Le président ukrainien Zelensky menace de «mettre fin à toutes les négociations» alors que la Russie prend le contrôle d’une grande partie de Marioupol

Après le naufrage du Moskva, le navire amiral de la flotte russe de la mer Noire, la semaine dernière, et une expansion majeure des livraisons d’armes de l’OTAN à l’Ukraine, la guerre impérialiste par procuration contre la Russie en Ukraine s’intensifie encore, Zelensky menaçant désormais de «mettre fin à toutes les négociations» avec la Russie.

Les circonstances exactes du naufrage du Moskva restent peu claires. Alors que Kiev affirme avoir tiré deux missiles Neptune qui ont touché le navire — une affirmation soutenue par les États-Unis — le Kremlin insiste sur le fait qu’une explosion à bord et une «mer démontée» sont à l’origine du naufrage. Quelle que soit la vérité, cependant, la perte du Moskva est universellement considérée comme une humiliation et un revers militaire très important pour la Russie. C’est la perte la plus importante qu’une marine ait connue depuis des décennies et on a fait la comparaison avec la catastrophe subie par la marine russe lors de la guerre contre le Japon en 1904-05.

Des militaires ukrainiens courent pour se mettre à l’abri en entendant des explosions lors d’une attaque russe dans le centre de Kharkiv, en Ukraine, dimanche 17 avril 2022. (AP Photo/Felipe Dana)

Motivée sans doute par la tentative de compenser l’impression catastrophique du naufrage du Moskva et en réponse aux provocations sans fin des puissances impérialistes qui ont acheminé des armes qui valent des milliards de dollars vers l’armée ukrainienne, la Russie a intensifiée les frappes aériennes sur des cibles à travers l’Ukraine, et a fait un effort concerté pour s’emparer de Marioupol.

Depuis dimanche, les forces russes auraient détruit une usine de munitions près de Kiev et se sont emparées de grandes parties de la ville du sud-est, à l’exception du territoire situé autour de l’usine Azovstal. Selon le major général russe Igor Konashenkov, 2.500 combattants affiliés au bataillon néonazi Azov tenaient toujours bon dans l’usine Azovstal, dont 400 mercenaires étrangers, recrutés pour la plupart en Europe et au Canada.

Kiev a rejeté l’ultimatum lancé par l’armée russe aux forces ukrainiennes restantes, qui devaient se rendre avant dimanche midi. Le Premier ministre ukrainien a insisté sur le fait que les troupes «se battraient jusqu’à la fin».

En réaction aux menaces des responsables russes selon lesquelles les forces qui combattent encore à Marioupol seraient «éliminées», Zelensky a prévenu que la destruction de «nos gars mettra fin à toutes les négociations avec la Russie».

Mariupol est assiégée depuis sept semaines. Une catastrophe humanitaire se déroule parmi les 100.000 civils qui sont restés dans la ville et qui auraient connu de graves pénuries d’électricité, d’eau et de nourriture. Les négociations entre la Russie et l’Ukraine sur la mise en place de couloirs d’évacuation de la population civile, notamment de Marioupol, se sont soldées par des échecs répétés.

Avec une population de 400.000 habitants avant la guerre, Marioupol est la deuxième plus grande ville de l’est de l’Ukraine, le «Donbass», et revêt une importance stratégique et économique majeure. Elle est située sur la côte nord-est de la mer d’Azov et, jusqu’à la guerre, une grande partie des importations et des exportations de l’Ukraine passaient par ses ports.

Si elle était prise par la Russie, la ville constituerait un élément crucial d’un pont terrestre entre la péninsule de Crimée, dans la mer Noire, et les autres territoires contrôlés par la Russie dans le Donbass, autour de Donetsk et de Lougansk. Un tel scénario constituerait un revers militaire majeur pour l’Ukraine et créerait des défis économiques et logistiques importants pour le gouvernement Zelensky dans la poursuite de la guerre.

Il est largement reconnu que le bataillon Azov, qui comprend des néonazis purs et durs admirant Adolf Hitler et rêvant d’une bataille mondiale pour la suprématie de la «race blanche», a joué le rôle central dans la bataille de Marioupol depuis le début de la guerre cette année. Dans la guerre civile qui a éclaté après le coup d’État de février 2014 soutenue par les États-Unis à Kiev, une bataille sanglante entre les milices d’extrême droite comme le Secteur droit et le Bataillon Azov et les séparatistes prorusses s’est terminée par la chute de la ville aux mains du régime de Kiev. Plus tard dans l’année, le Bataillon Azov a été intégré à la Garde nationale ukrainienne et a établi son quartier général officiel à Marioupol.

Dans une interview accordée aux médias locaux, Zelensky a indiqué que le gouvernement avait effectivement donné carte blanche aux combattants d’Azov. Il a déclaré: «Les Azovtsy sont déjà des héros et personne ne leur interdirait de prendre certaines mesures». Zelensky a décerné aux commandants du bataillon Azov des distinctions de «héros de l’Ukraine». Son gouvernement a encouragé une campagne de recrutement par Azov qui vise à attirer les forces d’extrême droite du monde entier pour combattre dans la guerre.

Dans une interview accordée à Jake Tapper de CNN, assis devant le drapeau national ukrainien et un drapeau qui porte l’emblème de l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN), organisation collaborationniste nazie, Zelensky a reconnu que «le monde entier, tous les pays doivent s’inquiéter» que la Russie puisse utiliser des armes nucléaires.

Toutefois, loin de prôner une désescalade du conflit, il a fait écho à la rhétorique provocatrice du président américain Joe Biden. Ce dernier a affirmé la semaine dernière que la Russie perpétrait un «génocide» contre les Ukrainiens. Il a exigé des «armes plus puissantes et plus destructrices» pour l’Ukraine et un embargo complet sur le pétrole et le gaz russe. Il a également prévenu que l’Ukraine ne céderait pas la partie orientale du pays, la Russie préparant une offensive majeure dans le Donbass, qui devrait débuter dans les prochains jours.

L’Ukraine dispose déjà d’énormément d'armes techniquement avancées de l’OTAN, qui ont joué un rôle central dans la guerre. Les systèmes d’armes avancés dont disposent l’armée ukrainienne et les forces d’extrême droite expliquent dans une large mesure les pertes dévastatrices subies par l’armée russe. Les pertes se chiffrent en milliers de soldats et en dizaines de hauts responsables militaires.

Rien que depuis le début de la guerre, le 24 février, les États-Unis se sont engagés à livrer pour 2,6 milliards de dollars d’armes à l’Ukraine. Il s’agit notamment, de chars, de missiles antichars et d’autres systèmes d’armes avancés. Les États-Unis ont également étendu de manière significative leur coopération avec l’armée ukrainienne en matière d’«opérations de renseignement».

Avant même la guerre, les États-Unis et l’OTAN ont dépensé des milliards pour armer l’armée ukrainienne, tandis que la CIA, selon Yahoo News, menait «un programme secret d’entraînement intensif aux États-Unis pour les forces d’opérations spéciales ukrainiennes d’élite et d’autres personnels de renseignement», afin de préparer une «insurrection» contre la Russie.

Aujourd’hui, l’armée américaine utilise l’expérience de la guerre impérialiste par procuration en Ukraine pour se préparer systématiquement à une confrontation militaire directe avec la Russie et la Chine, c’est-à-dire à une guerre mondiale. Un rapport de l’Associated Press a noté que «les formateurs de l’armée américaine utilisent déjà les leçons tirées de la guerre de la Russie contre l’Ukraine. Ceci afin de préparer les soldats à de futurs combats contre un adversaire majeur comme la Russie ou la Chine».

La secrétaire d’État à l’Armée de terre, Christine Wortmuth, a déclaré à l’AP: «Je pense qu’en ce moment, l’ensemble de l’Armée de terre regarde vraiment ce qui se passe en Ukraine. Il essaie d’en tirer des leçons.» Ces «leçons», a-t-elle précisé, vont des problèmes d’équipement et de logistique auxquels fait face l’armée russe jusqu’au type de chars que les États-Unis devraient être prêts à déployer sur le terrain boueux qui prévaut en Europe.

Avec un enthousiasme à peine voilé sur le déroulement de la guerre, Wortmuth a déclaré: «L’expérience Russie-Ukraine est une illustration très forte pour notre armée de l’importance que va prendre le domaine de l’information. Cela fait environ cinq ans que nous en parlons. Mais le fait de le voir réellement et de voir la façon dont Zelenskyy l’a fait a été incroyablement puissant… C’est une guerre mondiale que le monde actuel peut voir et observer en temps réel».

(Article paru d’abord en anglais le 18 avril 2022)

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