Il faut s’opposer au déploiement de l’armée dans les zones franches du Sri Lanka

Le Comité d’action des travailleurs de l’habillement AWAC (Apparel Workers’ Action Committee) appelle la classe ouvrière à s’opposer au déploiement de l’armée dans les zones franches (FTZ). Il faut exiger leur retrait immédiat et prendre la défense des salariés des FTZ.

Le déploiement militaire dans les zones franches a été décrété le lendemain de la grève générale d’un jour et du hartal du 6  mai. Des centaines de milliers de travailleurs des zones franches ont participé aux grèves générales du 28  avril et du 6  mai, avec des millions d’autres travailleurs dans tout le pays.

Des travailleurs de la zone franche de Koggala manifestent le 28  avril 2022 [WSWS Media].

Ces travailleurs ont exigé la démission du président Gotabhaya Rajapakse et de son gouvernement ainsi que la fin de la pénurie et de la montée vertigineuse du prix de denrées de première nécessité comme les aliments de base, les médicaments et le carburant; et la fin des coupures de courant quotidiennes.

Selon la déclaration du Conseil d’investissement (Board of Investment – BOI), l’autorité de l’État qui supervise les FTZ, il avait «communiqué avec la police et l’armée sri-lankaises pour assurer la sécurité de tous les travailleurs afin de faciliter leur transport sans problème vers toutes les usines respectives».

Un porte-parole du BOI a déclaré aux médias que la police, des soldats de l’armée de terre, de la marine, de l’armée de l’air avaient été déployés dans les zones franches. Il a ajouté qu’on avait pris cette mesure parce que «des groupes de manifestants étaient entrés dans les installations et avaient appelé les travailleurs à participer aux actions de grève».

Cette affirmation est fausse. Comme des millions d’autres travailleurs, les travailleurs des FTZ ont rejoint la grève pour agir contre leurs conditions de vie intolérables.

Immédiatement après la grève générale du 6  mai, le président sri lankais a déclaré l’état d’urgence, facilitant ainsi la mobilisation de l’armée dans tout le pays. Avec l’état d’urgence, il peut déployer l’armée et la police avec le pouvoir d’arrêter des personnes sans mandat, d’interdire les grèves, les manifestations et les réunions, d’imposer des couvre-feux et la censure des médias, et de proscrire les partis politiques ou toute autre organisation.

Le 10  mai, le président a mobilisé l’armée dans les rues avec l’ordre de «tirer à vue» sur de soi-disant émeutiers et pillards.

Des centaines de soldats de l’armée de l’air ont été déployés près de la zone franche de Katunayake. Ils peuvent à tout moment être envoyés à l’intérieur de la zone où se trouvent les usines.

Ce déploiement militaire est une attaque majeure contre les droits démocratiques des travailleurs de la FTZ. L’AWAC avertit que ce mouvement répressif peut être étendu aux autres centres de la classe ouvrière, dans le secteurs privé et le secteur public.

Des travailleurs du vêtement du groupe Esquel manifestent pour demander le paiement d’allocations impayées, le 20  décembre 2021 [Photo : WSWS Media].

Plus de 1.600  usines fonctionnent sous le régime du BOI et emploient plus de 500.000  travailleurs. Un grand nombre de ces usines sont situées dans seulement 14  zones franches. Certaines entreprises appartiennent directement à des investisseurs étrangers, tandis que d’autres sont des joint-ventures avec de grandes entreprises sri-lankaises. La majorité des entreprises fabriquent des vêtements pour des marques mondiales. Toute la production est destinée à l’exportation.

Le gouvernement, le BOI et les entreprises de la FTZ sont sous le choc des deux récentes grèves générales. Comme leurs frères et sœurs de classe ailleurs, les travailleurs de la zone franche se mobilisent rapidement pour lutter contre leurs conditions de vie insupportables.

Le gouvernement et les grandes entreprises mettent tout le fardeau de la crise économique du pays sur le dos des travailleurs et des pauvres. La colère gronde chez les travailleurs des zones franches, durement touchés par les bas salaires et les dures conditions de travail.

Le président du BOI, Raja Edirisuriya, a appelé les salariés à protéger le seul secteur générateur de devises et les investisseurs afin de sauvegarder l’économie de tous les Sri Lankais. «Les exportations sont le seul secteur qui a continué à maintenir l’économie à flot depuis la COVID jusqu’à aujourd’hui», a-t-il déclaré. Il a déploré que le Sri Lanka ait perdu 22  millions de dollars US à cause de la grève du 6 mai et a exhorté les travailleurs à continuer à travailler.

Le BOI et les multinationales craignent manifestement que l’agitation croissante des travailleurs n’affecte leurs profits. Ils se préparent à imposer des conditions plus dures encore et à aggraver l’exploitation pour être compétitifs sur un marché mondial frappé par la crise. Le gouvernement a lâché l’armée pour intimider les travailleurs et se préparer à la répression de toute nouvelle lutte.

En mai 2011, tous les travailleurs de la zone franche de Katunayake avaient spontanément cessé le travail pour protéger leurs pensions – le fonds de prévoyance des employés. La police a tiré sur les grévistes non armés, tuant le travailleur Roshan Chanaka et blessant des dizaines de personnes. Le gouvernement est prêt à utiliser des pouvoirs militaires et policiers impitoyables pour défendre les investisseurs étrangers.

La semaine dernière, la police a mené une chasse aux sorcières dans la zone franche de Katunayake. Un travailleur de l’Electricity Board a été arrêté. Un autre travailleur a déclaré que trois autres avaient été arrêtés, mais qu’ils avaient ensuite été libérés suite à l’intervention d’avocats.

Les syndicats ont soutenu le déploiement militaire. Ils ont pris part à une discussion avec l’Association des fabricants de la FTZ et les forces de sécurité et ont soutenu l’utilisation de soldats sous prétexte qu’ils «assureraient une protection maximale aux travailleurs et aux biens».

Les syndicats sont connus pour leur collaboration avec les entreprises et l’État. Après un bref confinement en 2020, au début de la pandémie de COVID-19, on a rouvert les usines de la FTZ. Les syndicats ont contribué à forcer les employés à retourner travailler dans des conditions dangereuses.

Des travailleurs manifestent devant l’usine de vêtements Next en 2020 [Crédit : WSWS Media].

De nombreuses luttes ont éclaté l’année dernière et au début de cette année contre les conditions de travail difficiles, les bas salaires et les suppressions d’emplois dans des usines telles que Next Garments et Smart Shirts à Katunayake. Dans chaque cas, les syndicats ont trahi ces actions de grève.

Une fois de plus, il a été démontré que les syndicats sont au service des entreprises et de l’État, ne représentent pas les travailleurs et ne se battent pour leurs besoins. Maintenant, ils soutiennent le déploiement de l’armée en vue de réprimer les travailleurs.

L’AWAC exhorte les travailleurs à créer des comités d’action démocratiquement élus, indépendants des syndicats et de tous les partis capitalistes, afin de lutter pour leurs droits. Les syndicats, comme les partis capitalistes, sont contre vous et défendent la grande entreprise.

Le président Rajapakse a installé un nouveau premier ministre pour mettre rapidement en œuvre les mesures d’austérité brutales dictées par le Fonds monétaire international, sous couvert de résoudre les problèmes économiques du pays. Mais sa politique est conçue pour nous faire payer leur crise.

L’AWAC a été lancé par le Parti de l’égalité socialiste (PES) dans le cadre de sa campagne pour la création de comités d’action de la base sur tous les lieux de travail, dans les cités et les banlieues ouvrières. Nous, qui sommes organisés dans l’AWAC, sommes prêts à aider les travailleurs des FTZ à créer des comités d’action.

L'AWAC soutient le programme proposé par le PES pour faire face aux conditions sociales et aux conditions de vie désastreuses vécues par la classe ouvrière:

  • Pour le contrôle démocratique des travailleurs sur la production et la distribution de tous les biens et ressources essentiels à la vie des gens! Nationalisez les banques, les grandes entreprises, les plantations et les autres grands centres névralgiques de l’économie!
  • Répudiation de toutes les dettes étrangères! Non aux exigences d’austérité du FMI et de la Banque mondiale qui représentent les banquiers et les institutions financières internationales!
  • Saisissez les richesses colossales des milliardaires et des trusts!
  • Annulation de toutes les dettes des agriculteurs, pêcheurs et petits entrepreneurs pauvres et marginaux! Rétablissement de toutes les subventions comme celle pour les engrais des agriculteurs!
  • Garantie des emplois et de conditions de travail décentes et sûres pour tous!
  • Indexation des salaires sur le coût de la vie!
  • Il faut affecter des dizaines de milliards aux programmes sociaux, une éducation et des soins de santé gratuits et la garantie de services de haute qualité pour tous ceux qui en ont besoin!

Le PES explique que pour mettre en œuvre cette politique il est nécessaire de lutter pour un gouvernement ouvrier et paysan.

Nous vous appelons instamment à soutenir la lutte pour ce programme socialiste.

L’AWAC se bat pour s’unir aux frères et sœurs de classe à l’international. Les travailleurs sont confrontés dans chaque pays au même genre d’attaques implacables des gouvernements et de la grande entreprise.

(Article paru d’abord en anglais le 18 mai 2022)

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