Alors qu’il se dirige vers le FMI, le gouvernement du Sri Lanka déclare faillite

Le gouvernement sri-lankais a annoncé un défaut de paiement «temporaire» de sa dette à partir du 12 avril, ce qui est sans précédent dans l’histoire du pays. Cette annonce marque une nouvelle étape de la crise économique et politique au Sri Lanka.

Lors d’un point de presse le 12 avril, le gouverneur de la Banque centrale, Nandalal Weerasinghe, a déclaré: «Nous avons perdu la capacité de rembourser la dette extérieure. Nous en sommes arrivés à un point où c’est difficile, voire impossible, de rembourser la dette». Le secrétaire du ministère des Finances, Mahinda Siriwardena, a déclaré qu’une «restructuration complète de ces obligations (de la dette) sera nécessaire».

Cette annonce est intervenue alors que des centaines de milliers de personnes manifestent à Colombo et dans tout le pays depuis plus d’une semaine pour demander la démission immédiate de Gotabhaya Rajapakse et de son gouvernement. Ces manifestations ont suscité un large soutien dans un contexte de hausse insupportable des prix et de pénurie de produits de première nécessité tels que le carburant, les médicaments, le gaz, l’électricité et les denrées alimentaires.

Le gouverneur de la Banque centrale, Nandalal Weerasinghe [Photo: CBSL Twitter]

L’économie sri-lankaise a été durement touchée, d’abord par la pandémie, puis par le conflit des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie en Ukraine, laissant le pays à court de devises étrangères pour payer les importations. En mars, les réserves de change sont tombées à moins de 2 milliards de dollars. Le pays a une dette extérieure d’environ 35 milliards de dollars, dont 6 milliards de dollars de remboursements sont dus d’ici la fin de l’année et 25 milliards de dollars d’ici 2026.

Le secteur bancaire du pays a été frappé par ce défaut de paiement, les agences de notation internationales, telles que Fitch, ayant déjà placé les banques publiques et privées du Sri Lanka sous surveillance en vue d’un déclassement.

L’annonce d’un défaut temporaire sur les prêts étrangers ne constitue pas une répudiation de la dette étrangère. Le gouvernement a assuré tous les créanciers qu’il va effectuer les remboursements de la dette avec les intérêts pour la période prévue. Il a également garanti que des «propositions de restructuration de la dette peuvent être présentées aux créanciers pour examen» et qu’elles seront conformes aux recommandations du Fonds monétaire international (FMI).

Près de la moitié des dettes extérieures du pays sont des emprunts commerciaux, tandis que les autres comprennent des prêts de la Banque mondiale, de la Banque asiatique de développement, de la Chine, du Japon et de l’Inde. Le gouvernement promet également des discussions «de bonne foi» avec les pays qui ont prêté de l’argent.

Le FMI a publié son évaluation du pays à la fin du mois dernier, ainsi qu’un programme d’austérité draconien. Ce programme prévoit une augmentation de l’impôt sur le revenu et de la taxe sur la valeur ajoutée, une hausse des prix des carburants et de l’électricité, l’imposition d’un taux de change flexible déterminé par le marché, la commercialisation et la privatisation d’entreprises publiques, une profonde réduction des dépenses de l’État et une nouvelle réduction des contrôles des prix et des subventions.

Le FMI imposera des conditions encore plus sévères lors des discussions sur un plan de sauvetage d’urgence avec la délégation sri-lankaise dirigée par le ministre des Finances, Ali Sabry, qui doit partir le 18 avril. Ce plan vise à rassurer les créanciers et à sauver les élites commerciales et financières du Sri Lanka en imposant de nouveaux fardeaux aux travailleurs.

Des familles se joignent aux protestations nocturnes à Galle Face Green à Colombo [WSWS Media]

Alors que l’économie du Sri Lanka est en faillite, le moment de l’annonce est une décision politique qui vise à faire pression sur la population pour qu’elle accepte les conditions du FMI. Le gouvernement prétendra qu’il n’avait pas le choix et que la population doit avaler la pilule amère. Tous les partis – gouvernement et opposition confondus – ainsi que les syndicats demanderont aux travailleurs d’être «patients» pour permettre à l’économie de se redresser.

Ce qui se prépare, c’est une dévastation sociale au Sri Lanka à une échelle sans précédent. Lorsque la Grèce a déclaré faillite en 2015, la «troïka» de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne et du FMI a dicté des conditions brutales qui ont été imposées par le régime de la pseudogauche, Syriza, et ont dévasté la classe ouvrière.

Il s’agissait notamment de destructions massives d’emplois dans le secteur public, de coupes sombres dans les salaires et les retraites, d’une forte augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée qui a amputé le pouvoir d’achat des travailleurs, et de la privatisation des infrastructures énergétiques, portuaires et de transport. De larges pans de la population ont été plongés dans la pauvreté en l’espace de quelques mois.

Comme la classe ouvrière en Grèce, les travailleurs sri-lankais ne sont pas responsables de cette crise. Ils ne doivent pas non plus accepter les fardeaux que le FMI, le gouvernement et la classe dirigeante dans son ensemble vont tenter d’imposer. Pourquoi la faim et la famine devraient-elles frapper l’île pour rembourser les banques et protéger les profits de quelques riches!

Les énormes niveaux d’endettement remontent à la guerre communautaire réactionnaire menée par les gouvernements successifs de Colombo, non seulement pour vaincre les Tigres de libération de l’Eelam tamoul séparatiste, mais aussi pour écraser toute opposition des Tamouls à une discrimination communautaire flagrante. Les gouvernements ont emprunté l’argent à plusieurs reprises pour acheter des armes et faire de l’armée l’une des plus importantes d’Asie par habitant.

Après la fin brutale de la guerre en 2009, le gouvernement du président de l’époque, Mahinda Rajapakse, a maintenu l’énorme armée et son occupation du nord et de l’est de l’île. Le régime a emprunté de l’argent à tour de bras pour moderniser massivement les infrastructures dans le but de transformer Colombo en un centre financier et commercial pour l’Asie du Sud. Les investisseurs locaux et étrangers ont bénéficié d’importants allégements fiscaux et les hommes d’affaires et les politiciens ont encaissé, y compris par la fraude et la corruption, tandis que plus de 60.000 habitants de bidonvilles étaient expulsés de leur maison.

Dans une allocution diffusée à l’échelle nationale lundi, Mahinda Rajajpakse, actuellement premier ministre, a cyniquement tenté de faire porter la responsabilité de la crise économique au mouvement de protestation. Il a déclaré que lors de chaque seconde de protestation dans la rue, «notre pays perd des occasions de recevoir des dollars potentiels». Il a qualifié les protestations de «menace pour la démocratie». Dans une menace à peine voilée, il a rappelé comment le gouvernement précédent avait utilisé l’armée et les escadrons de la mort pour écraser l’opposition.

Le Parti de l’égalité socialiste (PES) présente un programme d’action socialiste pour la classe ouvrière afin de défendre ses intérêts de classe. Le PES appelle la classe ouvrière à créer des comités d’action sur chaque lieu de travail et dans chaque quartier, indépendants des syndicats et de tous les partis capitalistes, afin de mobiliser la force industrielle et politique de la classe ouvrière.

Cela fournira les moyens de rallier les masses pauvres et opprimées des campagnes dans la lutte pour l’abolition de la présidence exécutive autocratique, l’abrogation de toutes les lois répressives et la défense des droits sociaux des travailleurs.

Le PES a défini une série de politiques, dont la répudiation de la dette extérieure. La classe ouvrière n’a pas contracté cette dette et ne doit pas être forcée de la payer par la destruction de ses emplois et de son niveau de vie.

Le gouvernement a déclaré la faillite, mais l’élite riche, les grandes entreprises et les spéculateurs financiers ont des ressources. Le PES exige la saisie de la richesse des milliardaires et la nationalisation sans remboursement des banques et des grandes entreprises, sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière, afin de garantir la satisfaction des besoins sociaux de la majorité.

La lutte pour de telles revendications conduit inexorablement à la lutte de la classe ouvrière pour le pouvoir et l’établissement d’un gouvernement ouvrier et paysan mettant en œuvre des politiques socialistes, dans le cadre de la lutte pour le socialisme au niveau international. Ce n’est que de cette manière que la crise économique et sociale actuelle pourra être résolue dans l’intérêt des travailleurs, et non dans celui de quelques riches.

(Article paru en anglais le 14 avril 2022)

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