Ce témoignage a été livré au World Socialist Web Site par Laurent Lafrance, un éducateur spécialisé vivant au Québec, qui est également porte-parole national du Comité de sécurité pan-canadien du personnel scolaire de la base.
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Mardi 19 avril, mon plus jeune fils était testé positif à la COVID-19. Le lendemain, le reste de la famille était aussi atteint de la maladie débilitante et potentiellement mortelle.
Le mardi suivant, j’ai dû retourner au travail au jour 7 de mon infection, malgré un test encore positif et des symptômes évidents. Sans masque N95 fourni, j’ai dû porter le masque chirurgical bleu de niveau 1 qui est distribué aux travailleurs scolaires. Ces masques sonts insuffisants face aux aérosols, le principal mode de transmission du virus. Lorsque les élèves, certains âgés d’à peine 8 ans, apprenaient que j’avais toujours la COVID, tous sans exception me regardaient abasourdis. «Pourquoi es-tu à l’école», me demandaient-ils? Quel malaise! Je ne savais quoi leur répondre autre que: «Vous demanderez au premier ministre [du Québec] Legault». Ce fut une journée troublante pour moi, et aussi pour les enfants.
Les règles ont beaucoup changé dans les écoles. C’est un fait peu connu du grand public que de nombreux membres du personnel scolaire, de retour au jour 5 d’infection après avoir attrapé la COVID, sont forcés de rentrer au travail alors qu’ils sont encore contagieux, répandant ainsi la COVID-19 – peut-être inconsciemment.
Comme ailleurs au Canada et dans le monde, le gouvernement de la CAQ (Coalition Avenir Québec), dirigé par le premier ministre François Legault, a profité de la vague d’Omicron pour éliminer tout ce qui restait des mesures limitées pour freiner la pandémie, sous le prétexte qu’il faut «vivre avec le virus». Cela a entraîné une contamination de masse, y compris une hausse marquée des hospitalisations infantiles durant la vague Omicron.
Dans mon propre cas, il s’agissait de la deuxième fois que la COVID se frayait un chemin dans le foyer familial. La première fut au tout début de la deuxième vague, en octobre 2020, peu de temps après la réouverture de toutes les écoles au Québec. Fait significatif, je n’ai officiellement pas développé la maladie ni même attrapé le virus à ce moment, et ce, malgré le fait que je ne m’étais pas isolé de ma conjointe et de mes enfants infectés. Du moins, les résultats de mes tests étaient tous «négatifs» bien que je trouvais étrange d’avoir ressenti des maux de tête inhabituels. Cette fois, par contre, c’est clair: j’ai attrapé Omicron. Et j’ai été le plus sévèrement atteint de la famille.
En octobre 2020, j’avais été retiré de mon poste 24 jours – la Santé publique jugeait alors qu’il fallait compter jusqu’à 10 jours pour la transmission du virus à une personne vivant sous le même toit, et jusqu’à 14 jours de plus pour que le virus se déclare après la transmission. À l’époque, face à l’inquiétude du public, le gouvernement Legault avait dû suivre certaines recommandations d’experts pour limiter la transmission communautaire. Mais il allait rapidement les mettre de côté, tout en forçant une réouverture prématurée des écoles et des lieux de travail non-essentiels.
Un an et demi plus tard, les gouvernements partout au Canada comme ailleurs dans le monde ont complètement abandonné tous les efforts pour combattre la pandémie.
Répondant aux exigences des banques, de la grande entreprise et des riches qui veulent que les travailleurs retournent au boulot coûte que coûte pour que les profits continuent de couler à flots, les gouvernements ont imposé à la population une politique criminelle du «vivre avec le virus».
Dans certains pays, il n’y a tout simplement plus de règles sanitaires. Au Canada, le masque n’est plus qu’une fiction dans la plupart des provinces. Au Québec, derrière un semblant de précaution avec la prolongation du port obligatoire du masque jusqu’au 15 mai, c’est l’«immunité collective» qui fait loi – le prétexte pseudo-scientifique pour rejeter tout effort sérieux visant à stopper la propagation du virus.
Il est intolérable qu’à cause de cette politique criminelle des autorités en place, des gens – vieux comme jeunes – meurent prématurément, que des milliers d’innocents tombent malades ou que des enfants développent des problèmes de santé à long terme.
Sur les lieux de travail, on a été complètement abandonné par les syndicats durant la pandémie, et en fait depuis des années, au point où l’on ne tente même plus de les contacter sachant que ce serait une perte de temps et d’énergie.
C’est pour cette raison que des travailleurs scolaires canadiens, dont je fais partie, ont bâti leur propre comité pour se protéger et lutter contre la pandémie, indépendamment des syndicats pro-patronaux: le Comité de sécurité pancanadien du personnel scolaire de la base (CSPPB). J’appelle tous les enseignants et éducateurs du Canada à contacter et à rejoindre ce comité.
Pour obtenir des informations sur la mise en place d’un comité de sécurité de la base dans votre école ou établissement d’enseignement, contactez le CSPPB à l’adresse cersc.csppb@gmail.com.