Un cheminot du Canadien Pacifique licencié en vertu du régime disciplinaire draconien de l’entreprise prend la parole

Le syndicat des Teamsters a saboté la lutte des 3000 mécaniciens, chefs de train et agents de triage du CP en acceptant un arbitrage exécutoire la semaine dernière. Les termes de la décision de l’arbitre ont effectivement été dictés par la compagnie. Les déclarations initiales des deux parties indiquent qu’aucune considération ne sera accordée dans le processus truqué au régime brutal d’établissement des horaires du chemin de fer, qui oblige les travailleurs à conduire des trains lourdement chargés sans arrêt, ou au système disciplinaire draconien, en vertu duquel les travailleurs peuvent être licenciés pour la plus petite des infractions.

Le World Socialist Web Siteaide les travailleurs du rail à mettre sur pied le Comité des travailleurs de la base du CP afin d’organiser une rébellion contre le syndicat des Teamsters et de lutter pour ce dont les travailleurs ont réellement besoin pour garantir des conditions de travail sûres. Dans le cadre de cette lutte, nous avons parlé à un travailleur ferroviaire basé en Colombie-Britannique qui a été persécuté et licencié par l’entreprise en vertu de ses pouvoirs disciplinaires arbitraires. Nous encourageons les autres travailleurs de CP Rail à nous contacter à l’adresse cpworkersrfc@gmail.compour nous faire part de leurs propres expériences et contribuer à la construction du comité de la base.

«J’ai récemment été licencié pour une prétendue consommation de drogue», a déclaré le travailleur à un journaliste du WSWS. «C’est un problème majeur que j’ai vu au cours des 10 années où j’ai travaillé dans cette industrie et qui n’a fait qu’empirer avec la légalisation de la marijuana par le gouvernement canadien».

Gare de triage du Canadien Pacifique, Port Coquitlam (C.-B.) (Roy Luck/Flickr)

«Presque exactement deux ans avant mon licenciement, le CP a mis en place une nouvelle politique en matière de drogues et d’alcool qui prévoyait une tolérance zéro pour la consommation de THC et donnait à l’entreprise la possibilité d’effectuer des tests d’urine. Ils effectuent des tests pendant 28 jours pour toute raison qu’ils jugent conforme aux critères, ce qui était courant dans la plupart des lieux de travail sensibles à la sécurité avant la légalisation.

«J’ai vu cinq de mes collègues perdre leur emploi à cause de cette nouvelle politique. Le CP a pris l’engagement que si un employé ayant un problème de drogue ou d’alcool se manifestait, il serait soutenu par l’entreprise et ne serait pas puni, à condition que cette révélation ait lieu avant un incident.

«J’avais des problèmes d’alcool depuis des années, ce qui m’a donné l’occasion de devenir sobre et d’améliorer non seulement mon travail, mais aussi ma vie. J’ai donc saisi l’occasion et j’ai été immédiatement retiré du service, soumis à un interrogatoire rigoureux et à une consultation comme il se doit. Je suis allé dans un centre de traitement pendant un mois pour apprendre à gérer cette maladie. Et quand j’en suis sorti, le CP m’a permis de revenir au travail à condition de rester sobre pendant deux ans et de participer à un suivi une fois par mois.

«L’entreprise m’a demandé des comptes en prélevant deux échantillons de cheveux tous les trois mois pendant deux ans. L’un était pour l’alcool et l’autre pour une panoplie de drogues. J’ai subi ces tests pendant 2 ans et j’ai bien fait mon travail pendant cette période. Après deux ans et mon dernier test, je reçois un appel me retirant du service pour un test de dépistage de drogues positif. Le problème, c’est que je ne touche pas au THC. La quantité positive était si incroyablement faible qu’elle n’aurait jamais pu provoquer une intoxication.

«L’entreprise n’y croyait pas. Ainsi, le lendemain de mes résultats, je me suis rendu dans un centre de dépistage établi sur le lieu de travail et j’ai fait prélever un autre échantillon de cheveux à mes frais, qui s’est révélé négatif au THC. Cette preuve n’était toujours pas suffisante pour l’entreprise, qui avait décidé de se débarrasser de moi pour une raison quelconque. S’ils avaient suivi leur propre politique, ils auraient dû traiter cela comme une rechute et me proposer une aide après deux ans de sobriété. Mais non, ils m’ont licencié et m’ont laissé sans rien».

Le travailleur pense que l’entreprise utilise ces mesures disciplinaires pour se débarrasser des employés qui refusent d’accepter les conditions de travail dangereuses produites par les procédures de fonctionnement du CP. «J’ai été coprésident H&S (santé et sécurité) pendant 4 ans et je viens d’être réélu à ce poste», nous a-t-il dit. «Je n’avais pas d’incidents antérieurs avec l’entreprise. J’ai l’impression que ce qui m’a fait virer, c’est ma position en matière de santé et de sécurité qui les rendait responsables de la sécurité. C’est triste de voir qu’ils peuvent être aussi mesquins que de falsifier un test de dépistage de drogue pour évincer un employé qui fait son travail pour son syndicat, l’entreprise et les employés.

«Je pense que je tapais sur les nerfs de la direction parce que je lui faisais rendre des comptes et que je représentais les employés. Ils n’ont pas apprécié les problèmes de sécurité que j’ai soulevés. Ils essaient toujours de contourner et d’outrepasser les règles de sécurité.

«C’est fou la façon dont ils voient les choses. J’ai été licencié pour quelque chose que je n’ai pas fait, et le CP a tout de suite dit que j’étais coupable. Le syndicat n’a rien fait à ce sujet. C’est toujours la faute de l’employé. Le seul moyen qu’ils ont trouvé pour se débarrasser de moi était de faire un faux test de dépistage de drogues».

Il poursuit en expliquant que son expérience est loin d’être unique. «Quand j’ai commencé au CP, ils traitaient les employés raisonnablement, ils nous traitaient bien», a-t-il dit. «Ils ne punissaient pas constamment les gens comme ils le font maintenant. Mais, trois ans après le début de ma carrière, Hunter Harrison est arrivé et a tout foutu en l’air au CP. À partir de ce moment-là, j’ai vu 15 personnes être licenciées pour des choses ridicules et insignifiantes. Je suis d’accord avec des procédures de sécurité sérieuses, mais ils surchargent totalement l’arbitrage avec des violations de sécurité mineures. En raison de l’arriéré, vous devez attendre deux ans pendant qu’ils font une enquête. Donc, la compagnie continue de harceler les gens avec des choses déraisonnables.

«Lorsqu’il y a un incident, le CP examine le temps que vous avez manqué, et vous serez considéré comme un employé d’un certain niveau, et l’enquête ne va pas aller en votre faveur. Peu importe le temps que vous avez consacré, l’entreprise et la direction vous traitent comme un déchet. Si vous ne faites pas ce qu’ils disent, ils vous vireront.

«Les directeurs sont responsables des tests de compétence [une sorte de quota d’échecs], et s’ils n’atteignent pas le quota d’échecs, ils sont pénalisés. Ainsi, ils sont constamment à l’affût des “échecs”des travailleurs qui ne servent qu’à les blâmer lorsque des accidents se produisent.»

Il a détaillé comment ce climat d’oppression crée les conditions pour que les conditions de travail dangereuses et les accidents prolifèrent. «Le CP utilise des tactiques de peur pour empêcher les travailleurs de porter plainte», a commenté le travailleur. «Ils disent “la sécurité d’abord”, mais en réalité, le chemin de fer c’est allez, allez, allez! Nous n’avons pas le temps de nous arrêter. On nous presse pour faire n’importe quoi.

«Il y a moins de tests de freins à air de nos jours, et on attend de nous que nous déplacions plus de grain, plus rapidement. Il y a moins de tests sur les équipements, moins d’entretien, et le gouvernement le permet.

«Rien n’est jamais fait après les accidents. En fait, ils en font moins, ce qui a été prouvé lors de l’accident de Field. Et le gouvernement est tout à fait d’accord.

«Je connais un vieil homme qui s’est blessé au bras, et le CP a prétendu qu’il mentait pour s’en prendre à la compagnie. Alors, ils l’ont intimidé et harcelé jusqu’à ce qu’il prenne une retraite anticipée. C’est honteux. Les RH n’ont rien fait à ce sujet parce qu’ils sont de mèche avec le CP et qu’ils soutiennent le côté du CP et non le travailleur qui a déposé la plainte».

Il poursuit: «L’accident de Field est un parfait exemple où les choses sont allées trop vite. C’est totalement dégoûtant de la part du CP. Heureusement que c’était du grain qui était transporté et pas autre chose, sinon ça aurait pu être encore pire. Tout cela parce que les gars sont pressés par la direction et sont incapables de suivre les procédures appropriées et de faire l’entretien adéquat.

«À mon avis, l’accident de Field s’est produit parce que le train n’était pas arrimé (en sécurisant le train stationné avec des freins à main). Mais je vois encore des trains qui ne sont pas arrimés, donc le CP ne suit pas ses propres politiques parce qu’il se dépêche de faire monter et descendre les équipes de ces trains. Ils doivent les faire descendre après 10 heures de travail, alors ils les font rouler jusqu’au bout et se dépêchent de les faire descendre pour ne pas avoir le temps d’attacher le train.

«Je pense qu’il s’agissait d’un jour férié et qu’il y avait une forte pression pour que l’équipe sorte de là, donc ils ont été expédiés du train. Le train est resté sans freins à main et sans personne pour surveiller le débit d’air des freins. La nouvelle équipe n’a pas été envoyée sur le train avant un certain temps, suffisamment longtemps pour que les wagons se vident de leur air et que les locomotives soient arrêtées et ne pompent pas d’air dans les wagons. Il y avait donc un manque total d’air dans les réservoirs dont on a besoin pour maintenir une pression de freinage stable.

«Lorsque la nouvelle équipe est arrivée, le train a commencé à rouler, bien que les freins indépendants aient été actionnés. Il faut se rappeler qu’il y avait des wagons à céréales entièrement chargés et qu’ils se trouvaient sur une pente raide. Lorsque l’air a commencé à s’échapper, le train s’est mis à rouler. À ce moment-là, vous ne pouvez plus rien faire. Il n’y a plus d’air et plus de contrôle. Une fois que l’élan est lancé, il n’y a pas moyen de l’arrêter. Le mécanicien a fait de son mieux pour l’arrêter, mais on ne peut pas le faire sans air. Il aurait dû sauter tout de suite, mais ils sont restés et ont essayé de sauver le train.

«Ce lieu d’accident est le pire au Canada. Cet endroit aurait dû avoir des protocoles spécifiques, surtout par temps froid. Il n’y a pas d’excuse pour que cela se produise. C’est inacceptable.»

En ce qui concerne la lutte actuelle, le travailleur a fait remarquer que le CP a engrangé des bénéfices massifs pendant la pandémie, alors qu’il a exposé sa main-d’œuvre au risque d’infection par un virus potentiellement mortel. «L’entreprise s’est extrêmement bien débrouillée», a-t-il déclaré. «Tout au long de la pandémie, ils ont eu les meilleurs trimestres qu’ils n’aient jamais eus! Le CP fait des profits fous. Pourquoi ne veulent-ils pas garder leurs employés heureux? Ce sont eux qui font tourner l’économie.

«Le CP gruge nos conditions à chaque contrat. Ils voulaient garder le contrat secret parce qu’ils savaient que cela mettrait les membres en colère. Avant, la pension n’était jamais plafonnée. Mais maintenant, elle est plafonnée, donc vous ne pouvez pas augmenter votre pension au-delà d’un certain montant. Lorsque quelqu’un de mon âge prendra sa retraite dans quelques décennies, cette pension ne sera pas suffisante pour vivre. Vous avez besoin de cette pension ouverte. C’est vraiment décourageant de voir l’entreprise supprimer la pension des employés. Ce travail n’est pas aussi bon que les gens peuvent le penser.»

Il ajoute: «L’objectif de l’entreprise est d’avoir un seul gars dans la cabine et que le train roule tout seul. Mais bien souvent, vous devez “marcher avec le train”. C’est une grande partie de l’avantage d’avoir deux personnes. Si le train passe en mode d’urgence, il freine et s’arrête instantanément. Le chef de train doit sortir et déterminer quel est le problème, et il doit y remédier. Il est toujours bon d’avoir une paire de personnes pour se protéger mutuellement. Supprimer cette deuxième personne pour économiser de l’argent... Allons donc!»

«Vous informez le syndicat des violations de contrat et il vous dit simplement de déposer un grief, mais pendant ce temps vous continuez à travailler et le processus peut prendre jusqu’à deux ans ou plus.

«Il y a tellement d’argent et de collusion avec le gouvernement et les responsables syndicaux que cela s’est transformé en une immense clique.»

Interrogé sur ce pour quoi, selon lui, le Comité des travailleurs de la base du CP devrait se battre, il a répondu: «Des heures plus raisonnables, de meilleures horaires pour les trains. On attend de vous que vous conduisiez un train à midi, vous planifiez votre journée en fonction de cela et puis tout d’un coup vous n’êtes pas appelé pendant 6 heures. Ou vous êtes appelé au milieu de la nuit et vous devez conduire un train pendant 10 heures sans arrêt. Les gars devraient être reposés quand ils transportent des millions de tonnes de marchandises à travers les montagnes.

«Votre vie, c’est l’entreprise. Votre vie réelle est secondaire par rapport au travail. Vous passez plus de temps au travail, à attendre un appel téléphonique ou à planifier votre emploi du temps qu’à vivre votre vie réelle. Le syndicat ne fait rien. Ils disent: “Si ça ne vous plaît pas, ne travaillez pas.”»

(Article paru en anglais le 26 mars 2022)

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