Rapport d’Oxfam: Les pays les plus pauvres vont passer de la crise à la catastrophe

À l’approche des réunions du printemps du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale qui se tiennent à Washington cette semaine, l’organisation d’aide internationale Oxfam a produit un rapport détaillant l’impact terrible pour près de la moitié de la population mondiale de la hausse de l’inflation, qui vient s’ajouter aux effets dévastateurs de la pandémie de la COVID-19.

Page de couverture du rapport Oxfam d’avril 2022, titré «D’abord la crise, puis la catastrophe.»

Selon le rapport d’Oxfam, la crise des inégalités extrêmes et celle de l’inflation qui touche la nourriture et l’énergie, accélérées par la guerre en Ukraine et la COVID-19, convergent pour créer une catastrophe pour les personnes les plus pauvres du monde «sans précédent de mémoire d’homme».

Le rapport, intitulé D’abord la crise, puis la catastrophe, estime qu’au moins un quart de milliards de personnes supplémentaires pourraient basculer dans l’extrême pauvreté, qui est définie comme un revenu inférieur à 1,90 dollar par jour, ce qui porterait le total à 860 millions de personnes.

Le nombre de personnes qu’on estime vivre sous le seuil de pauvreté de 5,50 dollars par jour s’élève déjà à 3,3 milliards, soit près de la moitié de la population mondiale.

Le rapport note que, parallèlement, la richesse des milliardaires «a connu la plus forte augmentation jamais enregistrée» et que l’accumulation de richesses au sommet va se poursuivre.

«Les grandes entreprises semblent exploiter un environnement inflationniste pour accroître leurs bénéfices aux dépens des consommateurs: la flambée des prix de l’énergie et des marges porte les bénéfices des compagnies pétrolières à des niveaux record, tandis que les investisseurs s’attendent à ce que les entreprises agricoles deviennent rapidement plus rentables avec la flambée des prix des denrées alimentaires», déclare Oxfam.

L’inflation augmente rapidement et dépassera de loin la croissance des salaires cette année.

Les pays pauvres sont saignés à blanc par les banques internationales, les institutions multilatérales de prêt, dont le FMI, et les sociétés d’investissement.

Selon le rapport, le service de la dette de l’ensemble des pays les plus pauvres du monde est estimé à 43 milliards de dollars pour cette année, ce qui équivaut à près de la moitié de leurs dépenses en matière d’importations alimentaires, de soins de santé, d’éducation et de protection sociale combinées.

La situation est encore pire pour les pays aux revenus les plus faibles. En 2021, le montant consacré au service et au remboursement de la dette représentait 171% de leurs dépenses combinées en matière de soins de santé, d’éducation et de protection sociale.

Le rapport indique clairement que les mesures très limitées prises au début de la pandémie, censées alléger le fardeau de la dette – l’initiative de suspension du service de la dette et le cadre commun mis en place par le G20 – «se sont révélées largement inefficaces».

Il en va de même de la décision tant vantée du FMI de rendre disponibles 650 milliards de dollars en droits de tirage spéciaux (DTS) supplémentaires en août, afin de permettre un meilleur accès aux devises étrangères sans condition. Les DTS supplémentaires n’ont en effet pas été alloués en fonction des besoins, mais bien en fonction des quotas du FMI, ce qui signifie que les pays les plus riches en ont été les principaux bénéficiaires.

Le G20 s’était engagé à réaffecter quelque 100 milliards de dollars, mais à ce jour, seuls 36 milliards de dollars ont été fournis.

La situation financière à laquelle sont confrontés les pays les plus pauvres et les plus endettés ne peut que s’aggraver au cours de la période à venir en raison des mesures prises par les principales banques centrales du monde, avec la Réserve fédérale américaine en tête, pour augmenter les taux d’intérêt dans un contexte d’inflation galopante.

C’est une recette pour des troubles financiers dans les pays à faible revenu qui ont besoin de dollars pour payer leurs importations d’énergie, de nourriture et de médicaments.

Le rapport comporte une mise en garde: «Plusieurs pays en développement risquent de ne pas rembourser leurs dettes dans les mois à venir et tenteront d’éviter la faillite tout en essayant de maintenir leurs importations vitales. Cela pourrait signifier des réductions drastiques des dépenses dans le monde entier, exacerbant un chemin déjà dangereux vers l’austérité que les pays ont commencé à prendre avec le soutien du FMI.»

Selon les représentants d’Oxfam, alors qu’en 2020, le FMI exhortait les pays à dépenser de l’argent pour combattre les effets de la pandémie, sans imposer les conditionnalités qui étaient liées aux prêts par le passé – des mesures telles que la réduction des dépenses sociales et la privatisation des entités publiques – ces conditionnalités sont désormais de retour dans une grande majorité des prêts et des accords de restructuration de la dette.

Le FMI pose de telles conditions alors que des représentants du gouvernement du Sri Lanka, l’un des pays au centre de la crise de la dette, rencontrent ses responsables à Washington cette semaine.

Le rapport d’Oxfam avance des chiffres qui montrent qu’il y a plus qu’assez d’argent pour faire face à la crise.

«Un impôt progressif sur la fortune de 2% seulement pour les patrimoines personnels supérieurs à 5 millions de dollars, de 3% pour les patrimoines supérieurs à 50 millions de dollars et de 5% pour les patrimoines supérieurs à 1 milliard de dollars pourrait générer 2.520 milliards de dollars dans le monde», selon le rapport.

Cette somme serait «suffisante pour sortir 2,3 milliards de personnes de la pauvreté, produire suffisamment de vaccins contre la COVID-19 pour le monde entier et offrir des soins de santé et une protection sociale universelle à tous ceux qui vivent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire inférieur», et dont la population totale s’élève à 3,6 milliards d’habitants.

Mais ces mesures ne seront jamais mises en œuvre tant que le contrôle de l’économie restera entre les mains des représentants des élites financières, des multimilliardaires et des oligarques capitalistes qui composent les gouvernements dans tous les pays. En fait, les choses évoluent dans l’autre sens.

Déjà aux États-Unis, par exemple, la soi-disant «taxe sur les milliardaires» limitée proposée par le président Biden ne va nulle part. En Australie, en pleine campagne électorale, le Parti travailliste dans l’opposition a annoncé qu’il soutiendrait les réductions d’impôts pour les couches les plus riches de la population proposées par le gouvernement libéral, tout en excluant toute augmentation des allocations aux chômeurs.

Comme c’est souvent le cas avec ses rapports, Oxfam dresse un tableau dévastateur des rouages du système capitaliste. Mais comme toujours, la hauteur de son réquisitoire n’a d’égal que la profondeur de sa faillite politique lorsqu’il aborde la question clé: que faire?

Un seul paragraphe du rapport dit tout:

«Alors que la pandémie de la COVID-19 plonge des personnes et des pays dans une crise économique à l’échelle mondiale, les effets cumulés de la crise ukrainienne signifient que nous risquons maintenant de nous diriger vers une catastrophe. Mais celle-ci peut être évitée par une action internationale et nationale audacieuse et coordonnée.»

Autrement dit, si seulement la raison et la rationalité prévalaient, la catastrophe pourrait être évitée. Mais le système de profit capitaliste, que tous les gouvernements servent, ne fonctionne pas sur cette base. Le refus de tous les gouvernements d’entreprendre des mesures fondées sur la science pour éliminer la COVID-19 n’a fait que démontrer ce fait une fois de plus.

Un système qui, par sa logique objective même, produit nécessairement une richesse fabuleuse pour une oligarchie à un pôle et la pauvreté, la mort et la misère pour des milliards de personnes à l’autre, ne peut être amené à changer de cap par des appels à la raison.

En outre, aussi rationnelle et nécessaire que soit la coopération internationale dans un monde qui n’a jamais été aussi intimement lié, elle ne peut être réalisée sous le capitalisme, car le système de profit lui-même est enraciné dans des États-nations et des grandes puissances qui sont rivaux et conflictuels.

La raison et la rationalité ne peuvent être atteintes que s’il existe une force sociale qui lutte pour elles – une force dont les intérêts matériels et sociaux dépendent de leur triomphe.

Cette force est la classe ouvrière internationale, unifiée sur la base d’un programme socialiste international et basé sur le renversement du système de profit. C’est cette perspective qui sera élaborée et développée lors du rassemblement international en ligne du 1ermai du World Socialist Web Siteet du Comité international de la Quatrième Internationale.

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(Article paru en anglais le 19 avril 2022)

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