Les remarques hostiles de l’UE après le sommet virtuel Union européenne (UE)-Chine de vendredi soulignent la montée des tensions mondiales provoquées par la guerre de l’OTAN contre la Russie en Ukraine. Les responsables de l’UE ont cherché à obtenir, sans succès, des garanties de Pékin que la Chine honorera les sanctions que Washington et les puissances de l’UE ont unilatéralement imposées à la Russie.
La période qui a précédé le sommet a été dominée par les menaces proférées contre la Chine par l’UE et les États-Unis, pendant qu’ils acheminaient des milliards de dollars en armes en Ukraine pour qu’elles soient utilisées contre les troupes russes. Au-delà des menaces de sanctions, les médias européens ont multiplié les dénonciations de la politique chinoise de Zéro COVID, tandis que le chef du commandement américain pour l’Indo-Pacifique, l’amiral John Aquilino, a appelé Washington et ses alliés à se «préparer à tout moment» à une guerre avec la Chine au sujet de Taïwan.
Le 25 mars, un haut fonctionnaire européen anonyme a déclaré à Politicoque l’UE disposait de «preuves très fiables que la Chine envisage de fournir une aide militaire à la Russie… Nous sommes préoccupés par le fait que la Chine flirte avec les Russes». Le fonctionnaire a déclaré que l’UE «imposerait des barrières commerciales à la Chine» si celle-ci aidait la Russie militairement ou financièrement, car «c’est le seul langage que Pékin comprend».
Des responsables américains avaient déjà affirmé que la Russie avait demandé une aide militaire à la Chine. Le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a demandé à la Chine de ne pas «sauver» la Russie des sanctions américano-européennes: «Nous veillerons à ce que ni la Chine ni personne d’autre ne puisse compenser la Russie pour ces pertes. En ce qui concerne les moyens spécifiques d’y parvenir, encore une fois, je ne vais pas tout exposer en public, mais nous en ferons part en privé à la Chine…»
L’ambassadeur chinois aux États-Unis, Qin Gang, a rejeté les affirmations de Sullivan, appelant à un règlement diplomatique de la guerre et niant que la Chine arme la Russie. «Ce que la Chine fait, c’est envoyer des aliments, des médicaments, des sacs de couchage et du lait maternisé, et non des armes ou des munitions à quelque partie que ce soit», a déclaré Qin. Il a ajouté: «Nous sommes contre les guerres, comme je l’ai dit… La relation de confiance entre la Chine et la Russie n’est pas un handicap. C’est un atout dans les efforts internationaux pour résoudre la crise de manière pacifique».
Les responsables chinois ont également brièvement exprimé l’espoir que le sommet UE-Chine pourrait relancer l’accord commercial UE-Chine négocié avec la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Emmanuel Macron en décembre 2020 peu avant que Merkel ne quitte ses fonctions. Toutefois, l’UE a suspendu la ratification de l’accord après avoir repris les affirmations américaines fausses et non fondées selon lesquelles la Chine mène un «génocide» contre la minorité ethnique ouïgoure dans sa province occidentale du Xinjiang, frontalière de la Russie.
Un autre point du sommet UE-Chine a été le gel par la Chine du commerce avec la Lituanie, une ancienne république soviétique balte, après que la Lituanie a mis en place une représentation commerciale officielle à Taïwan dans sa capitale, Vilnius. Les responsables chinois ont déclaré qu’ils considéraient cela comme une menace européenne de répudier la politique de la «Chine unique» et d’encourager Taïwan à se déclarer comme un État totalement indépendant. Certaines parties de l’establishment européen de la politique étrangère ont préconisé d’utiliser cette politique afin d’encourager certaines parties de la Chine continentale, comme le Xinjiang, la Mongolie-Intérieure ou le Tibet, à déclarer également leur indépendance, divisant ainsi la Chine.
Le vice-premier ministre lituanien Mantas Adomėnas a expliqué que ce qui motive cette politique est l’hostilité au communisme et au gouvernement chinois. «Nous voyons les menaces et les dangers qui découlent des politiques expansionnistes de la Chine communiste», a déclaré Adomėnas à la CBC. «Nous voulions freiner cela (…) et soutenir la démocratie à Taïwan».
Margarita Šešelgytė, directrice des relations internationales et des sciences politiques à l’université de Vilnius, a déclaré que la politique anti-chinoise de la Lituanie vise à obtenir une aide militaire américaine contre la Russie. Elle a déclaré: «Pour nous, être un petit pays à proximité de la Russie est un très mauvais scénario. Alors comment pouvons-nous devenir plus attrayants pour les États-Unis? En élargissant notre politique étrangère et en faisant également partie de la politique américaine dans la région asiatique».
Avec ces conflits explosifs, il n’est guère surprenant que les brèves déclarations officielles sur le sommet UE-Chine de vendredi indiquent qu’aucun accord n’a été conclu.
Après avoir rencontré le premier ministre chinois Li Keqiang et le président Xi Jinping, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a critiqué la position de la Chine sur l’Ukraine: «Nous avons échangé des points de vue très clairement opposés. Il ne s’agit pas d’un conflit. C’est une guerre». Elle a exigé que «la Chine devrait, sinon soutenir, du moins ne pas interférer avec nos sanctions [contre la Russie] (…) un entre-deux ne suffit pas».
«Nous resterons également vigilants sur toute tentative d’aide à la Russie», a déclaré le président du Conseil de l’UE, Charles Michel, lors de la conférence de presse avec Von der Leyen. Il a ajouté: «Nous avons fait part de nos inquiétudes quant au traitement que la Chine réserve aux minorités du Xinjiang et de la Mongolie-Intérieure, ainsi qu’au peuple du Tibet».
Des responsables chinois ont déclaré au South China Morning Post que Xi était favorable à ce que «l’UE joue un rôle de premier plan» dans les discussions sur l’Ukraine. Il a demandé aux responsables de l’UE de répondre aux préoccupations de sécurité de toutes les puissances, y compris la Russie. «La cause profonde de la crise ukrainienne réside dans les conflits de sécurité régionale qui se sont accumulés en Europe depuis longtemps. La solution fondamentale consiste à prendre en compte les préoccupations légitimes de sécurité de toutes les parties concernées».
Les puissances impérialistes n’ont cependant pas l’intention de donner des garanties de sécurité ni à la Russie ni à aucun autre pays dans leur ligne de mire. Le président russe Vladimir Poutine a sans aucun doute lancé une guerre sanglante en Ukraine, qui est réactionnaire et divise les travailleurs russes et ukrainiens. Toutefois, si Poutine a lancé la guerre et en porte la responsabilité politique, la Russie n’est ni la partie la plus puissante ni, en définitive, la plus agressive du conflit.
Alors que les troupes ukrainiennes et les milices d’extrême droite font match nul avec la Russie, il est évident que l’invasion de Poutine était un geste désespéré et préventif, l’OTAN ayant transformé l’Ukraine en une base lourdement armée directement à la frontière russe.
Depuis la dissolution stalinienne de l’Union soviétique en 1991, les puissances de l’OTAN et, surtout, les États-Unis cherchent à contrebalancer leur faiblesse économique croissante par la force militaire. Washington a mené des décennies de guerres de l’OTAN qui ont ravagé l’Irak, la Somalie, la Yougoslavie, l’Afghanistan, la Libye et la Syrie et coûté des millions de vies. En 2017, la stratégie de sécurité nationale des États-Unis a d’ailleurs déclaré que les objectifs militaires américains étaient de mener un «conflit entre grandes puissances» avec des pays comme la Russie et la Chine.
Ce sont ces conflits qui motivent le refus de Xi de couper les liens avec Moscou, pour l’instant du moins. Tandis que les responsables américains exigent un changement de régime en Russie, le renversement de Poutine et la restitution par la Russie de régions comme la Crimée à l’Ukraine, il est de plus en plus évident que les puissances de l’OTAN ont pour objectif d’écraser et de démembrer la Russie et la Chine. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré sans ambages que Washington vise à «détruire, briser, exterminer, étrangler l’économie russe et la Russie dans son ensemble».
Chris Johnson, un ancien agent de la CIA qui travaille sur la Chine, a déclaré au Financial Timesque Pékin craint un changement de régime en Russie sous la houlette des États-Unis. Selon lui, «s’ils envisagent même de fournir une assistance [à la Russie], cela en dit long sur […] les craintes chinoises de voir Poutine tomber. Un tel événement déclenchera un chaos à leur frontière nord, jamais vu depuis l’effondrement de l’Union soviétique.»
La seule solution progressiste aux politiques insouciantes et agressives des puissances impérialistes est la mobilisation de la classe ouvrière dans un mouvement international antiguerre. Alors que la Russie et la Chine peuvent utiliser leurs arsenaux militaires et nucléaires pour tenter de menacer l’OTAN, il est évident que le danger croissant de guerre ne dissuade pas les puissances de l’OTAN. Au contraire, elles risquent un affrontement militaire mondial qui pourrait dégénérer en guerre nucléaire, pariant que cela ouvre des possibilités de pillage sans précédent.
Dans un commentaire du Washington Postintitulé «L’Occident gagne les batailles économiques dans la guerre de Poutine contre l’Ukraine», Sebastian Mallaby, membre du Council on Foreign Relations, jubile: «L’économie de la Chine est bien plus importante et plus sophistiquée que celle de la Russie, mais elle semble nouvellement vulnérable». Mallaby spécule que Washington pourrait saisir les milliers de milliards de dollars que la Chine a gagnés au cours de décennies d’exportation de biens vers les marchés américains et européens, tout comme les États-Unis menacent de saisir les réserves de dollars russes que Moscou a gagnés en exportant du pétrole et du gaz vers les marchés mondiaux.
Il écrit: «Le stock de plus de trois mille milliards de dollars d’actifs en devises étrangères de Pékin semble moins puissant. Si les réserves de la Russie peuvent être gelées, celles de la Chine peuvent l’être aussi. De même, si la Russie ne peut plus générer un effet de levier à partir de ses exportations hautement concentrées – depuis son invasion de l’Ukraine, elle fournissait plus de la moitié du gaz naturel importé par l’Allemagne –, il semble peu probable que la Chine puisse lutter contre les sanctions en menaçant de réduire ses exportations d’appareils électroniques grand public.» Il s’agirait sans aucun doute de l’un des plus grands actes de vol impérialiste de l’histoire.
Pour éviter une telle explosion de conflit, les travailleurs de Chine, de Russie, d’Europe, des États-Unis et du monde entier doivent s’unir dans un mouvement d’opposition aux politiques insouciantes de guerre des grandes puissances capitalistes, dans un mouvement de lutte pour le socialisme.
(Article paru en anglais le 2 avril 2022)