La Maison-Blanche affirme que «rien ne dissuadera» les États-Unis d’armer l’Ukraine

Vendredi matin, le Washington Posta partagé l’information selon laquelle la Russie a soumis une note diplomatique officielle qui protestait contre le transfert par les États-Unis de milliards de dollars de matériel militaire à l’Ukraine et évoquait la perspective de représailles russes contre les livraisons d’armes des États-Unis et de l’OTAN.

La note diplomatique de la Russie accuse les États-Unis d’«attiser» le conflit et met en garde contre des «conséquences imprévisibles».

Elle a déclaré: «Nous appelons les États-Unis et leurs alliés à cesser la militarisation irresponsable de l’Ukraine, qui entrainera des conséquences imprévisibles pour la sécurité régionale et internationale».

Des soldats ukrainiens utilisent un lanceur de missiles américains Javelin lors d’exercices militaires dans la région du Donetsk, en Ukraine, le mercredi 12 janvier 2022 (Service de presse du ministère ukrainien de la Défense via AP)

En réponse à ces déclarations, le porte-parole du département d’État américain Ned Price a déclaré à CNN: «Les Russes ont dit certaines choses en privé, ils ont dit certaines choses en public; rien ne nous dissuadera de la stratégie dans laquelle nous nous sommes engagés».

Price a déclaré que si la Russie s’inquiète du fait que la Maison-Blanche «fournit des milliards de dollars d’aide à la sécurité à nos partenaires ukrainiens… alors nous sommes coupables».

Ces déclarations irréfléchies sont intervenues dans un contexte d’intensification majeure de la guerre cette semaine. Jeudi, le Moskva, le navire amiral de la flotte russe de la mer Noire, a coulé, après avoir été prétendument touché par des missiles antinavires ukrainiens.

Vendredi, le Pentagone a confirmé le compte-rendu du gouvernement ukrainien, affirmant que le naufrage du navire était le résultat d’une frappe ukrainienne et non, comme la Russie l’avait prétendu, d’un accident.

Un responsable de la Maison-Blanche a déclaré au Washington Post: «Ce que les Russes nous disent en privé correspond précisément à ce que nous avons dit publiquement au monde entier, à savoir que l’aide massive que nous apportons à nos partenaires ukrainiens s’avère extraordinairement efficace».

Le Posta également cité George Beebe, ancien directeur de l’analyse de la Russie à la CIA et conseiller pour la Russie de l’ancien vice-président Dick Cheney, qui a déclaré: «Ils ont visé des dépôts d’approvisionnement en Ukraine même, où certaines de ces fournitures étaient stockées».

Beebe a poursuivi: «La vraie question est de savoir s’ils vont au-delà de la tentative de viser [les armes] sur le territoire ukrainien, s’ils essaient de frapper les convois de ravitaillement eux-mêmes et peut-être les pays de l’OTAN à la périphérie de l’Ukraine» par lesquels les fournitures américaines sont transférées.

Beebe a prévenu que si la Russie subit de nouveaux revers militaires, «je pense que les chances que la Russie vise les approvisionnements de l’OTAN sur le territoire de l’OTAN augmentent considérablement… Beaucoup d’entre nous, à l’Ouest, ont supposé que nous pouvions approvisionner les Ukrainiens sans limites et sans risque significatif de représailles de la part de la Russie… Je pense que les Russes veulent faire passer le message que ce n’est pas le cas».

Les armes américaines expédiées en Ukraine comprennent 300 «drones kamikazes» connus sous le nom de «Switchblades», 300 véhicules blindés et 11 hélicoptères Mi-17, ainsi que des mines terrestres, des radars, des milliers d’armes antichars et des équipements de protection nucléaire. En annonçant cette action, le Pentagone a déclaré: «Les États-Unis ont maintenant engagé plus de 3,2 milliards de dollars d’aide à la sécurité en Ukraine depuis le début du gouvernement Biden.» Cela inclut 2,6 milliards de dollars rien qu’au cours des deux derniers mois, depuis le début de la guerre.

L’intensification de la guerre a pour toile de fond la militarisation de l’Europe de l’Est. Il est «très probable» que la Finlande adhère à l’OTAN, a déclaré la ministre finlandaise des Affaires européennes Tytti Tuppurainen dans une interview vendredi, quelques jours seulement après que le premier ministre finlandais eut déclaré que le pays envisagerait de rejoindre l’OTAN dans quelques semaines.

Vendredi, Reuters a rapporté que le chancelier allemand Olaf Scholtz a annoncé une nouvelle augmentation de 2 milliards de dollars des dépenses militaires, dont plus de 432 millions de dollars pour des livraisons d’armes à l’Ukraine.

À la suite du naufrage du Moskva et des allégations russes d’attaques ukrainiennes sur son territoire, des reportages ont fait état de frappes de missiles à l’intérieur de la capitale ukrainienne, Kiev.

Alors que la guerre s’intensifie rapidement, on parle de plus en plus ouvertement de l’utilisation d’armes nucléaires. Jeudi, William J. Burns, le directeur de la Central Intelligence Agency, a déclaré que la Russie pourrait répondre à l’escalade de la guerre par l’utilisation d’armes nucléaires.

«Compte tenu du désespoir potentiel du président Poutine et des dirigeants russes, compte tenu des revers qu’ils ont essuyés jusqu’à présent sur le plan militaire, aucun d’entre nous ne peut prendre à la légère la menace que représente un recours potentiel à des armes nucléaires tactiques ou à des armes nucléaires à faible rendement», a déclaré Burns lors d’une séance de questions-réponses à l’Institut de technologie de Géorgie.

Invité à commenter la déclaration de Burns, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré vendredi sur CNN: «Je ne suis pas le seul à être inquiet, le monde entier, tous les pays doivent l’être».

La combinaison de l’avertissement de Burn sur l’utilisation potentielle d’armes nucléaires et de la déclaration de Price selon laquelle «rien ne dissuadera» les États-Unis d’intensifier la guerre brosse un tableau d’une insouciance stupéfiante. Les États-Unis multiplient massivement leurs objectifs dans le conflit, cherchant non seulement à «saigner à blanc» la Russie pendant des mois et des années, mais aussi à lui imposer une défaite stratégique dans le but de renverser son gouvernement et d’y installer un régime fantoche.

La crise interne aux États-Unis est un facteur important qui contribue à la politique désespérée et insouciante du gouvernement Biden. Cette semaine, Politicoa publié un article intitulé «Le monde de Biden se veut rassurant sur la Covid, mais se ronge les ongles en privé» (Bidenworld projects calm about Covid but bite their nails in private). L’article admet que le gouvernement Biden a démantelé totalement l’infrastructure de suivi de la pandémie de COVID-19 afin de créer un climat de «normalité» et qu’il n’a maintenant aucune idée de l’ampleur de la pandémie aux États-Unis.

Les prix s’envolent, les salaires réels s’effondrent et l’on parle de plus en plus ouvertement d’une récession imminente. Dans ces conditions, le gouvernement Biden voit la guerre comme un moyen désespéré de faire respecter l’«unité nationale» face à un mouvement croissant de la classe ouvrière, non seulement aux États-Unis, mais aussi au niveau international.

L’intensification de l’engagement américain dans la guerre par le gouvernement Biden ne fera cependant qu’approfondir et intensifier la crise et stimuler l’émergence de l’opposition de la classe ouvrière.

(Article paru en anglais le 16 avril 2022)

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