Gouverneur de la Banque centrale du Sri Lanka: Préparez-vous à davantage d’austérité

Le nouveau gouverneur de la Banque centrale du Sri Lanka, Nandalal Weerasinghe, a déclaré vendredi: «Nous devrions dire au peuple que le résultat de notre programme sera une situation bien pire avant qu’elle ne s’améliore».

Weerasinghe a prévenu que le Fonds monétaire international (FMI) dicterait des mesures d’austérité brutales comme prix de tout sauvetage d’urgence. La première mesure qu’il a prise vendredi a été une augmentation considérable de 7 points de pourcentage du taux d’intérêt du pays. Le taux est passé à 14,50 pour cent: une mesure qui touchera plus durement les travailleurs et les petites entreprises.

Weerasinghe a fait ces remarques lors d’un talk-show sur la chaîne de télévision Swarnavahini, quelques heures seulement après avoir été nommé à ce poste. Gouverneur adjoint de la Banque centrale à la retraite, il a été chargé par le président Gotabhaya Rajapakse d’occuper ce poste alors qu’il cherche désespérément à constituer une délégation pour les négociations avec le FMI.

Le gouverneur de la Banque centrale, Nandalal Weerasinghe [Photo: CBSL Twitter]

Une délégation conduite par le ministre des Finances Ali Sabry doit partir pour New York le 18 avril. Sabry, qui ne veut manifestement pas de ce poste, a démissionné moins de 24 heures après sa nomination au poste de ministre des Finances lundi dernier. Après avoir passé plusieurs jours à essayer de trouver un remplaçant, le président a annoncé qu’il n’accepterait pas la démission de Sabry. Vendredi, Sabry a annoncé à contrecœur qu’il continuerait à occuper son poste.

Weerasinghe a prévenu: «Nous ne pouvons pas renverser une crise causée par deux ans en deux jours. Lorsque nous discuterons de la restructuration avec le FMI ou nos créanciers, ils demanderont quelle est l’autorité responsable». Il a déclaré que le pays avait besoin d’un «gouvernement stable», ajoutant que «le redressement de l’économie dépendra de la rapidité avec laquelle nous pourrons avoir la stabilité sociale et politique».

«Nous devons expliquer et convaincre les gens qu’ils doivent être tolérants, et obtenir leur soutien. Alors seulement nous pourrons le faire. Maintenant que l’inflation est de 17,5 le mois dernier, elle sera de 25 le mois prochain. Si les gens descendent dans la rue et disent qu’ils ne sont pas d’accord avec cette mesure, la situation ne fera qu’empirer… On doit leur expliquer la solution», a-t-il déclaré.

Les travailleurs, cependant, font déjà face à des charges intolérables avec la montée en flèche des prix des produits de première nécessité, les pénuries de carburant et de gaz et les longues heures quotidiennes sans électricité.

Des centaines de milliers de travailleurs et de jeunes poursuivent les manifestations entamées il y a une semaine dans tout le pays. Ils exigent la démission immédiate du président Rajapakse et de son gouvernement et des solutions à la crise.

Samedi, plus de 20.000 jeunes se sont rassemblés au Galle Face Green, dans le centre de Colombo, et environ 10.000 y ont à nouveau afflué dimanche.

L’appel du gouverneur de la Banque centrale à la «stabilité politique et sociale» s’adresse à un gouvernement qui est universellement détesté. Le gouvernement dispose d’une majorité très mince après que 41 députés ont déclaré la semaine dernière qu’ils agiraient de manière indépendante.

Le président Rajapakse a entrepris dimanche des pourparlers avec les députés pour tenter de les faire revenir dans la coalition au pouvoir. Rajapakse a de nouveau appelé les partis d’opposition à mettre en place un régime provisoire. Les partis d’opposition ont rejeté une offre similaire la semaine dernière.

Ali Sabry [Photo: Facebook]

Le programme du FMI présenté comme le moyen de redresser l’économie a été exposé au début du mois dernier. Il prévoit des augmentations sur l’impôt sur le revenu et la taxe sur la valeur ajoutée, de nouvelles hausses des prix des carburants et de l’électricité, un taux de change flexible déterminé par le marché, la restructuration et la privatisation des entreprises publiques, une réduction considérable des dépenses de l’État et une nouvelle réduction des contrôles des prix et des subventions.

On a déjà mis en place la dévaluation de la roupie basée sur le marché au début du mois de mars. Depuis lors, le cours officiel du dollar américain est passé de 203 à 325 roupies, soit une dévaluation de 60 pour cent. Cela a fait grimper le prix des denrées alimentaires, du carburant, des médicaments et d’autres produits essentiels importés.

La crise économique au Sri Lanka est une expression très nette de la tourmente mondiale alimentée par la pandémie de COVID-19 et accélérée par la guerre par procuration des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie en Ukraine. Le tourisme a été durement touché et les exportations ont chuté. Le Sri Lanka ne dispose que de 1,9 milliard de dollars US de réserves étrangères et doit rembourser 7 milliards de dollars US de prêts étrangers cette année.

Un éditorial du Financial Timesdu 7 avril soulignait la vulnérabilité du Sri Lanka et lançait un avertissement: «Le pays pourrait n’avoir plus que 500 millions de dollars de réserves étrangères alors qu’un remboursement d’obligations d’un milliard de dollars est prévu dans quelques mois». Il a déclaré que «les craintes sont de plus en plus grandes que le Sri Lanka pourrait être le premier d’une série de marchés émergents à sombrer dans la tourmente économique».

S’adressant à Reuters samedi, le ministre des Finances Sabry a déclaré: «Le Sri Lanka aura besoin d’environ 3 milliards de dollars d’aide extérieure au cours des six prochains mois pour aider à rétablir l’approvisionnement en produits essentiels, dont le carburant et les médicaments». Dans la perspective des discussions avec le FMI, il a promis que «le gouvernement augmentera les impôts et les prix du carburant dans les six mois et cherchera à réformer les entreprises d’État déficitaires».

Les partis d’opposition déclarent leur sympathie pour les personnes qui descendent dans la rue pour demander la démission de Rajapakse. Mais ils sont partisans du programme d’austérité du FMI, sachant pertinemment qu’il ne fera qu’intensifier les assauts sociaux.

Sajith Premadasa, le chef de l’opposition parlementaire, a déclaré au parlement vendredi: «Si nous voulons recevoir une aide monétaire de leur part [du FMI], nous devons fournir au FMI un plan pour assurer la viabilité de la dette». Il est à la tête du parti Samagi Jana Balavegaya qui se vante d’avoir insisté dès le début pour que le gouvernement fasse appel au FMI.

Le chef du Parti national uni (United National Party – UNP), Ranil Wickremesinghe, a déclaré au Parlement la semaine dernière qu’il avait personnellement parlé de la crise du pays avec de hauts responsables du FMI et qu’on lui avait assuré que le FMI était prêt à aider.

Le parti Janatha Vimukthi Peramuna garde un silence trompeur sur les projets du gouvernement de mettre en œuvre le programme d’austérité du FMI.

Personne ne doit se faire d’illusion sur le fait que le programme d’austérité du FMI mettra fin à la crise économique du Sri Lanka. C’est un moyen de forcer la classe ouvrière et les masses rurales du pays à supporter de nouveaux fardeaux pour assurer les remboursements aux banques internationales, aux institutions financières et aux créanciers étrangers.

Le Parti de l’égalité socialiste (PES) a proposé un programme d’action socialiste permettant à la classe ouvrière de lutter pour ses intérêts de classe. À bas le gouvernement Rajapakse! Abolissez la présidence exécutive! Répudiez tous les prêts étrangers!

Formez des comités d’action pour prendre le contrôle des moyens de production et de distribution afin d’assurer la nourriture, le carburant et les médicaments pour tous. Personne ne doit mourir de faim au nom des profits des super riches!

Nous appelons les travailleurs et les jeunes à rejoindre le Parti de l’égalité socialiste afin de poursuivre cette lutte sur le front le plus large possible.

(Article paru en anglais le 11 avril 2022)

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