne ne prévient les Ukrainiens de ne pas faire cela [attaquer le Donbass]. Personne ne pousserait les Ukrainiens vers une solution dans le cadre du processus de Normandie. Personne ne l’a fait».

Peskov a indiqué que le Kremlin avait conclu que pour parvenir à un accord avec les puissances impérialistes de l’OTAN, il devait les intimider militairement. Après que l’Ukraine a rassemblé environ 120.000 soldats sur les lignes de front dans le Donbass, a déclaré Peskov, cela est devenu «parfaitement clair pour nous… pour nos spécialistes militaires, que l’Ukraine allait lancer une offensive contre le Donbass». Moscou a décidé, a-t-il déclaré, que «personne ne prêterait attention à nos préoccupations» tant que les opérations militaires russes n’auraient pas commencé.

Le danger extrême d’une conflagration militaire mondiale trouve son origine dans les conséquences désastreuses de la dissolution de l’Union soviétique par la bureaucratie stalinienne. Pendant 30 ans, l’OTAN a absorbé des pays d’Europe de l’Est, se rapprochant toujours plus près des frontières de la Russie. En même temps, elle se déchaînait au Moyen-Orient et en Asie centrale, attaquant notamment l’Irak, la Yougoslavie, l’Afghanistan, la Libye et la Syrie. Aujourd’hui, elle déploie des troupes directement aux frontières de la Russie, en Pologne, dans les républiques baltes et, potentiellement, en Ukraine.

Les commentaires de Peskov mettent à nu les conceptions réactionnaires des dirigeants du régime capitaliste russe postsoviétique, formés aux fausses théories staliniennes de «coexistence pacifique» avec l’impérialisme. Constamment déçus dans leurs tentatives de négocier un accord avec les puissances de l’OTAN qu’ils appellent leurs «partenaires occidentaux», ils ont parié, selon Peskov, qu’une menace militaire crédible forcerait l’OTAN à négocier. Ce pari est visiblement en train d’échouer.

Si le Kremlin a tiré le premier coup de feu, ce sont les puissances impérialistes de l’OTAN qui ont poussé la Russie dans le conflit. Aujourd’hui, elles réagissent à l’invasion de l’Ukraine par Poutine et aux menaces nucléaires de Moscou en intensifiant simplement leurs opérations. Alors même que Peskov souligne que le Kremlin recherche un règlement négocié, les puissances de l’OTAN intensifient imprudemment leurs opérations, au risque d’une guerre nucléaire.

Même si les médias américains et européens diabolisent la Russie pour ses opérations militaires en Ukraine, les responsables militaires et du renseignement de l’OTAN semblent tirer la conclusion non fondée et extrêmement dangereuse que Moscou serait réticent à utiliser des armes lourdes dans une guerre.

Mardi, le correspondant militaire William Arkin a publié dans Newsweekun compte rendu des tactiques russes en Ukraine, basé sur des sources du renseignement américain. Elles soulignaient l’utilisation relativement limitée par Moscou de la puissance aérienne et de l’artillerie qui causent des dommages à grande échelle aux villes ukrainiennes. Après près d’un mois de guerre, écrit Arkin, les avions russes ont effectué «quelque 1.400 sorties de frappe et lancé près de 1.000 missiles». Par contraste, a-t-il noté, «les États-Unis ont effectué plus de sorties et déployé plus d’armes au cours du premier jour de la guerre en Irak de 2003».

«Le cœur de Kiev est à peine touché. Et presque toutes les frappes à longue portée ont visé des cibles militaires», a déclaré à Arkin un haut responsable de la Defense Intelligence Agency américaine. «Je sais que c’est difficile… d’avaler que le carnage et la destruction pourraient être bien pires qu’ils ne le sont. Mais c’est cela que les faits montrent. Cela me suggère, au moins, que Poutine n’attaque pas intentionnellement les civils, qu’il est peut-être conscient qu’il doit limiter les dégâts afin de laisser une porte de sortie pour les négociations».

En Europe, les milieux officiels calculent clairement sur la probabilité accrue d’un conflit nucléaire, qui pourrait rapidement détruire un ou tous les pays européens. Mardi, le professeur Benoît Pelopidas, expert en armement nucléaire à l’université de sciences politiques de Paris, est intervenu sur France Info pour souligner la vulnérabilité de la France à une attaque nucléaire.

«Les élites militaires et politiques françaises parient sur la dissuasion nucléaire», a déclaré Pelopidas. Cependant, dans des conditions politiques extrêmes, la possession par la France d’armes nucléaires pourrait ne plus suffire à dissuader la Russie ou d’autres puissances d’utiliser des armes nucléaires, laissant la France vulnérable à l’anéantissement si la Russie et l’OTAN tirent des salves de plus en plus importantes de bombes nucléaires.

Pelopidas explique: «Déjà dans les années 1950, un rapport du Service national de la protection civile indiquait que 15 bombes thermonucléaires suffiraient à détruire la France.» La France est le plus grand pays d’Europe occidentale par sa superficie, ce qui signifie qu’il en faudrait moins pour anéantir d’autres pays. Si la construction de masses d’abris souterrains pouvait protéger la population, Pelopidas a ajouté: «Face à autre chose qu’un très petit nombre d’explosions [nucléaires], il a été démontré que ces abris n’offrent qu’une protection illusoire».

Les travailleurs d’Europe et du monde entier doivent être avertis: alors que les puissances de l’OTAN poursuivent leur escalade militaire en Europe, la guerre nucléaire est désormais un danger bien réel.

Les appels à la raison orientés vers les classes dirigeantes de l’OTAN tombent et continueront de tomber dans l’oreille d’un sourd. La seule façon d’éviter un conflit catastrophique est d’alerter politiquement la classe ouvrière internationale du danger croissant d’une guerre mondiale et de la mobiliser dans un puissant mouvement socialiste antiguerre.

(Article paru en anglais le 23 mars 2022)

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