Le capital financier mondial fait pression sur la Chine pour qu’elle abandonne le zéro-COVID

Les États-Unis et l’Union européenne se montrent de plus en plus hostiles à la politique chinoise du «zéro COVID». Ils exigent que tous les obstacles à la production mondiale soient immédiatement levés, y compris toutes les mesures qui ont un impact sur la mobilité sociale. Les confinements et toute autre stratégie d’atténuation ne peuvent plus être tolérés.

Des habitants font la queue pour la première série de tests de masse COVID dans le quartier de Jingan, dans l’ouest de Shanghai, en Chine, le vendredi 1er avril 2022 (AP Photo/Chen Si, dossier) [AP Photo/Chen Si, File]

Ces sentiments sont fondés sur la logique de la classe dirigeante qui place les profits au-dessus de tout. À la nouvelle de l’abrogation du port obligatoire du masque dans les transports en commun aux États-Unis, les passagers d’un avion de ligne ont éclaté de joie et de rire, une réaction tout à fait rétrograde. Cette réaction ignorante reflète l’hostilité brutale de la classe dirigeante capitaliste envers toute atteinte à ses objectifs économiques.

Comme l’écrivait Forbes mardi, les ministres qui représentent la Chine au G20 auraient «de sérieuses explications à donner sur la politique du “zéro COVID” qui menace l’économie mondiale». Et d’ajouter plus loin: «La majeure partie du ralentissement reflète les retombées de la guerre en Ukraine. Mais une partie de ce ralentissement portera également les empreintes de Pékin».

Lundi, le président du Groupe de la Banque mondiale, David Malpass, a annoncé qu’il avait réduit ses prévisions de croissance mondiale annuelle pour 2022 de près d’un point de pourcentage entier, les faisant passer de 4,1 pour cent à 3,2 pour cent. Il a cité la guerre par procuration menée par les États-Unis et l’OTAN en Ukraine contre la Russie comme le principal facteur qui a un impact sur les perspectives financières mondiales. L’impact du conflit a exacerbé les pressions inflationnistes en cours qui ont vu les prix à la consommation augmenter de 8,5 pour cent depuis mars dernier.

Ces pressions économiques ont un impact catastrophique sur les pays les plus pauvres du monde, entraînant des crises et des troubles sociaux. La pandémie a déjà fait basculer plus d’un quart de milliard de personnes dans l’extrême pauvreté. Près de la moitié de la population mondiale survit à peine avec 5,50 dollars par jour, tandis que la classe capitaliste se gave de la flambée des prix de l’énergie et des denrées alimentaires. Malpass note: «Cette divergence croissante des fortunes est particulièrement troublante compte tenu de la possibilité d’un mécontentement social dans les pays en développement».

Il note ensuite, sans ambages, que «l’émergence du variant Omicron est un rappel brutal que la pandémie de COVID-19 n’est pas terminée. De nouveaux variants du virus peuvent mettre sous pression même les pays hautement vaccinés et menacent de faire des ravages dans les pays à faible taux de vaccination, qui sont les plus pauvres et les plus vulnérables».

En effet, malgré les tentatives des responsables gouvernementaux de présenter la pandémie au passé ou de prétendre qu’elle est devenue saisonnière et endémique, la menace posée par la pandémie en cours n’a pas échappé à la Banque mondiale. Cependant, ces préoccupations sont formulées en fonction de la nécessité urgente de progresser dans la vaccination des populations afin de rétablir la mobilité mondiale et de résoudre les perturbations de la chaîne d’approvisionnement. Pourtant, le nationalisme enragé en matière de vaccins et les immenses profits engrangés par la pandémie et la guerre contribuent à créer l’impasse économique qui se développe rapidement.

Les économistes et les experts politiques ont tenté à plusieurs reprises de qualifier d’imprudente et d’irresponsable la stratégie chinoise de prévention de la pandémie contre le variant Omicron. Comme le dit Forbes, «Les nouveaux confinements à Shenzhen, Shanghai et ailleurs atteignent une masse critique. Selon l’économiste, Lu Ting, de Nomura Holdings, cela signifie qu’environ 400 millions de personnes dans 45 villes du continent sont sous confinement total ou partiel. Lu dit que nous parlons d’environ 40 pour cent du produit intérieur brut chinois, soit environ 7200 milliards de dollars».

Dans un récent article d’opinion paru dans le Global Times de Chine, ces perceptions ont été remises en question. Le 16 avril, on pouvait lire: «C’est censé être un enjeu pour le monde entier, mais certains médias occidentaux ont attribué le ralentissement de la reprise économique et les goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement mondiales à l’insistance de plusieurs centres industriels chinois sur la politique du “zéro-COVID dynamique”, brossant ainsi un tableau différent de la manipulation politique qui s’est opérée depuis l’apparition de la pandémie».

Pendant la majeure partie de la période de plus de deux ans qui s’est écoulée entre la réouverture de Wuhan et la vague actuelle d’Omicron qui frappe la population chinoise, non seulement le nombre de décès dus à la COVID-19 a été parmi les plus faibles de tous les pays, mais aussi, le retour rapide à la normalité sociale a également été reconnu à plusieurs reprises par les médias chinois et occidentaux.

Et alors que les prévisions économiques mondiales de la Banque mondiale étaient en cours d’examen, l’économie chinoise a progressé plus rapidement que prévu au premier trimestre, avec une croissance annuelle du produit intérieur brut de 4,8 pour cent. Selon le Financial Times, bien que les dépenses de consommation aient diminué, la production industrielle a augmenté de 5 pour cent en glissement annuel en mars.

En outre, le commerce total a augmenté de plus de 10 pour cent au premier trimestre, et «le commerce extérieur a affiché une croissance positive en glissement annuel pendant sept trimestres consécutifs», selon le Global Times.

Le comité éditorial du Global Timesa ensuite ajouté: «La Chine a beaucoup contribué à la reprise stable de l’économie mondiale, mais elle est accusée de porter atteinte au commerce mondial simplement parce que les économies de plusieurs villes sont temporairement touchées par l’épidémie. C’est injustifiable». Le reportage explique que les efforts pour que l’économie reste viable doivent être mesurés par la capacité plus importante de protéger la population.

Tandis que presque tous les gouvernements ont laissé le variant Omicron exploser, tuant inutilement des milliers de personnes dans le monde chaque jour, malgré des taux de vaccination élevés, les mesures de prévention de la pandémie à Shanghai ont prouvé, en trois semaines seulement, que même le sous-variant Omicron BA.2, plus contagieux, pouvait être maitrisé.

Depuis le 16 avril, la moyenne des nouveaux cas sur sept jours est en baisse. Depuis le pic de plus de 27.000 nouveaux cas à Shanghai le 14 avril, les nouveaux cas ont à peine dépassé les 20.000 mardi. Cela fait une baisse de plus de 30 pour cent par rapport aux sommets atteints en moins d’une semaine.

Nouveaux cas quotidiens en Chine, rapportés du 1er mars au 19 avril (WSWS Media)

La Chine a mobilisé toutes ses ressources pour mener à bien ces efforts, en dépit des difficultés logistiques auxquelles se heurtent les efforts de cette ampleur. Elle a notamment effectué plusieurs séries de tests de masse sur 26 millions de personnes et construit des centres d’isolement et des hôpitaux pour soigner des dizaines de milliers de patients asymptomatiques et symptomatiques. Pourtant, les médias bourgeois ont choisi à plusieurs reprises de ne pas saluer ces efforts et de ne pas demander pourquoi ils n’auraient pas pu être réalisés dans tous les autres pays. Au lieu de cela, ils s’efforcent de dénigrer ces efforts et insistent sur le fait que les faibles taux d’infection et de mortalité en Chine sont faux.

La méthode utilisée par les autorités sanitaires chinoises pour répertorier les cas et les décès n’a pas changé depuis le début de la pandémie. Cette cohérence a été confirmée. L’évolution actuelle de la vague Omicron à Shanghai est relativement récente, et les cas symptomatiques sont en augmentation depuis quelques semaines. Les autorités ont confirmé 10 décès cette semaine, ce qui indique que le développement de caractéristiques plus graves est un facteur en retard.

Le professeur Jin Dong-yan, virologue à l’université de Hong Kong, a expliqué au Guardianque les autorités sanitaires chinoises ne comptent généralement pas les décès dus à des infections s’il existe des conditions sous-jacentes. «Je ne pense pas qu’elles aient délibérément dissimulé cette affaire ou qu’elles veuillent la minimiser. Ce n’est pas vrai. Ils font simplement comme les années précédentes».

Cependant, la presse occidentale et les experts politiques n’ont pas une seule fois réagi contre la très importante dissimulation instiguée par la Maison-Blanche et les Centres de contrôle et de prévention des maladies, modifiant la façon dont les cas, les hospitalisations et les décès liés à la COVID-19 sont comptabilisés et changeant ce qui constitue une zone à haut risque, afin de réduire de manière importante leur nombre. En fait, ils ont encouragé l’abandon complet de toutes les mesures de suivi en laissant entendre que la capacité des hôpitaux et des unités de soins intensifs était plus importante. Il est de plus en plus évident que non seulement le BA.2 balaie les États-Unis, mais que les hospitalisations grimpent également, et que les autorités avancent à tâtons dans une nouvelle tempête d’infections.

Malgré leurs succès, les autorités chinoises ont indiqué qu’elles étaient en train de commencer à assouplir les restrictions à Shanghai. Les usines reprennent leurs activités, mais dans le cadre du système en circuit fermé qu’elles ont utilisé pendant les Jeux olympiques. Cependant, l’économie chinoise est intimement liée aux systèmes financiers mondiaux. Comme l’a noté Jean-Charles Sambor, de BNP Paribas Asset Management, «nous pensons vraiment que les décideurs chinois sont prêts à s’assurer qu’ils atteignent leurs objectifs de croissance». Même le principal scientifique chinois, Zhong Nanshan, a écrit dans un récent éditorial: «La Chine doit rouvrir afin de normaliser son développement socio-économique et de s’adapter à la réouverture mondiale. La stratégie du zéro dynamique ne peut être maintenue à long terme».

(Article paru en anglais le 20 avril 2022)

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