Tout indique que le Canada se trouve au milieu d’une sixième vague de la pandémie de la COVID-19, déclenchée par l’émergence du sous-variant BA.2 d’Omicron et alimentée par les politiques de laisser-aller des gouvernements aux niveaux fédéral et provincial.
Dans tout le pays, le nombre de cas, d’hospitalisations et de décès est en hausse après avoir atteint un creux il y a moins de trois semaines. La cinquième vague de la pandémie, déclenchée par le sous-variant BA.1 d’Omicron, a produit le plus grand nombre d’infections et d’hospitalisations jamais enregistré, et le troisième plus grand nombre de décès de toutes les vagues de la pandémie. Plus de 6.500 Canadiens ont succombé à la maladie au cours de la première vague d’Omicron, un variant que les grands médias n’ont cessé de qualifier de «bénin».
Certaines régions du pays, comme les Maritimes et les territoires du Nord, connaissent la pire phase de la pandémie. L’Île-du-Prince-Édouard, qui compte à peine 157.000 habitants, a enregistré plus de 2.200 cas par million d’habitants le 2 avril. Ce taux d’infection est plus élevé que celui de toute autre province Canada ou de tout autre État des États-Unis. Les Territoires du Nord-Ouest, dont la population n’est que de 45.000 habitants, arrivent juste derrière avec près de 2.000 cas par million d’habitants.
Le 6 avril, plus de 13.500 nouvelles infections ont été officiellement enregistrées dans tout le pays. Ce chiffre est certainement et largement un sous-dénombrement en raison de la décision des gouvernements provinciaux de limiter l’accès aux tests PCR aux personnes les plus vulnérables cliniquement. Dans la seule province du Québec, les épidémiologistes estiment qu’entre le 24 et le 29 mars, 18.000 à 32.000 personnes ont été infectées quotidiennement par le BA.2.
La Dre Tara Moriarty, spécialiste des maladies infectieuses à l’Université de Toronto, estime qu’au 31 mars, plus de 136.000 personnes à travers le pays ont contracté la maladie. Si l’on compare les chiffres officiels du gouvernement aux estimations de la Dre Moriarty, on constate que les premiers sous-estiment le nombre d’infections par au moins un facteur de 10. Elle est la co-auteure d’un rapport de la Société royale du Canada publié au milieu de l’année 2021, qui documente le vaste sous-dénombrement des décès dus à la COVID-19 par le gouvernement.
La Dre Moriarty estime que dans la province la plus peuplée du pays, l’Ontario, qui compte 14,5 millions d’habitants, environ 40.000 personnes ont été infectées par le BA.2 le 31 mars. En Alberta, la Dre Moriarty estime que 37.000 personnes ont été infectées le 31 mars, pour une population de 4,3 millions d’habitants. Le gouvernement de droite du Parti conservateur uni de la province, dirigé par le premier ministre Jason Kenney, a été le fer de lance du démantèlement des mesures de santé publique et de la minimisation de la menace que représente la COVID-19.
Même la Table de consultation scientifique de l’Ontario, un groupe consultatif gouvernemental sur la COVID-19 qui minimise régulièrement la gravité de la pandémie, a tiré la sonnette d’alarme quant à un «raz-de-marée» d’infections de l’ordre de 100.000 à 120.000 nouvelles infections par jour, sur la base de la surveillance des eaux usées. Compte tenu de ce chiffre, la moitié de la population de la province pourrait être infectée en un peu plus de deux mois. Les données provenant de la surveillance des eaux usées dans tout le pays corroborent les projections du Dre Moriarty ainsi que celles d’autres épidémiologistes sérieux.
Selon le site web d’agrégation covid19tracker.ca, le nombre d’hospitalisations quotidiennes à l’échelle nationale s’élevait à 4.957 au 8 avril, soit une augmentation de plus de 16% par rapport à la semaine précédente. Ce chiffre est presque aussi élevé que le pic de la deuxième vague de la pandémie à l’hiver 2020, et est en voie de dépasser le pic des 10.000 hospitalisations lors de la précédente vague du BA.1. Le 4 avril, le Québec a signalé une augmentation de 40% des hospitalisations liées à la COVID-19 au cours des deux semaines précédentes.
Le nombre de décès quotidiens augmente à nouveau après trois semaines de stabilité à 40 par jour. Les décès étant un indicateur tardif de la gravité de la pandémie, le nombre de décès quotidiens devrait monter en flèche au cours des prochaines semaines. Les estimations de la Dre Moriarty soulignent que le bilan officiel des décès continue d’être largement sous-estimé, avec une estimation de 165 décès dus à la COVID-19 au 31 mars, contre un bilan officiel de 39.
Cet immense écart entre les décès déclarés et estimés liés à la COVID-19 est dû au nombre limité de tests effectués sur les personnes décédées. Seul le Québec effectue systématiquement des tests de la COVID-19 sur les personnes suspectées d’avoir succombé à la maladie, tandis que les autres provinces balaient sous le tapis le nombre croissant de décès excédentaires.
L’impact potentiel à long terme de la «COVID longue», qui affecte environ 10 à 30% de tous ceux qui contractent la maladie, est ahurissant. Les études préliminaires sur la «COVID longue» montrent des effets débilitants sur les principaux organes du corps, comme le cerveau, ainsi que sur les systèmes cardiovasculaire, gastro-intestinal et même reproductif. Comme on estime qu’un tiers de la population canadienne totale a été infecté par la COVID-19 depuis le début de la pandémie, entre 1,25 million et 3,76 millions de personnes vivront et mourront avec les effets chroniques de la maladie pendant des années et des décennies.
Avec l’approbation du gouvernement fédéral de Trudeau, tous les gouvernements provinciaux ont réagi à l’émergence du «convoi de la liberté», un mouvement d’extrême droite, au début du mois de février, en se ralliant à ses demandes fascistes d’élimination de toutes les mesures de santé publique. En conséquence, le dépistage public généralisé et la recherche des contacts, les limites de capacité à l’intérieur, les protocoles d’isolement après infection et les obligations de porter le masque ont été éliminés dans la majorité des provinces.
Les écoles du pays ont toujours été des incubateurs pour la pandémie. Malgré cela, la grande majorité des provinces et des commissions scolaires ont éliminé les obligations de porter le masque. Seuls le Québec, l’Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve-et-Labrador et les territoires nordiques du Yukon, du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest exigent encore que les enfants portent des masques. De plus, les parents ont été découragés d’informer l’école de leur enfant d’un cas positif dans leur foyer. Les exigences en matière d’auto-isolement ont été réduites au point que certains enfants peuvent retourner en classe presque immédiatement après une infection.
Pareillement, dans tout le pays, les milieux de travail permettent aux travailleurs infectés de retourner au travail dans les cinq jours suivants l’infection, ce qui signifie qu’ils sont toujours contagieux. Étant donné que les gouvernements provinciaux ont éliminé le dépistage généralisé, il ne fait aucun doute que des milliers de travailleurs se rendent au travail alors qu’ils sont infectés, certains sans symptôme évident, ce qui garantit que la pandémie se poursuivra à perpétuité.
La prochaine étape du plan gouvernemental visant à mettre en œuvre le programme «des profits avant les vies» soutenu par la grande entreprise, consiste à démanteler méthodiquement même la collecte et la publication de données, tout en mentant carrément sur l’impact continu du virus sur les individus et la société.
Seuls le Québec et l’Ontario continuent de fournir des rapports quotidiens sur la pandémie, bien que les gouvernements à l’hôtel du Parlement et à Queen’s Park travaillent sans doute fébrilement pour renverser cette situation. Cette semaine, la Colombie-Britannique a mis fin aux rapports quotidiens, et les autres provinces sont passées à des rapports hebdomadaires peu après la fin de la cinquième vague.
La presse contrôlée par la grande entreprise, qui, tout au long de la pandémie, a rapporté sans critique des mensonges sur le virus pour justifier sa propagation dans la population, réduit également sa couverture. Cette tendance est illustrée par la décision de CBC News de mettre fin à son populaire suivi quotidien de la COVID-19, sans justification légitime.
Les dirigeants politiques aux niveaux provincial et fédéral continuent de minimiser la gravité de la phase actuelle de la pandémie. Theresa Tam, l’administratrice en chef de la santé publique nommée par les libéraux, a déclaré que le nombre d’hospitalisations et d’admissions s’était «stabilisé», avant de proclamer que «le système de santé du Canada devrait résister à cette recrudescence».
Un langage similaire a été utilisé par le premier ministre ontarien de droite Doug Ford, qui a qualifié la résurgence de la pandémie, quelques semaines seulement après la cinquième vague, de «petite hausse» que la province serait en mesure de «gérer».
Le premier ministre conservateur du Québec, François Legault, qui a récemment contracté la COVID-19, a qualifié la maladie de «rhume, à peu près», avant d’insister sur le fait que «nous devrons apprendre à vivre avec le virus». Par «nous», l’ancien PDG d’Air Transat ne faisait pas référence à la grande entreprise, aux millionnaires et aux milliardaires que lui et son gouvernement représentent et qui ont été gavés d’allégements fiscaux et de subventions tout au long de la pandémie. Il faisait plutôt référence à la classe ouvrière, qui a subi un déclin sans précédent de son espérance de vie et de sa situation socio-économique au cours des deux dernières années.
(Article paru en anglais le9 avril 2022)