La décision de la Finlande d’adhérer à l’OTAN marque une escalade majeure dans la guerre contre la Russie menée par les États-Unis

Le président finlandais Sauli Niinisto et le premier ministre Sanna Marin ont annoncé jeudi dans une déclaration commune que le pays devait rejoindre «sans délai» l’alliance militaire de l’OTAN dirigée par les États-Unis. Cette décision, qui met fin à plus de sept décennies de neutralité formelle de la Finlande, marque une escalade massive dans la course de l’impérialisme américain et européen vers une guerre totale contre la Russie.

L’adhésion de la Finlande fera plus que doubler la frontière de l’OTAN avec la Russie. Le pays partage une frontière de 1.300 kilomètres avec la Russie, et sa capitale, Helsinki, n’est qu’à trois heures et demie de Saint-Pétersbourg en train. Le vote du parlement requis pour soumettre officiellement une demande d’adhésion, attendu la semaine prochaine, est considéré comme une formalité. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a déclaré jeudi que le processus d’adhésion de la Finlande à l’alliance se ferait «sans heurts et rapidement». On s’attend à ce qu’elle soit rapidement suivie par l’adhésion de la Suède voisine. Les sociaux-démocrates au pouvoir s’apprêtent à renverser dimanche leur opposition de plusieurs décennies à l’adhésion à l’OTAN. Selon certaines informations, le gouvernement fera ensuite une annonce officielle lundi.

Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, au centre, participe à une conférence de presse avec le ministre finlandais des Affaires étrangères, Pekka Haavisto, à gauche, et la ministre suédoise des Affaires étrangères, Ann Linde, à droite, au siège de l’OTAN à Bruxelles, le lundi 24 janvier 2022. (AP Photo/Olivier Matthys, Dossier)

Sans surprise, la Russie a réagi à la perspective de voir des soldats, des chars et d’autres armements de l’OTAN stationnés à quelques heures de distance de frappe de sa deuxième ville en mettant en garde contre une escalade majeure du danger de guerre. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a qualifié cette décision de menace «certaine» et a prévenu que la Russie répondrait par des mesures symétriques. L’ancien président Dmitri Medvedev, un proche allié de Vladimir Poutine, a envoyé un message Telegram disant que l’expansion de l’OTAN près des frontières russes «augmenterait la probabilité d’un conflit direct et ouvert entre l’OTAN et la Russie au lieu de leur “guerre par procuration”… Un tel conflit a toujours le risque de se transformer en une véritable guerre nucléaire, ce qui serait un scénario catastrophique pour tout le monde».

Dans une déclaration séparée, le ministère russe des Affaires étrangères a déclaré que Moscou serait «contraint de prendre des mesures de représailles, à la fois de nature militaro-technique et autre, pour mettre fin aux menaces contre sa sécurité nationale».

Les élites dirigeantes finlandaises et suédoises, leurs maîtres impérialistes et les médias bourgeois du monde entier prétendent frauduleusement que la décision des pays scandinaves d’adhérer à l’OTAN est une réaction «défensive» à l’«agression russe» en Ukraine. L’ancien premier ministre finlandais Alexander Stubb a affirmé que l’adhésion à l’OTAN était une «affaire réglée» dès que la Russie a envahi l’Ukraine. Le ministre suédois de la Défense, Peter Holtqvist, qui avait publiquement déclaré en novembre dernier que Stockholm n’adhérerait pas à l’OTAN, a déclaré que l’invasion avait prouvé que Poutine était «imprévisible et peu fiable», ce qui a obligé la Suède à revoir sa position.

Selon la BBC, «les actions de Vladimir Poutine ont brisé un sentiment de stabilité de longue date en Europe du Nord, menant la Suède et la Finlande à se sentir vulnérables».

Ce n’est rien d’autre que de la propagande. La réalité est que l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN est une provocation massive qui a été décidée à Washington, Berlin et Londres bien plus qu’à Helsinki et Stockholm. Après avoir poussé la Russie à lancer une invasion de l’Ukraine en étendant l’OTAN vers l’est au cours des trois dernières décennies et en rejetant les efforts du Kremlin pour négocier des garanties de sécurité, les impérialismes américain, allemand et britannique sont impatients d’ouvrir un nouveau front dans leur effort de guerre pour soumettre la Russie au statut de semi-colonie et renverser le gouvernement Poutine.

Les élites dirigeantes d’Helsinki et de Stockholm ont systématiquement approfondi leurs liens militaro-stratégiques avec les puissances impérialistes au cours des dernières décennies. Après être devenues membres du programme de «Partenariat pour la paix» de l’OTAN au milieu des années 1990, qui était un mécanisme clé pour faciliter l’expansion de l’alliance militaire dirigée par les États-Unis en Europe de l’Est, les troupes finlandaises et suédoises ont participé à une série d’exercices et de missions de l’OTAN. Les troupes suédoises et finlandaises ont rejoint l’occupation néocoloniale de l’Afghanistan, tandis que les jets Saab-Gripen suédois ont effectué des raids de bombardement lors de la destruction de la Libye par les puissances impérialistes en 2011.

S’ils ont retardé leur demande d’adhésion à part entière à l’OTAN, c’est avant tout en raison de l’hostilité populaire généralisée à l’alliance militaire agressive dans les deux pays. La campagne anti-russe hystérique et la fièvre de guerre attisée par les gouvernements et les médias aux États-Unis et en Europe à la suite de l’invasion réactionnaire de l’Ukraine par Poutine ont engendré un changement radical dans les sondages d’opinion. Les gouvernements finlandais et suédois en ont profité pour mettre en œuvre des plans d’adhésion à l’OTAN préparés de longue date et qui n’attendaient qu’un prétexte.

Reconnaissant l’opposition à l’agression militaire qui reste forte parmi les travailleurs, Niinisto et Marin ont cherché à présenter leur décision dans la déclaration de jeudi en termes de «défense nationale». Ils ont déclaré: «L’adhésion à l’OTAN renforcerait la sécurité de la Finlande. En tant que membre de l’OTAN, la Finlande renforcerait l’ensemble de l’alliance de défense».

C’est un mensonge. L’intégration de la Finlande et de la Suède dans l’OTAN transformera en fait l’ensemble de la région nordique en un nouveau théâtre du conflit militaire avec la Russie. De même que les puissances impérialistes injectent des dizaines de milliards de dollars d’armes létales en Ukraine dans le but de «briser les reins de la Russie», quels que soient les dégâts infligés au pays, la Finlande et la Suède deviendraient des États militarisés en première ligne et des zones de guerre potentielles. Comme Trotsky l’a écrit dans La guerre et la Quatrième Internationaleà la veille de la Seconde Guerre mondiale: «Nous voyons comment la neutralité formelle est naturellement remplacée par un système de pactes impérialistes et comment la guerre pour la “défense nationale” mène inévitablement à une paix annexionniste». Dans le cas d’Helsinki, ces «annexions» incluraient sans aucun doute les 10 pour cent de son territoire d’avant la Seconde Guerre mondiale qu’elle a perdus au profit de l’Union soviétique après 1945.

Le fait que les puissances impérialistes voient l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN comme un autre front dans la guerre contre la Russie a été souligné par la visite mercredi dans les deux pays du premier ministre britannique Boris Johnson, qui a conclu des pactes de sécurité mutuelle avec Helsinki et Stockholm. Lors d’une conférence de presse à la résidence de campagne du premier ministre suédois, Boris Johnson a refusé d’exclure le déploiement d’armes nucléaires pour protéger la souveraineté de la Suède et de la Finlande. Johnson a déclaré qu’il examinerait «très sérieusement» cette demande si l’un ou l’autre pays la formulait. «Ce que nous disons avec insistance, c’est qu’en cas de catastrophe ou d’attaque contre la Suède, le Royaume-Uni viendrait en aide à la Suède en lui offrant tout ce que celle-ci demanderait».

Étant donné la position de la Russie qui n’acceptera pas que la Finlande et la Suède rejoignent l’OTAN, Johnson a effectivement engagé la Grande-Bretagne dans une guerre avec la Russie aux conséquences incalculables. Exprimant la putréfaction du régime démocratique en Grande-Bretagne, comme parmi toutes les puissances impérialistes, il n’y a eu aucune discussion au Parlement sur ces graves événements, et encore moins au sein de la population.

Le chancelier allemand Olaf Scholz a invité Marin et la première ministre suédoise Magdalena Andersson à une retraite gouvernementale au Schloss Meseberg la semaine dernière afin de finaliser les plans d’adhésion des deux pays à l’OTAN. Après la réunion, Scholz a déclaré: «Si ces deux pays décident de faire partie de l’alliance de l’OTAN, ils peuvent compter sur notre soutien».

Quant à l’armée américaine, elle a étendu la formation et la coopération bilatérales avec l’armée finlandaise au cours des dernières années, et Washington bénéficie d’une relation de partage de renseignements avec la Suède depuis des décennies.

Alors que la longue frontière de la Finlande avec la Russie offre à l’OTAN la possibilité de lancer des provocations contre la Russie et de menacer rapidement Saint-Pétersbourg, la Suède occupe une position stratégique cruciale sur la côte ouest de la mer Baltique. L’île de Gotland, où l’armée suédoise a maintenu pendant des décennies une présence importante pendant la guerre froide, se trouve à seulement 300 kilomètres au nord-ouest de l’exclave russe de Kaliningrad, qui abrite la flotte de Moscou dans la Baltique.

Avec leur volonté d’adhérer à l’OTAN, les bourgeoisies finlandaise et suédoise réitèrent leur dévouement servile aux forces impérialistes les plus réactionnaires pendant les guerres de la première moitié du vingtième siècle. Immédiatement après s’être vue accorder l’indépendance pour la première fois de l’ère moderne par le gouvernement soviétique, l’élite dirigeante finlandaise a répondu en massacrant des dizaines de milliers de travailleurs avec l’aide des troupes allemandes pendant la guerre civile du pays. Elle a ensuite ouvert le territoire finlandais aux opérations militaires des forces blanches contre-révolutionnaires pendant la guerre civile russe, qui étaient soutenues par une intervention impérialiste visant à renverser le gouvernement soviétique et à transformer la Russie en colonie.

Après l’invasion réactionnaire de la Finlande par Staline lors de la guerre d’hiver de 1939-40, qui reflétait la profonde hostilité de la bureaucratie au programme socialiste et internationaliste qui avait porté les bolcheviks au pouvoir en 1917, l’élite dirigeante finlandaise a aligné le pays sur l’Allemagne nazie. Les forces finlandaises se sont jointes à l’opération «Barbarossa», la guerre d’anéantissement des nazis contre l’Union soviétique, qui a coûté la vie à 27 millions de personnes et conduit à l’Holocauste. De son côté, la classe dirigeante suédoise a été l’une des principales sources de matières premières de l’Allemagne nazie, surtout de minerai de fer, pendant toute la guerre.

Avec la défaite de l’Allemagne nazie et le début de la guerre froide, les actions passées des élites dirigeantes finlandaises et suédoises les ont obligées à adopter une politique non alignée de neutralité. La Finlande était spécifiquement obligée de rester neutre en vertu de son traité de paix avec l’Union soviétique en 1948.

La dissolution de l’Union soviétique par la bureaucratie stalinienne et la restauration du capitalisme ont fondamentalement changé l’environnement politique et géostratégique. Cet événement a donné aux élites dirigeantes finlandaises et suédoises la possibilité de développer des liens militaires et sécuritaires plus directs avec les puissances impérialistes. Leur décision d’adhérer à l’OTAN marque une accélération de ce processus et intensifie le danger imminent d’une guerre des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie qui s’étendrait au-delà des frontières de l’Ukraine et deviendrait incontrôlable.

(Article paru d’abord en anglais le 13 mai 2022)

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