La colère monte chez les infirmières de Stanford alors que le syndicat tente de les forcer à reprendre le travail

Lundi matin, à 10  heures, le syndicat CRONA (Committee for the Recognition of Nursing Achievement – Comité pour la reconnaissance des accomplissements en soins infirmiers) a annoncé que son accord de principe concernant 5.000  infirmières en grève de Stanford Health Care a été ratifié. Selon lui, 83  pour cent des infirmières ayant voté l’ont approuvé. Le syndicat n’a pas publié le total des votes, ni le nombre d’infirmières s’étant abstenues lors du vote surprise que le CRONA a organisé dimanche, moins de 24  heures après avoir publié les détails de l’accord.

C’est là une tentative antidémocratique de mettre fin prématurément à la grève de Stanford. Le syndicat n’a pas produit le décompte des résultats, il n’a pas permis aux infirmières de compter elles-mêmes les bulletins et nombreuses sont celles qui ont déclaré au WSWS que les résultats étaient très douteux. Même si les chiffres étaient exacts, le contrat n’est juridiquement pas valide car il n’a été accepté que sous la contrainte. Après les événements de ce week-end, l’opposition monte chez les infirmières contre ce retour forcé au travail ; beaucoup pensent que la grève devrait être poursuivie jusqu’à ce que leurs revendications soient satisfaites.

Malgré les affirmations du syndicat, le vote n’était pas une approbation de son accord sur trois ans, qui abandonne les demandes d’effectifs suffisants et d’amélioration substantielle des salaires qui étaient au centre de la grève de près d’une semaine. Le CRONA n’a pu imposer l’accord pro-patronat qu’en recourant au mensonges, à l’intimidation et à la violation de ses propres statuts. Il a ordonné aux infirmières de Stanford Health et de l’hôpital pour enfants Packard de reprendre le travail à 6  h 45 mardi matin.

La lutte est loin d’être terminée. Aucun des problèmes auxquels sont confrontées les infirmières à Stanford et dans tout le système de santé – horaires éreintants, épuisement professionnel, érosion du niveau de vie dû à l’inflation galopante – n’a été résolu. Au fur et à mesure que l’impact de cet accord de capitulation sera senti, les infirmières de Stanford seront poussées à lutter pour annuler un contrat qui est illégitime et à reprendre le combat pour leurs revendications. Elles ne pourront pas se permettre d’attendre trois ans pour voter sur un autre contrat.

L’opposition des infirmières a trouvé son expression la plus consciente dans la formation du Comité de la base de Stanford, qui s’est opposé au contrat et a lutté pour l’extension de la grève dans tout l’État de Californie. Des milliers d’infirmières ont lu la déclaration publiée par le comité samedi, intitulée «Votez “NON” au contrat de liquidation à Stanford! Mettez à la porte le comité de négociation et élisez-en un nouveau qui s’engage à se battre pour ce dont les infirmières ont besoin!»

Infirmières de Stanford en grève (WSWS Media)

Lors de discussions avec le World Socialist Web Site Health Care Worker Newsletter, les infirmières en grève ont dénoncé le contrat et les mesures antidémocratiques utilisées par CRONA pour l’imposer.

«Le ton pris par le syndicat pour nous parler a vraiment changé aux réunions du samedi», a déclaré une infirmière. «Au début, on avait l’impression qu’ils bloquaient tous ceux qui avait des questions sur la grève, maintenant ils bloquent tous ceux qui pose des questions sur cet accord. Tout cela semble très précipité, à être fait en un week-end. Donnez-nous au moins un jour ouvrable pour examiner les 55  pages! Le CRONA ne cessait de dire que Stanford utilisait cette tactique de la peur pour supprimer l’assurance maladie, mais maintenant il nous dit: “Signez maintenant avant qu’ils ne suppriment notre assurance maladie”. Autrement dit, le syndicat utilise la tactique de la peur de Stanford contre nous, mais nous étions tous prêts à faire grève indéfiniment».

Le CRONA n’a rendu public l’accord complet que samedi après-midi, après un mouvement de colère des infirmières contre les efforts du syndicat pour les forcer à voter sur un contrat sans en connaître le détail. Avant cela, il n’avait publié de l’accord que ses propres «points saillants».

Lors d’une réunion d’information samedi, les travailleurs ont déclaré que précipiter le vote à dimanche, moins de 48  heures après avoir conclu un accord, constituait une violation des propres statuts du syndicat, qui doit donner aux travailleurs un délai suffisant avant un vote. La présidente du CRONA, Colleen Borges, a rejeté leurs critiques avec arrogance, affirmant que la règle qu’un vote devait avoir lieu «dans les dix (10) jours civils suivant la conclusion d’un accord de principe» était la période maximale et non minimale avant un vote.

Le syndicat a également cherché à faire chanter les infirmières en soulignant que Stanford prévoyait de supprimer les prestations médicales si elles poursuivaient leur mouvement de grève. Comme il était clair que CRONA ne ferait rien pour s’y opposer, les infirmières ont été poussées dans une situation terrible: voter «non» à un contrat liquidateur et perdre leur assurance maladie, pour elles et leur famille.

Une infirmière de Stanford a pointé la section de l’accord sur les effectifs, inadéquate et irréaliste. «Combien de fois [les dirigeants du CRONA] ont-ils pleuré aux informations sur les effectifs insuffisants, et là les points sur les effectifs sont simplement basés sur l’acuité [état de santé], ce que les infirmières responsables font déjà jour après jour. D’où vient la dotation en personnel pour ces fluctuations?»

Une autre infirmière a déclaré au WSWS que les infirmières avaient des conversations sur Zoom pendant la réunion d’information, exprimant leur frustration et demandant la publication de l’accord complet. «Nous évoquions sur Zoom le fait que cela était précipité. Je n’étais pas nécessairement totalement opposée à l’accord, mais cela me rend vraiment sceptique».

Une autre infirmière a déclaré: «Je pense que nous avons besoin de temps pour lire notre contrat. Nous travaillons durant une pandémie! Nous savons à quoi nous avons survécu et nous le devons à nous-mêmes. On ne devrait pas nous contraindre de voter alors que nous croyons que ce n’est pas juste. Je pense que c’est trop précipité. La formulation sur les effectifs est très générale».

Elle a poursuivi: «Engageons plus de gens! Nous avons besoin de plus de gens pour nous appuyer quand on en a besoin. Mais il n’y a pas de plan. Il nous faut un plan! C’est fait à la va-vite. Je ne suis pas à l’aise à décider quelque chose du jour au lendemain. Vendredi, je criais de tout mon cœur [sur le piquet de grève] et maintenant je dois décider pour demain? N’y pensez pas».

Cette infirmière a ensuite lancé un appel fort à ses collègues: «Nous devons lire chaque mot [de l’accord] car tout ce que nous acceptons, il nous faudra travailler avec tous les jours. Ce n’est pas seulement nous, ce sont nos confrères, et nous devons tous nous unir et être ensemble parce que c’est là notre chance».

«Il y a des soirs où nous n’avons pas envie d’être au travail, mais nous sommes là les uns pour les autres. Si nous ne le faisions pas, nous pourrions finir comme ces pauvres infirmières qui mettent fin à leurs jours, qui viennent au travail alors qu’elles font une crise de santé mentale. Nous devons nous faire entendre maintenant. Nous sommes sur la lancée. Nous avons le pouvoir. Mais si nous n’avons pas derrière nous les dirigeants ou les délégués du CRONA, alors il faut nous faire entendre».

Il y a un sentiment croissant en faveur d’une lutte unifiée de toutes les infirmières et de tous les travailleurs de la santé. Rien qu’en Californie, 8.000  infirmières de Sutter travaillent dans le cadre d’un contrat expiré; 19.000 travailleurs de Kaiser ont un contrat à échéance le 31  août; 2.000 travailleurs de Cedars-Sinai feront grève le 9  mai; 3.700 infirmières de Tenet Healthcare travaillent avec un contrat expirant le 30  juin.

Le Comité de grève des infirmières de Stanford continuera à jouer un rôle de premier plan pour défendre les infirmières contre les conséquences de ce contrat et pour les unir aux travailleurs de la santé de toute la Californie, des États-Unis et du monde. Les infirmières et tous les travailleurs en ont assez de l’érosion du niveau de vie, des conditions de travail insupportables et des profits record des entreprises et doivent s’unir pour lutter.

Pour contacter notre comité, où que vous soyez, téléphonez ou envoyez un SMS au 216-245-7052. Vous pouvez également nous envoyer un courriel : Stanfordstrikingnurse@gmail.com

(Article paru d’abord en anglais le 3 mai 2022)

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