COVID-19: Le système de santé publique du Royaume-Uni s’effondre face à la recrudescence des hospitalisations et des décès

Le système de santé publique britannique (National Health Service – NHS) fait face à une crise sans précédent devant la recrudescence des hospitalisations et des décès dus au coronavirus, à la suite de la levée par le gouvernement conservateur de toutes les restrictions clés en matière de santé publique.

Dans un tweet remarquable publié sur Twitter dimanche, le directeur général de NHS Providers, Chris Hopson, a exposé les «quatre grands défis interdépendants» qui ont créé «la période de pression la plus longue et la plus soutenue du NHS» que 20 présidents et directeurs généraux expérimentés de tout le service de santé aient jamais connue.

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Hopson cite comme premier défi «des fréquences de cas de COVID beaucoup plus élevés que ce à quoi nous nous attendions».

Au cours de la première semaine d’avril, le nombre de patients hospitalisés pour la COVID-19 a dépassé les 20.000 dans tout le Royaume-Uni: un niveau jamais atteint depuis les pires jours de la pandémie en janvier et février 2021. Selon les chiffres officiels, 19.028 patients sont actuellement hospitalisés pour la COVID, dont 15.432 ont été admis au cours des sept derniers jours. Des centaines de personnes meurent chaque jour de la maladie: il y a eu près de 2.000 décès au cours des sept jours qui ont précédé jeudi dernier.

Les appels se multiplient parmi les responsables de la santé et les scientifiques pour la réintroduction de la distanciation sociale et du port du masque obligatoire dans les espaces publics pour alléger la pression sur les hôpitaux. Mais le gouvernement Johnson maintient qu’«aucun changement n’aura lieu dans nos directives et que notre plan de vivre avec la COVID reste inchangé».

Hopson a déclaré au Sunday Timesque la COVID est en pleine expansion en partie parce que le gouvernement prétend que «la COVID n’existe plus et que personne n’a besoin de prendre de précautions». Cette déclaration fait suite à celle de Matthew Taylor, directeur général de la Confédération NHS, qui a déclaré à la BBC en début de semaine: «À notre avis, nous n’avons pas un plan vivre-avec-la-Covid, nous avons une idéologie vivre-sans-restrictions» et à l’intervention du Dr Chaand Nagpaul, président de l’Association médicale britannique, qui a mis en garde contre les pressions qui s’exercent sur le système de santé: «Cette période de Pâques s’annonce aussi mauvaise que certains des pires hivers que nous ayons connus».

Le deuxième défi est une «perspective très tendue pour les soins d’urgence». Selon Hopson, les pressions sont «nettement plus importantes, plus durables et plus étendues géographiquement que ce que nous avons vu auparavant».

Le secteur des soins hospitaliers le plus touché est celui des services d’accident et d’urgence où les temps d’attente pour les patients de type 1, dont la vie est en danger, ont atteint des niveaux record ces dernières semaines. La Confédération du NHS rapporte:

«Il y a eu 1,42 million de consultations de type 1 en mars, dont 58,6 pour cent dans un délai de quatre heures. La pire performance enregistrée avant la pandémie était de 68,6 pour cent en décembre 2019, et la performance de février était la pire précédemment enregistré (60,8 pour cent)».

«Pendant ce temps, 22.506 attentes de 12 heures ont eu lieu entre la décision d’admission, et l’admission elle-même (une attente sur brancard)… Sur l’ensemble de l’année 2019, 8.272 attentes sur brancard de 12 heures ont été enregistrées, donc le nombre pour mars uniquement représente 272 pour cent d’une année entière d’attentes de 12 heures avant la pandémie».

La Dre Sarah Scobie, directrice adjointe de la recherche au Nuffield Trust, a déclaré que les patients se trouvaient face à des «niveaux de souffrance effrayants». Elle a prévenu: «C’est difficile d’imaginer une fin en vue, les longues attentes pour les soins de santé sont résolument là pour rester».

Les ambulances connaissent également des retards sans précédent. Au cours de cinq des sept derniers mois, les délais de réaction pour les blessures les plus graves et potentiellement mortelles ont largement dépassé les neuf minutes, alors que la norme est de sept minutes. De même, les patients de catégorie 2, notamment ceux qui risquent d’être victimes d’une crise cardiaque ou d’un accident vasculaire cérébral qui devraient être traités dans un délai de 18 minutes selon les lignes directrices, doivent attendre en moyenne une heure et une minute avant d’être rejoints par une ambulance en raison des retards.

Dans l’ensemble, l’attente pour les ambulances a atteint une moyenne de 2 heures et 17 minutes, ce qui est la première fois depuis le début des enregistrements que ce chiffre dépasse 2 heures.

Le Service d’ambulance de Londres prévoit désormais de faire appel à des volontaires pour répondre aux appels d’urgence de catégorie 3, notamment les femmes en derniers stades de l’accouchement, les patients souffrant de douleurs abdominales et les cas de diabète, pour lesquels les patients peuvent être traités à domicile.

La présidente du Royal College of Emergency Medicine, la Dre Katherine Henderson, a déclaré: «Je trouve honteux que nous soyons dans cette situation».

Personnel infirmier dans un hôpital du NHS (Photo: WSWS Media)

«Le défi 3, écrit Hopson, est l’arriéré de soins». La liste d’attente pour les procédures électives a atteint le chiffre record de 6,18 millions de patients en mars, contre 6,1 millions en février. C’est la situation, malgré les vaillants efforts des travailleurs du NHS qui ont permis de rayer 1,26 million de patients de la liste d’attente en février et de réduire les délais d’attente toujours dangereusement élevés pour le diagnostic et le traitement du cancer.

Le Financial Times a rapporté dimanche qu’au cours de la semaine qui se termine le 12 avril, moins de 5.000 lits d’hôpitaux pour soins généraux ou d’urgence étaient inoccupés en Angleterre, soit 5,4 pour cent du total et le niveau le plus bas de toute la pandémie. Nigel Edwards, directeur général du Nuffield Trust, a déclaré au journal qu’«aucun système hospitalier ne peut fonctionner à ce niveau d’occupation en dehors de très courtes périodes de crise».

Les responsables du NHS ont commencé à assouplir les procédures de contrôle et de prévention des infections pour libérer la capacité des hôpitaux. Il s’agit notamment de mesures telles que la fin des tests systématiques sur les patients et la séparation des patients COVID-positifs de la population générale, ainsi que des protocoles assouplis pour les équipements de protection individuelle.

Selon des sources du NHS, The Independentrapporte qu’«au moins deux grands hôpitaux, à Newcastle et à York, ont abandonné le dépistage de tous les patients qui ne présentent pas de symptômes afin d’alléger la pression sur les lits, ce qui fait craindre que la COVID puisse se propager dans les départements non contrôlés. D’autres hôpitaux sont susceptibles de faire de même si la pression sur les lits s’aggrave».

Outre la forte demande hospitalière due à la COVID, les cliniciens sont incapables de faire sortir les patients qui ne nécessitent plus de traitement hospitalier en raison d’une crise de personnel dans les services de santé communautaires et les services sociaux.

Hopson décrit le manque de personnel comme «le plus grand défi de tous». Les absences quotidiennes du personnel s’élèvent désormais à environ 71.000, en plus des 110.000 postes vacants au sein du NHS en Angleterre. Ce chiffre se rapproche du précédent pic d’absences enregistré le 10 janvier 2022. Dans les régions du sud-ouest et du sud-est de l’Angleterre, les absences avaient déjà dépassé en mars leur pic de janvier, 48 pour cent des absences étant dues à la COVID dans le sud-ouest.

Selon une récente enquête menée auprès du personnel du NHS, environ un quart des travailleurs de la santé sont à la recherche d’un nouvel emploi, en raison de l’épuisement professionnel généralisé et du moral bas du personnel. Le personnel du NHS a souffert de 8 millions de jours de maladie mentale au cours des cinq dernières années, dont 2,2 millions en 2021. Seuls 27 pour cent des employés du NHS estiment qu’il y a suffisamment de personnel dans leur organisation pour leur permettre de faire leur travail correctement et en toute sécurité. Près de la moitié d’entre eux se sont sentis mal à cause du stress lié au travail au cours du mois dernier. Un tiers d’entre eux se sentent épuisés et un autre tiers sont épuisés à l’idée d’effectuer leur prochaine garde.

Le Dr Thomas Dolphin, consultant en anesthésie, a déclaré au Guardian: «Nous avons brutalisé notre personnel pendant des mois. Ensuite, ce n’est pas surprenant qu’un grand nombre d’entre eux soient partis. Ils ont pris leur retraite ou ont déménagé dans un autre pays dès qu’ils l’ont pu, parce que c’était une véritable torture pour leur âme. Maintenant, nous sommes dans une position où nous sommes encore plus à court de personnel. La conséquence est dans ces chiffres».

Hopson conclut son article de manière accablante: «Ces pressions sont le résultat de quatre lignes de faille à long terme qui se sont développées au cours de la dernière décennie. C’est la plus longue et la plus profonde compression du financement du NHS qu’il n’a jamais connu. Le NHS est donc incapable de construire des capacités supplémentaires pour répondre à la demande croissante. Cette situation génère des pénuries croissantes de main-d’œuvre. En outre, le gouvernement est dans l’incapacité de résoudre les problèmes de l’aide sociale».

Le gouvernement du Parti conservateur de Johnson, qui s’est engagé à privatiser le service de santé, n’a pas l’intention de résoudre la situation. Le ministre de la Santé, Sajid Javid, a insisté sur le fait que les effectifs devront être traités en fonction des budgets existants. Le chancelier Rishi Sunak a demandé aux NHS Trusts de réaliser des «économies d’efficacité» d’un montant de 4,75 milliards de livres sterling dans le cadre de plans qui visent à réduire les dépenses «inutiles» dans l’ensemble du secteur public.

Une enquête de la British Medical Association (BMA) auprès de 1.194 médecins a révélé que 52 pour cent d’entre eux estiment que les plans de redressement du gouvernement sont «totalement irréalisables» et que 36 pour cent pensent qu’ils sont «plutôt irréalisables» avec les ressources de santé existantes.

(Article paru en anglais le 19 avril 2022)

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