Les États-Unis intensifient les transferts d’armes à l’Ukraine

Malgré les efforts diplomatiques en cours pour mettre fin à la guerre entre la Russie et l’Ukraine, qui a fait des milliers de morts et a poussé à la fuite des millions de personnes, les États-Unis poursuivent et intensifient leurs transferts d’armes à Kiev.

Sur fond de discussions en continu poussant à une intensification des livraisons d’armes à l’Ukraine, la Maison-Blanche a annoncé mercredi qu’elle fournirait 500  millions de dollars supplémentaires d’«aide budgétaire» à ce pays. De l’argent qui, selon Bloomberg, pourrait être utilisé à des fins militaires.

Un soldat ukrainien tire avec une arme antichar NLAW lors d’un exercice de l’Opération des Forces conjointes, dans la région de Donetsk, dans l’est de l’Ukraine, mardi  15  février 2022. (AP Photo/Vadim Ghirda) [AP Photo/Vadim Ghirda]

Ce financement vient s’ajouter au milliard de dollars d’aide militaire annoncé par Biden au début du mois. Selon le Washington Post, rien que depuis janvier 2021 les États-Unis ont fourni à l’Ukraine une aide de 2  milliards de dollars, notamment des missiles Stinger et Javelin.

Lors d’un appel téléphonique entre Biden et Zelensky mercredi, a déclaré la Maison-Blanche, «les leaders ont discuté de comment les États-Unis travaillaient jour et nuit pour répondre aux principales demandes d’assistance de l’Ukraine en matière de sécurité, des effets cruciaux que ces armes ont eus sur le conflit, et des efforts continus des États-Unis et de leurs alliés afin d’identifier des capacités supplémentaires pour aider l’armée ukrainienne à défendre son pays».

Réagissant à cette annonce, les membres du Congrès ont insisté sur la nécessité de poursuivre les livraisons d’armes. «Les tergiversations doivent cesser. Nous devons inverser le scénario et faire en sorte que Poutine ait peur d’une escalade contre l’Occident», a déclaré le sénateur républicain Mike Rogers, lors d’une audition de la Commission des forces armées de la Chambre. Cela signifiait, a-t-il ajouté, «donner aux Ukrainiens les ressources nécessaires pour chasser jusqu’au dernier Russe du sol ukrainien».

Le général Tod Wolters, chef de l’U.S. European Command, a déclaré lors d’une audition de cette même Commission: «Nous ne pouvons pas nous reposer une seconde. Nous avons devant nous beaucoup de travail pour garantir que les forces armées ukrainiennes reçoivent le bon équipement au bon moment».

S’exprimant au nom du l’U.S. European Command, Wolters a exigé que «si la dissuasion échoue, nous restions prêts à répondre avec une force létale et robuste dans tous les domaines».

Celeste Wallander, secrétaire adjoint à la Défense pour les Affaires de sécurité internationale, a déclaré lors de l’audience que les États-Unis devraient être prêts à envoyer des armes à l’Ukraine pour un combat à long terme.

«Non seulement des jours et des semaines, mais des mois de soutien, peut-être plus longtemps pour l’armée ukrainienne et le peuple ukrainien», a-t-il déclaré. Il a en outre indiqué que les États-Unis étaient en train de livrer 100  «drones kamikazes» à l’Ukraine.

«Nous nous sommes engagé à livrer 100  systèmes aériens tactiques sans pilote Switchblade dans le cadre de la dernière autorisation présidentielle [de livraison d’urgence de biens et services] », a déclaré Wallander.

Les appels à de nouvelles livraisons d’armes interviennent alors que l’Ukraine, la Russie et les États-Unis refroidissent les attentes soulevées par les informations parlant d’une percée diplomatique dans les négociations.

«Aucun signe de percée» n’existe dans les pourparlers de paix en cours, a déclaré mercredi le secrétaire de presse du Kremlin, Dmitri Peskov.

«Personne n’a dit que les parties avaient fait des progrès», a-t-il déclaré. «Nous ne pouvons rien signaler de particulièrement prometteur».

Mardi, le négociateur en chef de Moscou, Vladimir Medinsky, avait qualifié les propositions de Kiev dans le cadre des négociations de pas en avant et a annoncé que la Russie limiterait ses opérations militaires autour de Kiev.

À peine 24  heures plus tard, le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov, un proche confident de Poutine, déclarait: «Nous ne faisons de retraite d’aucune sorte, Medinsky se trompe quelque peu».

S’exprimant mercredi, Zelensky avait fait référence aux mouvements de troupes russes qui s’éloignaient de Kiev et déclaré qu’il ne s’agissait pas d’une retraite, mais plutôt de «la conséquence du travail de nos défenseurs».

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a également minimisé toute discussion sur un accord de paix. «Il y a ce que la Russie dit et il y a ce qu’elle fait: nous nous concentrons sur ce dernier aspect», ajoutant «nous n’avons pas constaté d’indication d’un véritable sérieux » de la part de la Russie.

Les États-Unis, pour leur part, sont déterminés à prolonger le conflit aussi longtemps que possible. Comme l’a écrit Edward Luce en début de semaine dans le Financial Times, «la pression intérieure américaine penche vers l’escalade. Contrairement à l’histoire des États-Unis après le Vietnam, le consensus libéral américain est aujourd’hui au moins aussi belliciste que la droite conservatrice».

Toutes les factions de l’establishment politique américain ont bien plutôt l’intention d’utiliser la crise qui a éclaté en Ukraine pour augmenter massivement les dépenses militaires américaines. En début de semaine, le gouvernement Biden a annoncé une proposition de budget de 813  milliards de dollars, contre 782  milliards en 2022.

Dans Newsweek, Lindsay Koshgarian, de l’Institute for Policy Studies, a fait remarquer que le budget militaire de Biden était «supérieur de 42  milliards de dollars à celui que l’ancien président Donald Trump a laissé, et près de 30  pour cent plus élevé que sous l’ancien président Barack Obama».

«Au cours des dix dernières années, plus de la moitié du budget militaire est allée à des entrepreneurs faisant du profit. En 2020, les États-Unis ont déjà dépensé plus pour un entrepreneur militaire, Lockheed Martin, que la Russie n’a dépensé pour l’ensemble de son armée », poursuit-elle.

En outre, «les États-Unis à eux seuls dépensent déjà 12  fois plus pour leur armée que la Russie. Si l’on ajoute à cela les plus gros dépensiers militaires européens, les États-Unis et leurs alliés sur le continent dépensent au moins 15  fois plus que la Russie».

Elle ajoute: «Les États-Unis dépensent de loin plus pour la défense que n’importe quel autre pays ; des organismes de surveillance tels que le “Projet sur la surveillance du gouvernement” estime le budget annuel de la Sécurité nationale à plus de mille  milliards de dollars. Cette estimation comprend le ministère des Anciens combattants et le coût du service de la dette qui résulte des dépenses de défense antérieures».

Pourtant, malgré cette proposition de budget très importante, tout indique que les dépenses militaires pour la nouvelle année ne feront qu’augmenter au fur et à mesure que le budget sera examiné par le Congrès.

Le sénateur républicain Jim Inhofe, membre de la Commission des services armés de la Chambre, a déclaré qu’il était «nécessaire d’augmenter réellement le budget de la Défense, d’avoir un sentiment d’urgence et d’être prêt à prendre des risques, tant au Pentagone qu’au Congrès».

Inhofe ajoute: «Nous venons de recevoir le budget  FY23 du président, et il ne demande pas la croissance réelle dont nous avons besoin. Nous montrerons la diligence requise et ferons notre devoir constitutionnel, comme nous l’avons fait l’année dernière».

Ces thèmes ont été repris dans un éditorial du Wall Street Journal, qui s’est plaint de ce que «les dépenses de défense représenteront toujours environ 3,1  pour cent de l’économie» dans le cadre du budget de Biden.

Le Journalexplique qu’«à cette fin, la marine américaine, qui compte 298  navires, n’achèterait que neuf navires l’année prochaine et en retirerait 24. La flotte se réduirait à 280  navires en 2027, alors même que la marine affirme avoir besoin d’une flotte de 500  navires pour vaincre la Chine en cas de conflit. Cette tendance n’impressionnera pas Xi Jinping qui lorgne Taïwan».

Pire encore, écrit le Journal: «L’administration semble avoir annulé un programme qui vise à développer un missile de croisière nucléaire lancé en mer. C’est précisément le type d’arme conçu pour dissuader Poutine d’utiliser des armes nucléaires tactiques en Europe».

«Le Congrès peut faire beaucoup pour améliorer la demande du Pentagone, qui devrait être une base de référence. Les républicains suggèrent que le budget militaire doit augmenter de 5  pour cent en termes réels. Le Congrès devrait se fixer pour objectif de ramener les États-Unis à leur force de dissuasion des années de la guerre froide, lorsque les dépenses de défense représentaient 5  pour cent ou plus de l’économie», ajoute le Journal

Autrement dit, dans des conditions où le financement pour les mesures élémentaires de lutte contre la COVID-19 est sur le point de s’épuiser, les diverses sections de l’establishment politique américain exigent une augmentation de 70  pour cent des dépenses militaires.

(Article paru d’abord en anglais le 31 mars 2022)

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