Les enseignants de tout le Sri Lanka participent à la grève d’un jour contre le gouvernement Rajapakse

Plus de 250.000  enseignants ont pris part à une grève d’une journée lundi pour demander la démission du président Gotabhaya Rajapakse. Ils demandent aussi des aides face aux difficultés de transport auxquelles sont confrontés enseignants et élèves en raison de la grave pénurie de carburant et de la flambée des prix.

Enseignants défilant à Kandy le 25 avril 2022 (WSWS Media)

La grève s’est déroulée dans le cadre des protestations généralisées depuis des semaines de la part des travailleurs, des jeunes, des professionnels et des pauvres des zones rurales. Celles-ci s’opposent à la hausse vertigineuse du prix des aliments essentiels, des médicaments et du carburant, et aux longues coupures d’électricité quotidiennes, et exigent la démission du gouvernement Rajapakse.

Les enseignants ont mené des actions de grève dans toute l’île, au mépris du communautarisme empoisonné promu depuis des décennies par l’establishment politique sri lankais pour diviser la classe ouvrière. Des centaines d’enseignants ont pris part à des manifestations à Colombo, Kalutara et Kandy, malgré le conseil de la part des syndicats de rester chez eux.

Les syndicats n’ont appelé à la grève que pour désamorcer la colère croissante des enseignants, qui sont confrontés à toutes les difficultés des autres catégories de travailleurs. Le manque de carburant et de transports publics a perturbé la présence des enseignants et des élèves dans les écoles. Au cours des deux dernières semaines, la fréquentation des élèves a chuté d’environ 50  pour cent. En raison du prix élevé des denrées alimentaires, de plus en plus d’élèves se rendent à l’école l’estomac vide.

Les enseignants se sont joints à la grève pour défendre leurs droits démocratiques et sociaux contre le gouvernement. Mais les syndicats tentent de détourner la lutte derrière les partis d’opposition — le Janatha Vimukthi Peramuna (JVP) et le Samagi Jana Balavegaya (SJB). La grève a été convoquée par l’ « Alliance syndicale enseignants et directeurs d’école» (Teacher-Principal Trade Union Alliance), qui comprend la Ceylon Teachers' Union (CTU), la Ceylon Teacher Service Union (CTSU) affilié au Janatha Vimukthi Peramuna (JVP) et l’United Teacher Service Union (UTSU) contrôlé par le Frontline Socialist Party (FSP).

Dans sa déclaration aux médias, l’Alliance syndicale a déclaré que le principal objectif de la grève était de «faire pression sur le gouvernement inefficace pour qu’il démissionne», mais elle est restée muette sur une alternative, laissant la porte ouverte au «gouvernement intérimaire» préconisé par le SJB et le JVP pour préparer de nouvelles élections. Ces partis d’opposition soutiennent toutefois les négociations avec le FMI en vue d’un renflouement d’urgence qui s’accompagnera inévitablement de demandes de mesures d’austérité draconiennes, qui ne feront qu’intensifier la catastrophe sociale à laquelle sont confrontés les travailleurs.

En attendant, les syndicats d’enseignants proposent des mesures toutes cosmétiques. Le 21  avril, ils ont demandé au ministère de l’Éducation d’autoriser les enseignants et les élèves à se rendre dans une école voisine «jusqu’à ce que la crise soit terminée». L’alliance a appelé à la grève après que le ministère eut refusé cette demande mais elle a délibérément œuvré à isoler les enseignants des autres travailleurs en leur disant de rester chez eux et de mettre en maladie.

Rassemblement de travailleurs de la santé sri-lankais en grève à Colombo le 8  février 2022 (WSWS Media)

À la fin de l’année dernière, ces mêmes syndicats ont trahi une grève de plus de 100  jours menée par des centaines de milliers d’enseignants qui réclamaient une augmentation de salaire substantielle. Ils ont accepté l’augmentation pitoyable accordée par le gouvernement et en la qualifiant de «victoire». Dans un contexte d’aggravation de la crise économique du pays, les dirigeants syndicaux ont déclaré: «Nous avons compris la crise du gouvernement, nous sommes donc devenus flexibles et n’avons pas demandé l’impossible». Dans le même temps, leurs dirigeants ont offert un soutien total à la réouverture dangereuse des écoles exigée par le gouvernement et les grandes entreprises, permettant ainsi à la COVID-19 de se répandre dans la population.

Joseph Stalin, secrétaire général du CTU, a déclaré lors d’un point de presse le 23  avril: «Nous demandons [au gouvernement] d’écouter le message de la grève du 25  avril. S’il ne le fait pas, nous organiserons une grève générale le 28 [avril] et un “hartal” [grève générale et fermeture des entreprises] le 6  mai.» Le leader de la CTSU, Mahinda Jayasinghe, s’est vanté le même jour: «Nous allons utiliser notre armure lourde de grèves. Nous renverrons le gouvernement chez lui».

Les enseignants ne devraient avoir aucune confiance dans ces organismes perfides et pro-capitalistes. Leur rhétorique vide sert à masquer le fait qu’ils n’ont aucune intention de mener une lutte politique contre le système de profit qui est à l’origine des attaques contre la position sociale des travailleurs. Comme ils l’ont fait l’année dernière, les syndicats visent à confiner toute lutte dans les limites sûres de la politique parlementaire.

Le Parti de l’égalité socialiste (PES) et le Comité d’action enseignants-parents-étudiants (TPSAC), formés à l’initiative du PES, sont intervenus dans la grève, luttant pour mobiliser les enseignants dans un mouvement uni de la classe ouvrière, basé sur des politiques socialistes contre le gouvernement Rajapakse.

Le secrétaire du TPSAC, Kapila Fernando, membre de la commission politique du PES, a publié une déclaration vidéo en soutien aux enseignants en grève. Fernando a déclaré: «La classe ouvrière, y compris les enseignants, doit se battre pour sa propre solution de classe indépendante sans s’arrêter au renversement du gouvernement Rajapakse. La solution consiste à rompre avec le programme en faillite des syndicats, qui consiste à faire pression sur les gouvernements capitalistes. Il faut lutter pour un gouvernement des travailleurs et des paysans qui s’engagera à faire une politique socialiste en unité avec la classe ouvrière internationale».

Fernando a expliqué le rôle traître des syndicats qui ont liquidé à maintes reprises les luttes des travailleurs, y compris des enseignants. Il a exhorté les enseignants à créer des comités d’action indépendants des syndicats pour lutter pour leurs droits.

Les membres du PES ont parlé aux enseignants lors des manifestations de lundi.

Mayura Ekanayake, un enseignant de l’école Gannoruwa Ranabima à Kandy, a expliqué qu’il était incapable de planifier correctement ses cours car il devait passer des heures dans les files d’attente pour le carburant. Il a critiqué les syndicats, déclarant: «Si les syndicats appelaient à des manifestations dans tout le pays, des milliers d’enseignants les rejoindraient dans toutes les villes et villages. Mais les syndicats ont évité cela».

«Il est maintenant beaucoup plus clair que la maigre augmentation de salaire accordée [l’année dernière] par le gouvernement Rajapakse aux enseignants n’était pas une victoire. Nous ne pouvons pas supporter ce coût de la vie élevé. Ce que le PES a dit à l’époque était correct. La classe ouvrière ne doit pas accepter les maigres montants accordés par les capitalistes, mais doit former des comités d’action et se battre pour un programme socialiste afin de gagner ce qu’elle veut».

Une enseignante de Hingurakgoda, dans la province du centre-nord, a expliqué les difficultés auxquelles font face les enseignants et les élèves: «Seule la moitié de nos élèves ont fréquenté l’école au cours des derniers mois. La présence des enseignants était également en baisse. Ils devaient passer des heures pour se rendre à l’école en raison du manque de moyens de transport. Certains ont passé des nuits entières dans des stations-service pour se procurer du carburant. Tous sont soumis à une pression immense. Mercredi dernier, lors de l’assemblée du matin dans notre école, sept ou huit enfants se sont évanouis à cause du manque de nourriture».

Elle a commenté les manifestations antigouvernementales actuelles: «Tous ont scandé ‘Gota [le président] rentre chez toi’. Les syndicats et tous les partis d’opposition font cette demande. Mais ils sont silencieux sur l’alternative. Quel type de changement ce sera? Je suis d’accord pour dire que nous avons besoin de notre propre gouvernement. Nous, qui souffrons, devons nous unir et construire notre propre gouvernement».

(Article paru d’abord en anglais le 27 avril 2022)

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