Le gouvernement allemand prévoit un système de défense antimissile pour la guerre contre la Russie

Il y a quatre semaines, le chancelier Olaf Scholz a annoncé le triplement du budget militaire, la plus grande offensive de réarmement de l’Allemagne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Depuis lors, les choses ont évolué rapidement. La décision d’acquérir des dizaines de bombardiers furtifs F-35 à capacité nucléaire a été suivie d’un plan qui vise à mettre en place un système national de défense antimissile.

Lancement d’un missile «Arrow 3» (United States Missile Defense Agency, Domaine public, via Wikimedia Commons)

Mardi, une délégation parlementaire de la commission de la défense du Bundestag s’est rendue en Israël pour étudier l’achat du système américano-israélien «Arrow 3», qui est en service en Israël depuis 2017. Il est conçu pour détruire les missiles ennemis à longue portée dans la haute atmosphère, voire dans l’espace. La portée de ces missiles d’environ sept mètres de long est évaluée à environ 2.400 kilomètres.

Les plans pour l’installation du système de plusieurs milliards de dollars sont déjà bien avancés, apparemment. Les systèmes de radar de missiles seront «installés sur trois sites en Allemagne» et «partageraient leurs données de surveillance avec le poste de commandement national d’Uedem (Bas-Rhin)», rapporte Bild am Sonntag le 27 mars. Les radars sont «si puissants que l’écran de protection pourrait également couvrir la Pologne, la Roumanie ou les États baltes».

L’acquisition de ce système fait partie de l’offensive de guerre de l’OTAN contre la Russie et de l’affirmation de l’impérialisme allemand visant à organiser l’Europe sous sa direction. Bild am Sonntag cite le principal porte-parole de la commission du budget de la défense, Andreas Schwarz (Parti social-démocrate, SPD), qui déclare: «Nous devons mieux nous protéger contre la menace russe. Pour ce faire, nous avons besoin rapidement d’un bouclier antimissile à l’échelle de l’Allemagne. Le système israélien Arrow 3 est une bonne solution. Nous pouvons également étendre le Dôme de fer sur nos pays voisins. Nous aurions ainsi un rôle clé dans la sécurité de l’Europe».

Dimanche soir, Scholz a également confirmé les plans. Il avait «résolu de ne pas divulguer les détails d’un plan qui ne sont pas encore finalisés», mais il a expliqué sur la chaîne de télévision ARD que le système de défense antimissile était «certainement l’une des choses dont nous discutons». Il était «urgent que nous fournissions à la Bundeswehr [forces armées] plus de ressources, plus de chars, plus de capacités de défense aérienne, et que nous lui donnions de nombreuses autres possibilités pour qu’elle puisse accomplir la tâche qui lui incombe».

Comme dans son discours de guerre devant le Bundestag le 27 février, le chancelier a justifié le renforcement prévu des armements par la menace supposée de la Russie. «Nous devons tous nous préparer au fait que nous avons actuellement un voisin qui est prêt à utiliser la force pour faire valoir ses intérêts», a-t-il souligné. «Et c’est pourquoi nous devons unir nos forces pour nous assurer que cela ne se produise pas».

Il s’agit là de propagande bien connue. En réalité, les puissances impérialistes utilisent la «force» en permanence pour faire valoir leurs intérêts économiques et géostratégiques. Rien qu’au cours des 30 dernières années, les guerres d’agression et les opérations de changement de régime en Serbie, en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Syrie, qui ont violé le droit international, ont détruit des pays entiers et coûté des millions de vies.

Le «tournant» en politique étrangère proclamé par Scholz était préparé de longue date. L’encerclement militaire systématique de la Russie par l’OTAN et les puissances impérialistes – surtout l’Allemagne et les États-Unis – a délibérément provoqué l’attaque réactionnaire de Poutine en Ukraine. Maintenant, la classe dirigeante allemande utilise la situation pour se réaffirmer en tant que puissance dominante en Europe et organiser le continent sous la direction de l’Allemagne.

L’Allemagne est «le pays qui a les plus grandes dépenses militaires dans l’Union européenne», a déclaré Scholz. Il a ensuite cité l’objectif de l’OTAN selon lequel chaque État membre doit consacrer deux pour cent de son PIB aux dépenses militaires. «Si nous atteignons maintenant ces deux pour cent, nous serons le pays de l’alliance européenne de l’OTAN qui a les dépenses militaires les plus élevées et l’infrastructure de défense la plus solide», s’est vanté Scholz à la télévision. La Bundeswehr jouera «un rôle central pour l’alliance et la défense nationale, notamment grâce à nos capacités sur le terrain». Avec les États-Unis, seule l’Allemagne disposerait «de la force nécessaire à l’ensemble de l’alliance. Et nous devrons l’organiser en conséquence».

Scholz a menacé la Russie à plusieurs reprises. L’Allemagne «deviendra si forte que personne n’osera nous attaquer. Et c’est le message que nous envoyons également au président russe: n’osez pas!» Il a déclaré avoir insisté à plusieurs reprises sur ce que le président Joe Biden «a également dit en Pologne: l’engagement d’assistance mutuelle de l’OTAN s’applique à nous». Nous allons «défendre chaque centimètre du territoire de l’OTAN. Une attaque contre les États baltes, la Pologne, la Slovaquie ou d’autres pays serait comme nous attaquer nous».

Ni son intervieweur ni Scholz n’ont expliqué aux téléspectateurs le sens de ces déclarations. L’obligation dite «d’assistance mutuelle», régie par l’article 5 du traité de l’OTAN, stipule «qu’une attaque armée contre une ou plusieurs» parties «sera considérée comme une attaque dirigée contre elles toutes» et «que, dans le cas d’une telle attaque armée, chacune d’elles… prêtera assistance à la partie ou aux parties attaquées… y compris par l’emploi de la force armée».

En d’autres termes, si la guerre en Ukraine, qui est systématiquement alimentée par les puissances impérialistes par le biais de livraisons d’armes et du renforcement massif des troupes de l’OTAN en Europe de l’Est, s’étend à un pays de l’OTAN d’Europe de l’Est, Scholz et le gouvernement allemand s’engagent à entrer en guerre contre la Russie. La conséquence serait une troisième guerre mondiale dévastatrice.

Contrairement à ce qui s’est passé lors de l’invasion allemande de l’Union soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale, qui a coûté entre 30 et 40 millions de vies, la Russie dispose aujourd’hui d’armes nucléaires. Celles-ci pourraient être utilisées en cas de «menace pour l’existence de la Russie», ont averti il y a quelques jours le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, et l’ancien président et premier ministre russe, Dmitri Medvedev, actuellement chef adjoint du Conseil de sécurité russe. Les cercles influents des puissances de l’OTAN considèrent ouvertement l’utilisation des armes nucléaires comme une option légitime.

Un article du World Socialist Web Site a posé au président américain Biden deux questions auxquelles le chancelier Scholz devrait également répondre: 1) Quand avez-vous déclaré dans votre campagne électorale que vous risqueriez une guerre nucléaire avec la Russie? 2) Selon vous, combien de centaines de millions, voire de milliards, de personnes mourraient aux États-Unis, en Europe et dans le monde entier dans un échange nucléaire avec la Russie?

Si la classe dirigeante allemande arrive à ses fins, la classe ouvrière devra en supporter le coût de toutes les manières possibles, comme chair à canon sur le champ de bataille et sous la forme d’attaques sociales massives. À la question de son interlocuteur de savoir s’il pouvait promettre «que le plafond de la dette sera réintroduit en 2023», Scholz a répondu succinctement: «C’est dans la constitution». Cette réponse est aussi brève qu’elle est claire. Chaque centime qui va au réarmement militaire sera à nouveau retiré à la population: même si cela signifie appauvrir la majorité des travailleurs.

Les discours actuels des dirigeants allemands rappellent de plus en plus les tirades belliqueuses de la Première et de la Seconde Guerre mondiale. «Oui, des jours plus difficiles nous attendent en Allemagne aussi», a déclaré dimanche le président allemand Frank-Walter Steinmeier. «Et la vérité tout entière est que de nombreuses épreuves nous attendent encore.... Notre solidarité et notre soutien, notre fermeté, voire notre volonté de faire des sacrifices, seront nécessaires pendant longtemps encore».

La classe ouvrière doit rejeter les plans despotiques de réarmement et de guerre de la classe dirigeante, ainsi que sa demande d’endurer des «difficultés» et des «sacrifices» pour le bien de l’impérialisme allemand. Pas un centime pour le militarisme allemand! Plus jamais de guerre! Il n’y a qu’un seul moyen d’empêcher une rechute dans la guerre mondiale et la barbarie: la construction d’un mouvement antiguerre de la classe ouvrière internationale qui abolira la source de la guerre – le capitalisme – et luttera pour une société socialiste mondiale.

(Article paru en anglais le 31 mars 2022)

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