Fabien Roussel, le candidat du Parti communiste français (PCF) stalinien, a été éliminé dimanche au premier tour de l’élection présidentielle française avec seulement 2,3 pour cent des voix. Malgré l’inquiétude et la colère croissantes de la classe ouvrière face à la montée de l’inflation, les politiques de guerre de l’OTAN ciblant la Russie et la pandémie de COVID-19, le PCF n’a pas pu et n’a pas fait appel aux électeurs de la classe ouvrière. Au lieu de cela, il a fait campagne sur la base de politiques d’austérité et de soutien à l’OTAN.
Cinquante ans après que le PCF a signé un programme commun avec le Parti socialiste (PS) des grandes entreprises et 30 ans après avoir soutenu la dissolution de l’Union soviétique par la bureaucratie soviétique, le PCF s’est complètement effondré. La campagne de Roussel était pratiquement indiscernable de celle d’un parti bourgeois de droite. Sur la guerre et la pandémie, Roussel a largement critiqué le président sortant Emmanuel Macron depuis la droite.
La décision du PCF de se présenter de manière indépendante s’est heurtée à une importante opposition interne. La députée PCF Elsa Faucillon, de l’aile «unioniste» qui a appelé à soutenir le candidat de la France insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon, a déclaré: «…quand je vois des candidats de gauche tout faire pour qu’un candidat de gauche ne soit pas au second tour, alors que l’extrême droite est aux portes, j’enrage!»
Si les 2,3 pour cent de voix de Roussel avaient été ajoutés aux 22 pour cent de Mélenchon, les 24,3 pour cent obtenus auraient battu les 23,1 pour cent de Le Pen, faisant avancer Mélenchon au second tour.
Dans une interview à LeMonde, Roussel a rejeté les critiques sur sa décision de mener une campagne indépendante. «La présidentielle, c’est pas du billard à trois bandes, c’est pas une question de chance, c’est une question de conviction, d’authenticité, de sincérité […] Quand on veut des jours heureux, on vote les jours heureux!»
Après l’élection, Roussel impute sa déroute au «vote dit “utile”[qui] a largement servi les trois candidats arrivés en tête, au détriment de tous les autres». Il a ensuite appelé les électeurs du PCF à soutenir Macron au second tour face à Le Pen.
Roussel, le PCF et l’ensemble du milieu de la pseudo-gauche en France sont très conscients de la frustration croissante de la classe ouvrière envers leur politique d’identité verte ou féministe réactionnaire qui constitue la base de leurs activités. De ce fait, il a cyniquement centré sa campagne sur la promotion d’un nationalisme français frustré par les problèmes écologiques.
Roussel a critiqué «une certaine gauche» qui «a renoncé à contrarier les intérêts dominants». Il a déclaré à Libération:«Je ne veux pas être de cette gauche écologiste bien-pensante, qui non seulement donne des leçons, mais qui culpabilise les Français parce qu’ils se font construire un pavillon à la campagne, culpabilise les Français parce qu’ils y font flotter le drapeau bleu-blanc-rouge.» Dans un tweet souvent cité, il écrit: «un bon vin, une bonne viande, un bon fromage: c’est la gastronomie française. Le meilleur moyen de la défendre, c’est de permettre aux Français d’y avoir accès.»
Le souci de Roussel de discuter des maisons de campagne et des coupes de viande de choix dans le contexte politique actuel témoigne du rôle du PCF en tant que bureaucratie composée de couches aisées et égoïstes de la classe moyenne. Sur fond du danger croissant d’une guerre États-Unis/OTAN-Russie, d’une pandémie et d’une inflation massive, le PCF s’est concentré sur sa construction en tant que parti agitant le drapeau soucieux d’un régime alimentaire «patriotique».
Dans la même interview à Libération, Roussel déclare son allégeance à l’aristocratie financière. «J’ai expliqué à Geoffroy Roux de Bézieux: je ne suis pas l’ennemi des patrons, mais celui qui veut travailler avec eux dans l’intérêt du pays.» Il a ensuite rassuré les milliardaires et les grandes entreprises que «Certains vous diront, je nationalise. Pas moi!»
Roussel a promu la nostalgie nationaliste de «La France des jours heureux», faisant référence au célèbre programme de réforme que le PCF a adopté après la fin de l’occupation nazie et la Seconde Guerre mondiale.
À cette époque, les conditions étaient réunies pour la prise du pouvoir par la classe ouvrière. Une vague de grèves générales et d’insurrections armées contre le régime fasciste avait secoué l’Europe, et des couches importantes de la classe ouvrière étaient armées. Les travailleurs ont afflué vers le PCF, ce qui en faisait le plus grand parti politique de France avec plus d’un million de membres travailleurs. Le PCF avait joué un rôle central dans la campagne de Staline pour calomnier et assassiner Léon Trotsky, notamment en soutenant les mensonges des procès de Moscou. Ce n’était pas un parti marxiste-internationaliste mais un parti stalinien et nationaliste.
Sur les instructions de Staline, le PCF a plutôt soutenu pleinement le maintien de la machine d’État capitaliste du régime collaborationniste nazi, avec le chef de la résistance bourgeoise Charles de Gaulle comme nouveau chef. Le PCF a accepté de bloquer les grèves et, quand il ne pouvait pas les empêcher d’éclater, de les isoler et de faciliter la répression policière par l’État.
La nostalgie actuelle de cette période reflète la vision de ces bureaucrates syndicaux staliniens opposés à une lutte pour la révolution socialiste, indifférents à la survie résultante de la politique d’extrême droite en Europe, et qui tentent de tendre un piège à la classe ouvrière. L’époque historique actuelle n’est plus celle d’un choix entre une politique révolutionnaire trotskiste et des propositions de réformes staliniennes. Il n’y a pas de politique nationale de réforme à l’ère de la mondialisation capitaliste. Le choix n’est pas réforme ou révolution, mais révolution ou contre-révolution.
Roussel a parfois présenté la campagne du PCF comme un retour à «une gauche populaire, sincère et label rouge» moins impactée par les politiques d’identité raciale et de genre qui dominent la pseudo-gauche française. Alors que les conditions sociales se détériorent, un nombre toujours plus grand de travailleurs et de jeunes sont répugnés par la politique d’identité des partis de la pseudo-gauche. En réalité, cependant, le PCF est pleinement aligné sur l’assaut de la bourgeoisie contre la classe ouvrière, qu’il aide en promouvant le nationalisme français.
Les staliniens abandonnent même le semblant d’opposition à la guerre impérialiste, les efforts pour construire un État policier fasciste et la promotion du racisme contre la minorité musulmane du pays.
Dans un discours de campagne à Mérignac, Roussel a appelé à «augmenter les moyens pour la police». En mai 2021, il a rejoint une marche policière devant l’Assemblée nationale aux côtés du ministre de l’Intérieur fascisant de Macron, Gérald Darmanin, et du candidat présidentiel d’extrême droite Eric Zemmour. L’an dernier, le PCF a également voté en faveur de l’article 4 de la loi anti-séparatisme de Macron visant les musulmans.
En réponse à l’invasion réactionnaire de l’Ukraine par la Russie, Roussel a blanchi le rôle de l’OTAN dans la provocation du conflit. Décrivant Poutine comme étant «le premier responsable de cette guerre», il a appelé à renforcer les sanctions contre la population russe. De même, il a également soutenu la guerre de la France au Mali, affirmant que «la décision d’intervenir au Sahel était justifiée».
Sur la pandémie, Roussel s’aligne sur la politique des profits avant la vie de la classe dirigeante. Quand le PCF a critiqué la politique du gouvernement, c’était par la droite. Le PCF a rejoint le LFI de Mélenchon, le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) pabliste et Lutte ouvrière (LO) pour soutenir les manifestations anti-vaccination.
La promotion du nationalisme par le PCF découle de l’adhésion du stalinisme à la théorie du «socialisme dans un seul pays», qui falsifie l’orientation internationaliste prolétarienne du marxisme et ouvre la voie à des alliances avec la bourgeoisie et l’ordre existant.
En 1995, quelques mois avant que des millions de travailleurs ne descendent dans la rue en France, le candidat présidentiel du PCF aux élections de cette année-là, Robert Hue, a déclaré aux journalistes: «Il ne faut pas faire dire au mouvement ce qu’il ne dit pas. Le mouvement, aujourd’hui, n’est pas pour un changement politique.»Au milieu du vif mouvement vers la droite de la bourgeoisie française, la recherche d’alliances bourgeoises par le PCF fait que ce dernier se range derrière des politiques de plus en plus difficiles à distinguer de la droite.
(Article paru en anglais le 13 avril 2022)