L’UE et l’Allemagne fournissent des armes lourdes à Kiev pour «forcer la défaite de la Russie»

L’Union européenne augmente massivement ses livraisons d’armes à l’Ukraine. C’est ce qu’a décidé les ministres des Affaires étrangères de l’UE lors d’une réunion tenue lundi à Luxembourg. Concrètement, on a convenu que l’aide militaire commune serait augmentée de 500 millions d’euros pour atteindre 1,5 milliard d’euros. Josep Borrell, haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères, a exposé ces décisions après la réunion.

Les puissances de l’UE n’ont laissé aucun doute quant à leur objectif: ils veulent infliger une défaite militaire à la Russie en Ukraine. «Mettez l’accent sur les livraisons d’armes», a expliqué Borrell, qui s’est rendu à Kiev avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le week-end dernier. Les sanctions étaient «importantes», mais elles ne résoudraient pas «le problème de la bataille du Donbass». Qu’on se le dise, Borrell a déclaré: «La guerre se décidera dans la bataille pour le Donbass».

Annalena Baerbock au Luxembourg, le 11 avril 2022 (AP Photo/Olivier Matthys)

Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a évoqué, lors du sommet de l’OTAN la semaine dernière à Bruxelles, la confrontation massive qui se profile. «La bataille du Donbass vous rappellera la Seconde Guerre mondiale avec ses opérations et manœuvres à grande échelle, l’utilisation de milliers de chars, de véhicules blindés, d’avions et d’artillerie», a-t-il déclaré.

C’est exactement ce à quoi se préparent les puissances de l’UE et de l’OTAN avec la livraison d’armes à l’armée ukrainienne. Ce n’est autre que l’impérialisme allemand, qui a mené une guerre d’anéantissement contre l’Union soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale, qui prend de plus en plus les devants. Après avoir hésité dans un premier temps, le gouvernement allemand préconise désormais la livraison d’armes lourdes pour vaincre la Russie dans le Donbass.

«Ce qui est clair, c’est que l’Ukraine a besoin de plus d’équipements militaires, en particulier d’armes lourdes», a déclaré la ministre verte des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, en marge de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE. «L’heure n’est pas aux excuses, mais à la créativité et au pragmatisme. Et c’est précisément en vue de questions telles que le matériel de remplacement et la formation qu’il est important de soutenir ensemble l’Ukraine aussi rapidement que possible».

L’Allemagne a déjà fourni massivement des armes à l’Ukraine, notamment des milliers de missiles antichars et antiaériens. Ces armes sont également destinées aux forces d’extrême droite au sein des forces armées ukrainiennes et à la soi-disant défense territoriale du pays. La livraison prévue de chars et d’autres armes lourdes va intensifier la guerre et créer un conflit militaire avec la Russie, puissance dotée de l’arme nucléaire.

Selon un reportage du quotidien Handelsblatt, le géant allemand de l’armement Rheinmetall se prépare à fournir des chars à Kiev. Selon le PDG du groupe, Armin Papperger, cela inclut le char de combat «Leopard 1», le modèle prédécesseur du «Leopard 2» actuellement utilisé par l’armée allemande. «Le premier Leopard 1 pourrait être livré dans six semaines», a déclaré Papperger. Au total, Rheinmetall pourrait livrer jusqu’à 50 chars de ce type à l’Ukraine.

La livraison du véhicule blindé de transport de troupes «Marder» est également en discussion. Là encore, «Rheinmetall s’est déclaré prêt à livrer à l’Ukraine 50 à 60 véhicules blindés de transport de troupes Marder déclassés», écrit Handelsblatt. Selon Papperger, les 10 à 20 premiers pourraient être prêts dans les six semaines.

Une campagne agressive est en cours au sein de l’establishment politique et dans les médias pour que ces équipements lourds soient livrés le plus rapidement possible. «L’Allemagne doit maintenant agir rapidement», a exhorté Reinhard Veser dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung. «Pour forcer une défaite de la Russie dans cette guerre, on doit combiner une pression économique sur la Russie et un soutien militaire à l’Ukraine».

Dans un article détaillé, Der Spiegela vanté les mérites des chars allemands dans la guerre contre la Russie. «En Ukraine, le Marder pourrait jouer un rôle important» et «aider les forces armées ukrainiennes dans la lutte contre les envahisseurs russes». Les Marder rouleraient au combat «aux côtés des chars de combat principaux» et les sécuriseraient «avec d’autres véhicules militaires». Ils «amèneraient des groupes de grenadiers de chars en avant dans la bataille» et «dans l’offensive», ils essaieraient «d’éliminer les chars ennemis par des attaques».

Les activités et les déclarations des principaux politiciens du gouvernement indiquent que les livraisons d’armes sont préparées pour être effectuées rapidement. «Si les Ukrainiens veulent le char [Leopard 1], et ils me l’ont signalé, alors nous devrions trouver un moyen de le réaliser», a dit Marcus Faber, le porte-parole de la politique de défense du groupe parlementaire du Parti libéral-démocrate (FDP) au Parlement allemand.

L’Allemagne a pris «un engagement» en décidant de soutenir l’Ukraine par des armes. En raison de cette obligation de continuer à soutenir le pays, le ministre fédéral de l’économie Robert Habeck a déclaré: «Les armes doivent être livrées rapidement, car l’attaque des troupes russes sur l’est de l’Ukraine sera bientôt imminente».

Fait significatif, les présidents des commissions des affaires étrangères, de la défense et de l’Europe – Michael Roth (sociaux-démocrates, SPD), Marie-Agnes Strack-Zimmermann (FDP) et Anton Hofreiter (Verts) – se sont rendus mardi en Ukraine pour des entretiens. Les trois politiciens des partenaires de la coalition tricolore sont de fervents partisans des livraisons d’armes «lourdes» et peuvent difficilement contenir leurs appels à la guerre contre la Russie.

Outre le Marder, Hofreiter a également plaidé, avant son départ, pour la livraison de «fusils de précision lourds tels que le G-82». Celui-ci possède un «projectile de 12,7 millimètres» et peut «neutraliser les véhicules blindés de la Garde nationale russe». Strack-Zimmermann a informé l’ambassadeur ukrainien et le célèbre détracteur de la Russie, Andrij Melnyk, dans le cadre du format de discussion «Spitzengespräch» de Der Spiegel: «Si vous envoyez des chars, vous devez avoir envie de gagner… Leurs soldats doivent maîtriser cela, sinon ils seront vraiment de la chair à canon pour les “Russes”».

Dans une déclaration commune mardi, Hofreiter, Strack-Zimmermann et Roth se sont à nouveau prononcés en faveur de nouvelles livraisons d’armes et d’un arrêt des importations de pétrole russe le plus rapidement possible, ainsi que d’une perspective européenne claire pour l’Ukraine. «On aura probablement de larges majorités au parlement fédéral pour cela. L’Allemagne doit assumer encore plus de responsabilités», exigent-ils dans le document, selon l’Agence de presse allemande (DPA).

Dans le même temps, les trois députés ont critiqué le refus d’inviter le président fédéral Frank-Walter Steinmeier (SPD), qui avait prévu une visite à Kiev avec le président de la Pologne et des trois États baltes. Bien que Steinmeier ait joué un rôle central en tant que ministre allemand des Affaires étrangères dans le coup d’État de la droite à Kiev en 2014, il a également maintenu des relations diplomatiques avec la Russie, ce qui lui a valu des critiques malgré des excuses publiques.

Mardi soir, l’ambassadeur ukrainien à Berlin a annoncé que le chancelier Olaf Scholz avait été invité à Kiev. «Nous avons également communiqué cela de manière à ce que mon président et le gouvernement en soient très heureux», a déclaré Melnyk à la télévision allemande. La visite était censée porter sur la manière dont l’Allemagne peut soutenir l’armée ukrainienne avec des «armes lourdes» dans la lutte contre la Russie.

Scholz a également appelé à de nouvelles livraisons d’armes lundi. «Par le passé, nous avons armé l’Ukraine et l’avons équipée de missiles antichars, de missiles antiaériens et de munitions, et bien d’autres choses. Et nous continuerons à soutenir l’Ukraine», a souligné Scholz. Cela se fait «en étroite coopération» et en consultation «avec tous nos amis». On n’aura «pas d’action isolée, mais toujours une action commune et mûrement réfléchie».

Cela équivaut à un avertissement. Actuellement, l’OTAN et l’UE «agissent ensemble» pour inonder l’Ukraine d’armes et pour utiliser l’invasion réactionnaire de Poutine comme prétexte à une guerre généralisée contre la Russie elle-même. Le danger d’une troisième guerre mondiale menée avec des armes nucléaires augmente donc considérablement.

Les livraisons d’armes prévues sont faites «dans une bonne intention éthique», mais elles sont potentiellement un «chemin vers la troisième guerre mondiale», a averti le conseiller militaropolitique de l’ancienne chancelière Angela Merkel, l’ancien général de brigade Erich Vad, dans des commentaires à la DPA. Ce faisant, il a indirectement admis que les puissances impérialistes sont les principaux fauteurs de guerre. «Nous avons accepté exactement de la même façon la mort de milliers de civils en Irak, en Libye et en Afghanistan», a-t-il déclaré. Jusqu’à présent, les «dommages collatéraux» en Ukraine sont en fait beaucoup moins importants qu’en Irak ou en Afghanistan.

(Article paru en anglais le 13 avril 2022)

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