Le premier ministre britannique Boris Johnson revendique le titre de premier belliciste d’Europe

Samedi 8 avril, le premier ministre britannique Boris Johnson a rendu visite au président ukrainien Volodymyr Zelensky à Kiev, une visite qui n’était pas annoncée mais était prévue depuis des semaines.

Pour Johnson, qui représente les puissances de l’OTAN qui envoient des quantités stupéfiantes d’armes létales à l’Ukraine, la visite était une opération photo écœurante destinée à le présenter comme le plus fervent belliciste d’Europe.

Des médias complaisants ont célébré cette visite en en faisant leur première page. Le Sunday Timesa publié une photo de Johnson et Zelensky suivi d’un garde armé menaçant, sous le titre «BROTHERS IN ARMS».

Le premier ministre britannique Boris Johnson rencontre Volodymyr Zelensky à Kiev, en Ukraine. 09/04/2022. Photo fournie par le gouvernement ukrainien. (Numéro 10/Flckr)

Johnson a également calculé que ce voyage dans une zone de guerre détournerait l’attention d’un gouvernement embourbé dans la crise qui a supervisé plus de 190.000  décès dus au COVID et qui fait l’objet d’une enquête de la police métropolitaine au sujet de fêtes organisées pendant les confinements pandémiques. Des millions de travailleurs font face à une crise du coût de la vie et à ce que le gouverneur de la Banque d’Angleterre a décrit comme un «choc historique» pour leurs revenus.

Au moment où Johnson partait pour Kiev, le ministre des Finances Rishi Sunak risquait de tomber dans l’oubli politique en raison du statut ‘non domiciliaire et non-contribuable britannique’ [vivant en GB sans payer d’impôts] de sa femme, issue d’une des familles les plus riches de l’Inde.

Le Mail on Sunday a décritle besoin urgent qu’avaitJohnson de se rendre à Kiev: «Le mois dernier, on a rapporté que le premier ministre avait demandé à des responsables d’examiner l’aspect pratique et la valeur d’un voyage dans la capitale ukrainienne pour des entretiens avec son homologue ukrainien… À l’époque, les responsables de la sécurité avaient “piqué une crise” à l’idée que Johnson pouvait se rendre dans une zone de guerre. Mais une source de Whitehall a déclaré que le premier ministre “voulait y aller” si cela pouvait fonctionner».

Quoi qu’il en soit, le dangereux voyage eut lieu. Il suivait de peu la visite la veille de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, aux côtés du chef de la politique étrangère de l’UE, Josep Borrell. Le ministère ukrainien de la Défense a tweeté: «Nous accueillons Boris Johnson à Kiev, premier dirigeant du G7 à arriver en Ukraine depuis le début de la guerre à grande échelle. Nous renforçons notre union des démocraties. Soyez courageux, comme Boris. Soyez courageux, comme l’Ukraine».

Johnson a établi le programme militariste de sa visite la veille lors d’une conférence de presse à Downing Street aux côtés du chancelier allemand Olaf Scholz. Il a une nouvelle fois fait des remarques sur la dépendance de l’Allemagne des approvisionnements énergétiques russes: «Nous ne pouvons pas transformer nos systèmes énergétiques respectifs du jour au lendemain, mais nous savons aussi que la guerre de Poutine ne prendra pas fin du jour au lendemain. C’est pourquoi la Grande-Bretagne et l’Allemagne se sont jointes à des dizaines d’alliés pour fournir des armes défensives à l’Ukraine. La semaine dernière, le Royaume-Uni a organisé une conférence de donateurs qui a permis de réunir des armes et des équipements pour l’Ukraine d’une valeur de plus de 1,5  milliard de livres sterling. Cela fait 2,5  millions d’articles militaires».

Les commentaires de Johnson confirment que l’OTAN mène une guerre par procuration contre la Russie. Le matériel militaire est fourni par les puissances occidentales. Les troupes ukrainiennes mènent les combats. Johnson a annoncé encore plus de livraisons massives d’armes: «Le Royaume-Uni va envoyer pour 100  millions de livres sterling supplémentaires de matériel militaire de haute qualité aux forces armées ukrainiennes, y compris davantage de missiles antiaériens Starstreak qui volent à trois fois la vitesse du son, 800  autres missiles antichars. Enfin nous envoyons des munitions de précision, capables de rester dans le ciel jusqu’à ce qu’elles soient dirigées vers leur cible».

«Nous enverrons également davantage de casques, de dispositifs de vision nocturne et de gilets pare-balles, en plus des 200.000  pièces d’équipement militaire non létal que le Royaume-Uni a déjà expédiées».

En Ukraine, Johnson a déclaré, à propos de la décision de Moscou de se retirer des abords de Kiev, que Poutine avait « subi une défaite, mais son retrait est tactique et il va intensifier la pression maintenant dans le Donbas et dans l’Est».

La Grande-Bretagne ferait plus que doubler sa garantie de prêt à l’Ukraine par l’intermédiaire de la Banque mondiale, pour la porter à 1  milliard de dollars, sous réserve de l’approbation du Parlement, a promis Johnson. Les tarifs douaniers seront libéralisés pour la plupart des exportations ukrainiennes vers le Royaume-Uni et les contrôles douaniers seront allégés.

Le ministère ukrainien de la Défense a tweeté, à propos d’une courte sortie dans la rue de Zelensky et Johnson, «Voilà à quoi ressemble la démocratie».

Quelle imposture! Le gouvernement de Zelensky, élu en 2019, a développé les liens les plus étroits avec les troupes de choc d’extrêmes droites telles que le Secteur droit et le parti néonazi Svoboda. Ces forces ont mené le coup d’État de 2014 soutenu par les États-Unis qui a déposé le président pro-russe Viktor Ianoukovitch. Aujourd’hui, Zelensky est la mascotte de forces fascistes, notamment du régiment néonazi Azov qui a joué un rôle crucial dans le coup d’État.

S’adressant jeudi au parlement grec dans un message vidéo, deux jours seulement avant la visite de Johnson à Kiev, Zelensky avait dit à la fin de son discours: «Je suis convaincu qu’avec l’aide de la Grèce, nous allons gagner. N’écoutez pas que moi. Écoutez deux combattants».

L’un des soldats qui a alors pris la parole était du régiment Azov. Il s’est adressé au parlement d’un pays occupé par les armées fascistes d’Hitler qui ont tué 59.000  Juifs grecs (83  pour cent de la population juive du pays, l’un des pourcentages les plus élevés d’Europe). Ce fasciste a déclaré: «Je suis né à Mariupol et je participe à la défense de la ville contre les nazis russes».

Le rôle crucial joué par les fascistes armés sous Zelensky a été quasiment expurgé des médias britanniques, l’événement de Grèce n’a été rapporté nulle part. La visite de Johnson au contraire a déclenché un surcroît de demandes hystériques qu’on intensifie la guerre contre la Russie. L’Observer, le journal dominical du Guardian, favorable à la guerre, a écrit dans son éditorial: «Face à la cruauté de Vladimir Poutine, l’OTAN doit envisager des options beaucoup plus dures».

«Les sanctions contre la Russie et les armes pour l’Ukraine sont célébrées par les gouvernements occidentaux comme un succès unificateur sans précédent. Ils se disent les uns aux autres qu’ils font du bon travail. Mais cela ne fonctionne pas» se plaint l’Observer.

Les «cris continus, honteux et inefficaces de l’Occident depuis les coulisses sont inacceptables. Plus tôt [le président américain] Biden et les autres arrêteront de se désespérer et commenceront à prendre les choses en main, mieux ce sera».

Il y avait des «choix difficiles que les dirigeants occidentaux [devaient] envisager de toute urgence. Premièrement, une intervention directe pour créer une zone refuge dans l’ouest de l’Ukraine, où les personnes déplacées pourraient se rassembler au lieu de fuir à l’étranger. Informez Moscou à l’avance de son emplacement et de ses limites. Indiquez clairement qu’elle sera protégée par la puissance aérienne de l’OTAN et les forces terrestres invitées par Kiev». D’autres options comprenaient des frappes de l’OTAN contre l’artillerie russe.

Cette diatribe en faveur d’une guerre à grande échelle, soutenue par des légions d’avions de guerre de l’OTAN, concluait ainsi: «Si l’Occident veut sérieusement mettre fin à la guerre […], ces actions et d’autres tout aussi énergiques pourraient être le seul moyen qui [lui] reste».

À tout cela, l’ancien rédacteur en chef du Daily Telegraph, Charles Moore, n’a rien trouvé à redire. Écrivant vendredi dans ce journal très proche du gouvernement conservateur, il a déclaré que, parmi les puissances européennes, seul le Royaume-Uni était prêt à vaincre militairement Moscou. «Dans le cas de la France et de l’Allemagne, le sentiment n’est pas tant que le pays doit triompher, mais que la tuerie doit cesser… la négociation est le mot d’ordre pas la guerre».

Le député Tobias Ellwood, président de la Commission parlementaire de la Défense, a déclaré que la visite de Johnson était un «message puissant adressé directement à Poutine, à savoir que nous ne nous laisserons pas intimider». La Grande-Bretagne était à la tête d’autres pays, comme la Pologne et la Slovaquie, qui «s’affranchissent des limites que l’OTAN s’est imposées» et apportent un soutien militaire accru à l’Ukraine.

«J’ai demandé qu’une division de l’OTAN se rende sur place avant l’invasion, mais l’OTAN n’a rien voulu savoir. Et je pense qu’ils regrettent maintenant cette décision… Il était donc nécessaire de voir le premier ministre s’avancer, montrer du leadership», «parce qu’une grande partie de l’OTAN est consolidée au sein de l’architecture de l’OTAN et ils ont laissé l’Ukraine en dehors de ce soutien», s’est vanté Ellwood.

(Article paru d’abord en anglais le 11 avril 2022)

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