Quelques jours après l’occupation par des étudiants des universités de la Sorbonne et de Sciences Po à Paris, ainsi que des universités de Reims et de Nancy, des manifestations de masse opposées au candidat présidentiel de droite Emmanuel Macron et à la candidate néofasciste Marine Le Pen ont éclaté dans toute la France.
Des milliers de personnes ont défilé à Paris, Lyon, Nantes, Rennes, Caen, Marseille, Nice, Bordeaux, Grenoble, Lille et dans d’autres villes de France. L’opposition au second tour du 24 avril entre Macron et Le Pen est explosive.
Les travailleurs et les jeunes ont défilé sous des bannières où l’on pouvait lire «Ni Macron ni Le Pen», s’opposant à une élection frauduleuse entre ces deux réactionnaires. Le mot-clic #NiMacronNiLePenAbstention était tendance sur Twitter tout au long du week-end en France.
Le Parti de l’égalité socialiste (PES), la section française du Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI), appelle à un boycott actif de l’élection du 24 avril. Un rejet ouvert des deux candidats d’extrême droite est la meilleure façon d’armer la classe ouvrière pour s’opposer à celui des deux candidats d’extrême droite qui remportera l’élection.
Jean-Luc Mélenchon, qui s’est classé troisième avec 22 pour cent des voix, renonce à toute responsabilité politique de fournir une orientation à ses électeurs. Bien qu’il ait gagné les jeunes et les banlieues ouvrières des grandes villes, ainsi que 10 des 16 plus grandes zones urbaines de France, il n’a fait aucun effort pour mobiliser son vote. Alors même que la police agressait violemment les manifestants qui défilaient samedi, il s’est contenté d’organiser un sondage «consultatif» sur ce que ses électeurs comptent faire au second tour.
Selon ce sondage réalisé auprès de 310.000 électeurs de Mélenchon, 37,65 pour cent ont l’intention de voter blanc, 28,96 pour cent comptent s’abstenir et le reste voterait Macron. Autrement dit, au moins deux tiers des quelque 8 millions d’électeurs de Mélenchon s’opposent à voter pour l’un ou l’autre des candidats dimanche.
Néanmoins, Mélenchon et son parti, la France insoumise (LFI), insistent sur le fait qu’ils n’ont pas l’autorité pour émettre des déclarations politiques à leurs électeurs. Ils ont écrit «les résultats de ce sondage ne constituent pas une consigne de vote donnée à qui que ce soit. Il indique l’opinion des 215.292 personnes qui y ont participé. Chacun en conclura et votera en son âme et conscience comme il l’entend». De son côté, Mélenchon a affirmé que la «cohésion» de LFI était sa première préoccupation.
En d’autres termes, Mélenchon a l’intention de lier ceux de ses électeurs qui sont opposés aux deux candidats et cherchent un moyen de lutter à la minorité de partisans de LFI qui appuie Macron. De cette façon, il s’efforce de dissiper l’impact politique du soutien massif que sa campagne a reçu de millions d’électeurs qui espéraient qu’elle exprime une opposition de gauche à Macron et Le Pen.
Mélenchon s’exprimera mardi soir, la veille d’un débat télévisé entre Macron et Le Pen. La responsable LFI, Mathilde Panot, chef du groupe parlementaire du parti à l’Assemblée nationale, a de nouveau fait un commentaire voilé pour indiquer le soutien de son parti à Macron, déclarant que la menace posée par Le Pen n’est «pas de même nature» que celle posée par Macron.
Alors que Mélenchon s’efforce d’isoler les travailleurs et les jeunes protestataires et de désamorcer l’opposition de masse, une forte répression attendait les manifestations de ce week-end contre l’élection. Samedi, à Rennes, la police antiémeute a utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour disperser les manifestants. La préfecture de la ville a défendu ce piétinement du droit démocratique de la population à se réunir et à manifester, car elle n’avait pas autorisé la manifestation.
Dans des scènes qui rappellent la violence policière utilisée pour réprimer les manifestants «Gilets jaunes» plus tôt dans la présidence de Macron, à Paris, la police a chargé les manifestants sur la place de la République. Une vidéo montrant la police bousculant un homme en béquilles et une autre montrant un manifestant au sol frappé avec une matraque ont été partagées en ligne.
Avant la manifestation, une autre vidéo montrait la police passant au peigne fin les stations de métro de Paris pour intimider les personnes qui se rendaient aux manifestations et dissuader les autres de s’y joindre. En réaction, les personnes présentes dans le wagon de métro ont scandé «liberté de manifester».
Parallèlement à une explosion de l’opposition de la classe ouvrière aux deux candidats, la classe dirigeante française craint une expansion des récentes rébellions étudiantes au cours de la semaine prochaine. À l’université de Nanterre, juste en dehors de Paris – où la première occupation de mai 1968 avait eu lieu – tous les cours vont maintenant se donner à distance. Des équipes de sécurité renforcées ont été déployées dans toutes les universités du centre de Paris, où des mesures supplémentaires telles que la fouille des sacs sont imposées aux étudiants.
Néanmoins, les étudiants prévoient des assemblées générales pour organiser une opposition continue la semaine prochaine. Dans la capitale, les étudiants de Paris-8, dans la banlieue ouvrière de Saint-Denis, organisent une réunion ouverte le mardi 19 avril.
De nombreuses manifestations anti-Macron et Le Pen du week-end ont eu lieu aux côtés de manifestations écologistes et anti-Russie appellant à l’armement accru et au soutien des milices ukrainiennes d’extrême droite, à l’expansion de l’OTAN et à davantage de sanctions contre la population russe. Une manifestation d’Extinction Rebellion a occupé le Boulevard St-Denis pendant la nuit sans aucune intervention de la police. Ces forces sont apparemment tolérées par les forces de sécurité en partie à cause du soutien du candidat vert Yannick Jadot à Macron au second tour.
En réaction à la colère croissante de millions de travailleurs et de jeunes face à l’élection, les bureaucraties syndicales se démènent pour contenir la colère sociale dans des limites acceptables pour l’État. En amont de l’élection du 24 avril, elles font tout ce qui est possible pour canaliser la colère contre Macron et Le Pen derrière le président sortant.
Dimanche, Philippe Martinez et Laurent Berger, respectivement chefs de la Confédération générale du travail (CGT) et de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), ont publié une lettre commune dans le Journal de Dimanchequi appelle à voter Macron. Ils ont écrit: «Le Rassemblement national [le parti de Le Pen] est un danger pour les droits fondamentaux des citoyens et des travailleurs. Il ne peut pas être considéré comme les partis républicains, respectueux et garants de notre devise, liberté, égalité, fraternité. Ne lui confions pas les clés de notre démocratie, au risque de les perdre.»
Martinez, dont le syndicat a également approuvé la guerre de l’OTAN en Ukraine et soutenu les renflouements de milliers de milliards d’euros pour les riches pendant la pandémie, prétend que Macron défend la démocratie. Il s’agit toutefois d’une fraude politique. Sa célébration du dictateur collaborationniste nazi Philippe Pétain pendant que la police antiémeute attaquait les «gilets jaunes» qui protestaient pour l’égalité sociale, sa politique homicide qui consiste à «vivre avec le virus» et ses lois discriminatoires qui visent les musulmans l’alignent fermement sur la tradition des politiques d’extrême droite en France.
Une fois de plus, alors que les travailleurs et les jeunes descendent dans la rue pour s’opposer à Le Pen et Macron, les syndicats et leurs alliés de la pseudogauche comme LFI de Mélenchon tentent d’étouffer cette opposition et de la mener dans une impasse. En effet, ils ont tout fait pour étouffer l’opposition à chacune des attaques sociales majeures de Macron contre la classe ouvrière au cours des cinq dernières années de son mandat.
Cette attitude est pourtant diamétralement opposée au sentiment de millions de travailleurs et de jeunes en France qui trouvent la perspective de cinq autres années d’austérité, d’attaques contre les musulmans et de mort massive due à la pandémie sous Macron tout aussi inacceptable que Marine Le Pen. Le seul parti politique en France qui reflète ce sentiment de gauche des masses de travailleurs et de jeunes est le PES. Notre Parti appelle à un boycott actif du deuxième tour des élections françaises et cherche à s’établir en opposition à toutes les factions de la classe dirigeante.
(Article paru en anglais le 18 avril 2022)
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