Les médias bourgeois reprennent les paroles du bataillon Azov

Plus d’un mois après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les médias bourgeois occidentaux transmettent désormais sans critique des informations qui proviennent du bataillon fasciste Azov.

Pendant le coup d’État de 2014, soutenu par les États-Unis, contre le président élu Viktor Ianoukovitch, la position générale des médias occidentaux à l’égard de Kiev était peu critique, minimisant ou ignorant le rôle de premier plan joué par les forces fascistes dans la chute du gouvernement Ianoukovitch.

Véhicules blindés du régiment Azov à Marioupol [Photo: Wanderer777/CC BY-SA 4.0/Wikimedia] [Photo by Wanderer777 / CC BY-SA 4.0]

Ces forces, dont le parti Svoboda et le Secteur droit dont est issu le bataillon Azov, se placent ouvertement dans la tradition des organisations collaborationnistes nazies telles que l’OUN-B et l’UPA responsables du massacre de dizaines de milliers de Juifs, de Polonais ainsi que de civils ukrainiens pendant la Seconde Guerre mondiale.

La présence de forces néonazies importantes en Ukraine était si flagrante qu’après le coup d’État de 2014 et le déclenchement de la guerre civile dans la région orientale du Donbass, plusieurs médias tels que Time, USA Today, le New York Timeset d’autres ont publié des articles qui admettaient qu’en effet, les soldats les plus dévoués au sein des forces armées ukrainiennes étaient des néonazis.

Dans un article de 2015 d’USA Todayintitulé «Une unité de volontaires ukrainiens comprend des nazis», le porte-parole du bataillon Azov, Andriy Diachenko, a admis que 10 à 20 pour cent des membres d’Azov étaient des néonazis.

Le magazine Time a noté dans un article de janvier 2021 intitulé «Comment une milice suprémaciste blanche utilise Facebook pour radicaliser et former de nouveaux membres» (How a white-supremacist Milita uses Facebook to Radicalize and Train New Members) que l’idéologie et l’histoire néonazies d’Azov étaient indéniables.

En ce qui concerne le fondateur d’Azov, Andriy Biletsky, et son ancien groupe Patriote d’Ukraine, Timea rapporté que «le surnom de Biletsky au sein du groupe était Bely Vozhd, ou “Leader blanc”, et son manifeste semblait puiser son récit directement dans l’idéologie nazie. Les nationalistes ukrainiens, disait-il, doivent “mener les nations blanches du monde dans une croisade finale pour leur survie. C’est une croisade contre les Untermenschen dirigés par les Sémites”, un terme allemand pour “sous-hommes”, qui trouve ses racines dans la propagande nazie».

Même si les États-Unis acheminaient des milliards de dollars en armes vers les forces militaires et paramilitaires ukrainiennes, les articles relatifs à Azov tentaient souvent de distancier les États-Unis du soutien apporté à Azov. Ainsi, un article du New York Times de 2015 sur les milices d’extrême droite ukrainiennes tentait de rassurer ses lecteurs en rapportant, sans esprit critique, que «les Américains ont l’interdiction formelle de donner une formation [militaire] aux membres du groupe Azov».

Un message partagé sur le site du bataillon Azov montre ses membres avec des représentants de l’armée américaine et canadienne en 2017. Le message a été supprimé depuis.

En réalité, les photos montrent que des officiers américains participent depuis longtemps à la formation des membres du bataillon Azov.

Aujourd’hui, avec la guerre par procuration de l’OTAN contre la Russie en Ukraine, toutes ces excuses des médias ont été abandonnées. Le bataillon Azov est intégré à la garde nationale ukrainienne et joue désormais un rôle de premier plan dans la guerre, surtout à Marioupol, une ville à prédominance russophone du sud de l’Ukraine, dont le contrôle revêt une importance stratégique capitale.

Tandis que les médias occidentaux jouent un rôle crucial dans la diffusion de la propagande impérialiste sur la guerre, les «informations» du bataillon Azov sont maintenant propagées directement aux audiences occidentales, souvent sans aucune mention de ses liens avec les néonazis.

Le correspondant en chef de la NBC pour la politique étrangère, Richard Engel, a été le premier à blanchir Azov lorsqu’il a montré, début février, le bataillon Azov qui entraînait les habitants de Marioupol au maniement des armes et aux premiers secours. Malgré le fait que l’utilisation par Azov de l’insigne Wolfsangel, associé aux SS d’Hitler pendant la Seconde Guerre mondiale, était clairement identifiable, Engel n’a pas du tout mentionné Azov.

Le 22 mars, CBS News a publié une défense d’Azov intitulée «Le bataillon Azov: Comment Poutine a établi une fausse prémisse pour la guerre contre les “nazis” en Ukraine».

Dans cet article, CBS citait Ruslan Leviev, un analyste de la Conflict Intelligence Team, comme expert dans sa défense d’Azov.

Leviev a carrément menti à CBS: «Il n’y a pas de bataillons nazis en Ukraine».

«Il y a le régiment (d’Azov)… Il y a (selon les estimations) plusieurs milliers de personnes qui sont dans ce régiment. C’est effectivement un groupe dont de nombreux membres adhèrent à des opinions nationalistes et d’extrême droite. Mais beaucoup de gens le rejoignent aussi parce que c’est l’une des unités les mieux préparées et les plus aptes à faire la guerre», a assuré Leviev à CBS.

Plus tard, le 1er avril, CNN a diffusé dans le cadre de l’émission «Erin Burnett Upfront» une vidéo du capitaine Bohdan Krotevych du bataillon Azov affirmant que les forces russes avaient créé «des montagnes de cadavres dans les rues», notant que Krotevych fait partie d’un «bataillon d’extrême droite ultra-nationaliste».

Mais cette révélation n’a eu aucun impact sur Burnett, qui a répété les accusations de Krotevych comme si c’était la pure vérité. Burnett a également relayé l’affirmation de Krotevych selon laquelle le bombardement de Marioupol avait tué 400 personnes, soit 100 de plus que le nombre largement cité de 300 morts.

Le 29 mars, CNN a publié un article intitulé «Un bataillon d’extrême droite a un rôle clé dans la résistance ukrainienne. Son histoire néonazie a été exploitée par Poutine», défendant Azov comme une «force de combat efficace» et qualifiant son idéologie néonazie d’affaire du passé.

Après avoir couvert la myriade d’incidents fascistes violents et cité longuement ses dirigeants, l’article dénonce toute remise en question des informations qui proviennent d’Azov concernant la guerre, comme le bombardement du théâtre de Marioupol, qualifiant ce geste de «désinformation russe».

Malgré les efforts déployés pour aseptiser Azov, le reportage était trop véridique pour la bourgeoisie ukrainienne, puisque le député Serhiy Taruta a publié une lettre ouverte et a appelé sur Facebook CNN à cesser de publier de la «propagande russe».

De sérieuses questions subsistent concernant le bombardement du théâtre de Marioupol. La Russie a accusé Azov de l’avoir fait exploser dans le cadre d’une opération sous fausse bannière visant à obtenir un soutien pour une zone d’exclusion aérienne en Ukraine. Quelle que soit la nature du bombardement, les médias et les gouvernements occidentaux s’en sont rapidement emparés pour appeler à une intensification de la campagne de guerre anti-russe.

Comme l’a rapporté Max Blumenthal sur GrayZone, les photos du bombardement du théâtre par le bataillon Azov ont été rapidement diffusées par les médias occidentaux, sans qu’il soit précisé qu’elles avaient été prises par une milice néonazie.

Le commandant adjoint du bataillon Azov, Svyatoslav Palamar, a été largement utilisé comme source sur la situation à Marioupol, notamment par CNN, le NewYorkPostet le Telegraph. Là encore, on n’a fait aucune mention de l’idéologie néonazie d’Azov.

Blumenthal a également noté que les reportages des médias occidentaux sur l’attentat se fondaient en grande partie sur les tweets de la journaliste du site Kyiv Independent, Illia Ponomarenko, qui a admis avoir été «consacrée» dans le bataillon Azov.

Illia Ponomarenko a acquis une grande popularité sur Twitter depuis le début de l’invasion russe et sert de relais à la propagande de guerre ukrainienne auprès du public occidental.

Un message Twitter d’Illia Ponomarenko montrant des soldats russes morts

Une meneuse pour le nationalisme ukrainien et la guerre, Illia Ponomarenko partage régulièrement des photos macabres de soldats russes morts et appelle l’OTAN à intervenir dans la guerre au nom de l’Ukraine. Cela contribue ainsi à une campagne de médias sociaux menée par les forces armées ukrainiennes et l’extrême droite, qui viole directement la Convention de Genève sur le traitement humain des prisonniers de guerre.

Il est à noter que l’employeur de Ponomarenko, le tout nouveau site web Kyiv Independent, est financé par l’impérialisme occidental, notamment par le National Endowment for Democracy des États-Unis et l’European Endowment for Democracy de l’Union européenne.

Plus récemment, des photos du meurtre apparent de civils à Bucha sont apparues sur les comptes de médias sociaux de personnalités telles que Ponomarenko et le «militant» d’extrême droite Serhii Sternenko. Les photos et les reportages ont ensuite été transmis aux médias occidentaux, qui s’en sont à nouveau emparés pour demander un renforcement des sanctions contre la Russie et la poursuite du président Vladimir Poutine en tant que criminel de guerre.

Les légendes des photos publiées par le New York Times indiquent que les soldats du bataillon Azov ont été parmi les premiers à entrer dans Bucha le 2 avril, après que les forces russes ont quitté la ville le 30 mars. Malgré ce fait, les affirmations d’un massacre russe gratuit sont promues sans critique, tandis que ceux qui demandent une enquête avant tout jugement sont traités de «trolls russes».

(Article paru en anglais le 6 avril 2022)

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