Face au second tour de la présidentielle entre Macron et Le Pen, Lutte ouvrière (LO) réagit avec un mélange d’indifférence et d’inconscience typique des partis petit-bourgeois. Étroitement lié aux appareils syndicaux qui poussent les travailleurs à voter Macron pour faire barrage à Le Pen, LO ne propose à ses électeurs qu’une abstention individuelle le jour du second tour. LO rejette l’appel à un boycott des élections avancé par le Parti de l’égalité socialiste (PES), pour mobiliser les travailleurs contre ces deux candidats d’extrême-droite.
Au lendemain du premier tour, la candidate présidentielle de LO, Nathalie Arthaud, qui a obtenu 0.6 pourcentage de voix, a observé que Macron et Le Pen « sont des ennemis de la classe ouvrière ». Elle a ajouté que « dans ce deuxième tour, l’électorat ouvrier est sommé de choisir entre la peste et le choléra ».
Mais la seule possibilité que voit LO dans cette situation dangereuse est d’encourager ses électeurs à un geste d’opposition symbolique purement individuel. Arthaud a dit, «je refuse ce choix et je voterai blanc pour rejeter et Macron et Le Pen ! » Voter blanc est, bien sûr, une option qui est présentée aux électeurs et qui est une façon légitime de témoigner de son opposition personnelle aux deux candidates.
Toutefois, LO – dont le nom proclame qu’elle s’intéresse aux luttes ouvrières – ne propose aucune perspective pour mobiliser cette opposition dans une lutte collective de la classe ouvrière. Cette attitude, fondée sur le conservatisme de couches des appareils syndicaux et des universitaires autour de LO, reflète un pessimisme totalement infondé sur le potentiel politique qui existe dans la situation actuelle.
Ni Macron ni Le Pen ne sont populaires. De larges sections de l’électorat ouvrier, surtout celles qui votent à gauche, savent que les deux sont des figures d’extrême-droite, militaristes et hostiles aux droits sociaux et démocratiques de la classe ouvrière. Les manifestations qui éclatent dans les universités et dans les rues témoignent d’une large impopularité des deux candidats parmi les travailleurs et les jeunes.
Le PES, section française du Comité International de la Quatrième Internationale (CIQI), appelle à un boycott, proposant aux travailleurs et aux jeunes de ne pas voter dans ces élections et de rejeter à la fois Macron et Le Pen. Un boycott actif est nécessaire pour nier toute légitimité à cette élection et établir une ligne indépendante pour la classe ouvrière vis-à-vis les appareils syndicaux inféodés à Macron. Ceci créera les meilleures conditions pour les luttes politiques qui surgiront au lendemain des élections.
LO adopte une stratégie diamétralement opposée. Cette organisation est, bien entendu, consciente du fait qu’un appel à une opposition visant Macron et le Pen recevrait un énorme soutien parmi les travailleurs. C’est pour cela qu’Arthaud les traite de « peste » et de « choléra ». Mais ils craignent qu’un mouvement indépendant ralliant les travailleurs et les jeunes n’aille trop loin et ne nuise aux intérêts politiques et financiers qui lient LO et les appareils syndicaux à la bourgeoisie française.
Arthaud déclare : « Quel que soit le vainqueur, il n’y a pas à se décourager et encore moins à baisser la tête. Au contraire ! La force des travailleurs n’est pas dans les urnes mais dans leurs propres luttes. L’essentiel est que les travailleurs, les retraités et les chômeurs soient conscients qu’ils auront un ennemi à l’Élysée ».
Cet amas de phrases creuses ne fait que cacher l’inaction et la charlatanerie de LO. Des millions de travailleurs sont déjà conscients qu'il y aura un ennemi à l'Elysée. Si la force des travailleurs est en effet dans leurs propres luttes, pourquoi ne pas mobiliser les travailleurs dans une lutte collective contre cette élection frauduleuse ? Mais LO propose simplement d’attendre que l’ennemi soit élu.
LO maintient un silence total sur les manœuvres de Mélenchon. Il a remporté 22 pour cent des voix, contre 23 pour cent pour Le Pen, mais il s’est mis en retrait tout en faisant signe qu’il soutient Macron.
Le vote pour Mélenchon, sans doute, est une expression de la radicalisation des travailleurs et des jeunes sur fond de l’inflation, de la pandémie et des menaces de guerre de l’OTAN contre la Russie. Plus de 7 millions d’électeurs ont voté pour Mélenchon pour exprimer une opposition de gauche à Macron et Le Pen. Mais Mélenchon trahit ses électeurs et refuse de les mobiliser contre le duel Macron-Le Pen. Le soir du premier tour, il a scandé : « Vous ne devez pas donner une seule voix à Le Pen !»
Si LO est préoccupé par la situation de la classe ouvrière et le danger du prochain ennemi à l'Élysée, il aurait pu critiquer Mélenchon sur sa gauche. Alors que les quartiers ouvriers des grandes villes françaises ont largement voté Mélenchon, LO pourrait proposer à Mélenchon de lancer des grèves contre les politiques d’austérité et de guerre que mènera le prochain président. Des bureaucrates syndicaux de LO sont présents dans des centaines de lieux de travail aux côtés de bureaucrates liés à Mélenchon et à La France insoumise (LFI).
Mais, comme LFI, LO préfère ne rien faire, et se limiter à des gestes symboliques et impuissants dans l’isoloir. LO couvre le rôle de Mélenchon et tente de désarmer la classe ouvrière.
LO avoue même que le rôle dégoûtant et traître du milieu petit-bourgeois dont elle fait partie a joué un rôle majeur dans la montée de Marine Le Pen et du néofascisme français. Ainsi, Arthaud a dit : « Marine Le Pen n’a jamais été au pouvoir, ce qui lui vaut un bon point dans certains milieux populaires, écœurés par les reniements et les trahisons des partis de gauche au gouvernement ».
Mais quel a été le rôle de la LO au cours de ces années ? Le PS et le PCF étaient les principaux artisans des reniements et des trahisons par des gouvernements successifs faussement présentés par les médias comme étant «de gauche ». Mais LO a fait ses alliances avec ces deux partis et a soutenu le candidat PS François Hollande lors des élections de 2012.
En fait, LO est complice de toutes les manœuvres réactionnaires de l’élite dirigeante française qui ont permis aux néofascistes de se transformer en prétendants au pouvoir.
En 2002, le néofasciste Jean-Marie Le Pen, père de Marine Le Pen, et le candidat de droite Jacques Chirac sont arrivés au second tour. Des millions de personnes sont descendues dans la rue manifester contre cette élection frauduleuse. Le CIQI et le World Socialist Web Site ont alors envoyé une lettre ouverte à LO, à la LCR (Ligue Communiste Révolutionnaire, aujourd’hui le Nouveau parti anticapitaliste) et au Parti des travailleurs (PT). Ces partis avaient collectivement reçu plus de 3 millions de voix aux élections.
Dans sa lettre, le CIQI leur a proposé d’unir leurs forces dans une campagne pour le boycott des présidentielles Le Pen-Chirac de 2002. La lettre ouverte du WSWS demandait que les travailleurs et les jeunes rejettent la fraude électorale qui ne leur offrait que deux défenseurs réactionnaires du capitalisme et d'utiliser le boycott comme façon de préparer la lutte contre celui des deux qui gagnerait l'élection. Ceci positionnerait la classe ouvrière en tant que force indépendante non seulement de Chirac, mais aussi du PS et du PCF.
Mais LO, la LCR, et le PT ont refusé de lutter pour un boycott ouvrier des élections de 2002. Ils se sont alignés derrière la campagne officielle pour un vote Chirac. LO a tergiversé, alors que le candidat présidentiel de la LCR Olivier Besancenot a dit qu'il voterait pour Chirac.
Après la publication de la lettre ouverte du CIQI, LO a fini par prendre la position d'appeler les électeurs à se rendre aux urnes pour voter blanc ou nul. LO ne voulait pas mener une campagne publique pour boycotter des élections et éduquer les travailleurs et les jeunes sur ces questions critiques. LO craignait manifestement que cela ne nuise au financement de ses positions dans les appareils syndicaux par l’État et le patronat, et aussi à ses liens avec le PS.
LO s’est dérobé à ses responsabilités politiques et a battu en retraite, prétendant que la décision de voter était un choix purement individuel. Arlette Laguiller, candidate de LO à l’époque, a déclaré : « Bien entendu, chacun doit faire le choix qui lui semble le plus justifié, mais chacun devra penser à ce que ce choix pourrait entraîner pour l'avenir ».
Vingt ans après que LO se soit aligné sur le vote Chirac et laissé aux néofascistes la position de se présenter en seule force « antisystème », l’ordre bourgeois vire vers l’extrême-droite. Les banques pillent les travailleurs à travers l’Europe, les puissances impérialistes livrent la guerre à la Russie en Ukraine et l’incurie de la classe dirigeante face au coronavirus a fait 1,8 millions de morts en Europe. La présence de Le Pen et de Macron au second tour témoigne du fait que le système capitaliste n’a rien à offrir aux travailleurs.
Une profonde colère se développe parmi les travailleurs et les jeunes, mais pour qu’elle devienne une puissante force politique, il faut une rébellion contre les partis petit-bourgeois comme LO. Le PES propose de rejeter les appels à une réaction purement individuelle à la crise de la démocratie française. La défense des droits démocratiques et l’opposition à la guerre nécessite la mobilisation indépendante de la classe ouvrière contre le capitalisme, sur une ligne socialiste et internationaliste.
Le PES se bat pour cette perspective et en appelle aux travailleurs et aux jeunes de lutter pour un boycott actif de l’élection, et d’aider à construire le PES en tant que parti de la classe ouvrière, opposé aux appareils politiques conservateurs tels que LO. Le PES invite les travailleurs et les jeunes à participer à sa réunionpublique en ligne lundi à 19h, « Pour un boycott ouvrier de l’élection Macron-Le Pen!»
Quelqu’un du Parti de l’égalité socialiste sera en contact avec vous