Le Sri Lanka commémore les 13 ans du massacre de Mullivaikal sur fond de manifestations de masse anti-Rajapakse

Aujourd'hui, le 18 mai, des millions de personnes dans le monde commémorent le 13e anniversaire du massacre de Mullivaikal qui a mis fin à l'horrible guerre civile communautaire de 26 ans au Sri Lanka.

Le 18 mai 2009, l'armée sri-lankaise a finalement encerclé 400.000 civils tamouls et des combattants survivants des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE) dans un rayon de 6 km autour de Mullivaikal. Le gouvernement sri-lankais avait initialement déclaré le secteur comme «zone de cessez-le-feu» et avait dit aux civils de s'y rendre pour être en sécurité. Cependant, l'armée a alors lancé un barrage d'artillerie de grande envergure sur les hommes, les femmes et les enfants piégés à Mullivaikal.

Plus de 40.000 personnes ont été tuées et 300.000 ont été enfermées dans des camps de détention infâmes. Dans ces camps, plus de 12.000 hommes et femmes ont été arrêtés par l'unité antiterroriste du Sri Lanka et détenus dans des camps secrets séparés. Les détails sur leur sort ultime restent inconnus à ce jour. Cet acte horrible de meurtre de masse a été perpétré sous les ordres directs du secrétaire à la Défense de l'époque, Gotabhaya Rajapakse, qui est aujourd'hui président du Sri Lanka.

Aujourd'hui, des masses de travailleurs et de jeunes - cinghalais, tamouls et musulmans - se sont soulevés contre Rajapakse, alors qu'il affame le peuple avec des prix insupportables pour la nourriture et le carburant. Ils exigent : « Gotabhaya doit partir». Au milieu de la vague de grèves et de manifestations de masse, Gotabhaya Rajapakse a été contraint de limoger son Premier ministre qui est aussi son frère, Mahinda Rajapakse. Ce dernier était président lors du massacre de Mullivaikal.

Pour mater la colère des masses, le clan Rajapakse a signalé son intention de s'appuyer pleinement sur son expérience des massacres. Il y a un mois, Rajapakse a exigé que les travailleurs mettent fin au mouvement de protestation, avertissant: «Je vous exhorte à comprendre son danger d'un point de vue historique.» Aujourd'hui, après que des grèves ont forcé l'éviction de Mahinda du poste de Premier ministre, Gotabhaya Rajapakse a imposé l'état d'urgence et autorisé l'armée à tirer à vue sur les manifestants.

L'émergence d'un mouvement de masse pour le renversement de Rajapakse confère au massacre de Mullivaikal une signification contemporaine particulière. La question posée par la commémoration aux travailleurs du Sri Lanka – cinghalais, tamouls et musulmans – et du monde entier est la suivante : comment empêcher une nouvelle flambée d'effusions de sang aussi horrible?

Le Socialist Equality Party, SEP (Parti de l'égalité socialiste) du Sri Lanka a appelé à l'unification de la classe ouvrière et à sa mobilisation pour renverser la présidence exécutive. La bourgeoisie sri-lankaise s'est toujours appuyée sur une stratégie visant à diviser les Cinghalais des Tamouls pour écarter la menace d'en bas, même si cela signifiait plonger les travailleurs dans des meurtres de masse fratricides. Contre les syndicats pro-patronaux liés au régime Rajapakse – qui mobilise des voyous pour attaquer les manifestants – le SEP a appelé à la formation de comités d'action indépendants pour obtenir les produits de première nécessité et organiser la défense contre la répression.

La classe ouvrière a déjà vaincu une tentative de Rajapakse de mobiliser ses voyous pour chasser les manifestants des rues de Colombo. La mort à Mullivaikal de masses de travailleurs et de jeunes tamouls, civils et combattants du LTTE, constitue cependant pour toute la classe ouvrière un avertissement qui ne saurait être oublié de la cruauté de Rajapakse et de toute la classe dirigeante.

Le souvenir de ces massacres constitue également un acte d'accusation irréfutable contre les groupes nationalistes tamouls survivants, qui sautent maintenant dans les bras tachés de sang de Rajapakse. Choquées par la première lutte unie depuis la fin de la domination britannique des étudiants de l'université de Jaffna le mois dernier, les autorités ont réagi en fermant l'université. Le chef de l'Alliance nationale tamoule (TNA), MA Sumanthiran, s'est vanté d'avoir parlé à Mahinda Rajapakse et de lui avoir conseillé de changer le gouvernement pour mettre fin aux manifestations.

De nombreux responsables de la TNA et de ses satellites politiques prendront sans doute la parole et verseront des larmes de crocodile à l'occasion de l'anniversaire de la tragédie. Au cours de la dernière décennie, leurs discours lors de ces commémorations ont pris le caractère d'un rituel prévisible. Ils appellent les Tamouls à demander justice aux gouvernements américain et indien, dont les ambassadeurs ont en fait donné à Rajapakse le feu vert pour perpétrer le massacre de Mullivaikal. Ils font des commentaires hostiles contre le peuple cinghalais, laissant entendre à tort que les travailleurs cinghalais sont racistes et hostiles aux tamouls.

Les nationalistes tamouls aident également à construire une section sri-lankaise du parti chauvin hindou au pouvoir en Inde, le Bharatiya Janata et de son organisation mère, le Shiv Sena, et aident la bourgeoisie indienne à conclure des accords économiques avec Rajapakse. Par l’intermédiaire de tels accords, une couche considérable dans et autour des partis nationalistes tamouls profite personnellement, en montant des entreprises qui exploitent les travailleurs à des salaires de misère. Leur rhétorique raciste vise à diviser les travailleurs et à protéger leurs profits et privilèges de la colère qui monte d'en bas.

La flambée des prix mondiaux des céréales et du carburant qui affame les travailleurs sri-lankais est enracinée dans la faillite du capitalisme et ne peut être combattue que sur la base d'une lutte pour le socialisme. La fonction massive de la planche à billet par les banques centrales pour enrichir les classes d'investisseurs pendant la pandémie de COVID-19 a dévalué les monnaies du monde entier. Avec la coupure des exportations énergétiques et de céréales, à la suite de la campagne de guerre des puissances de l'OTAN contre la Russie, le carburant et les denrées alimentaires essentiels sont devenus inabordables pour les masses de travailleurs du Sri Lanka.

La lutte insurrectionnelle renouvelée des travailleurs sri-lankais remet à l'ordre du jour la lutte pour le socialisme, pour l'expropriation des super-riches et contre la guerre impérialiste.

Au cours de la décennie qui a précédé l'éclatement de la guerre communautaire au Sri Lanka en 1983, les nationalistes bourgeois tamouls avaient promis de construire le socialisme, mais avaient affirmé qu'ils devaient d'abord construire un État tamoul séparé pour y parvenir. Faisant écho à leurs alliés staliniens indiens et, au bout du compte, à la bureaucratie soviétique elle-même, ils ont dupé les travailleurs avec le mirage de construire une variante du «socialisme dans un seul pays» de Staline.

La fin de la guerre civile aboutissant à la mort de dizaines de milliers d'innocents à Mullivaikal, tout comme l'alliance des groupes nationalistes tamouls avec les Rajapakse face aux grèves et manifestations de masse au Sri Lanka, témoigne de la faillite de cette perspective.

Le Parti de l'égalité socialiste (SEP) cherche à unifier la classe ouvrière dans une lutte basée sur l'opposition irréconciliable du Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) au nationalisme et au stalinisme. Il s'oppose à la tendance menée par Michel Pablo et Ernest Mandel qui a rompu avec le trotskysme en 1953, et qui prônait la dissolution de la Quatrième Internationale dans des partis nationalistes bourgeois et staliniens. La source de la guerre communautaire du Sri Lanka trouve ses racines dans la capitulation du Lanka Sama Samaja Party (LSSP) face au pablisme et à sa grande trahison des travailleurs.

Le LSSP avait rejoint la Quatrième Internationale et s'était battu pour le trotskysme. Combattant courageusement la domination coloniale britannique sur le sous-continent indien, il a cherché à construire le Parti bolchevique-léniniste de l'Inde (BLPI) pour mener une révolution socialiste à travers l'Inde. Après que des grèves et des révoltes à travers l'Inde et dans l'armée britannique aient renversé le Raj britannique en 1947, le LSSP a dénoncé la fausse indépendance que Londres avait accordée aux États capitalistes taillés dans le sous-continent indien afin de faire avorter une révolution.

Le LSSP bénéficiait d'un large soutien parmi les travailleurs de toutes les origines nationales et religieuses au Sri Lanka. Il s'opposait au système d'État-nation d'après-guerre créé par l'impérialisme et soutenu par les staliniens. Au Sri Lanka, il s'est opposé à la constitution raciste mise en place par l'impérialisme britannique, qui privait de citoyenneté un million de travailleurs tamouls des plantations et ne reconnaissait pas officiellement la langue tamoule.

En 1964, le LSSP est entré dans le gouvernement capitaliste de Madame Sirimavo Bandaranaike et a accepté une constitution consacrant le bouddhisme cinghalais comme religion d'État. Cette trahison et la colère qu'elle a provoquée parmi les travailleurs tamouls ont créé les conditions permettant aux nationalistes bourgeois tamouls de rallier un public plus important que jamais auparavant.

La Ligue communiste révolutionnaire (RCL), le prédécesseur du SEP, est apparue comme l'opposition internationaliste marxiste à la Grande Trahison du LSSP. Fondée en 1968, la RCL a rejeté la politique du LSSP comme une trahison de la classe ouvrière, une capitulation devant le chauvinisme national et le produit de la capitulation du LSSP devant le pablisme. L'émergence des travailleurs sri-lankais dans une lutte commune contre la présidence exécutive, une décennie après le massacre de Mullivaikal, est une justification puissante de la perspective historique et politique du SEP.

Les crimes de guerre commis dans la guerre communautaire du Sri Lanka doivent faire l'objet d'enquêtes et être punis, et les blessures sociales durables de la guerre doivent être soignées. Plus de 100.000 veuves de guerre et leurs enfants luttent pour joindre les deux bouts. Les parents âgés dont les enfants sont morts pendant la guerre vivent dans des conditions déplorables, sans nourriture ni installations médicales et ont besoin d'aide et de protection. Beaucoup d'autres ont subits des amputations, sont traumatisés ou restent inculpés et emprisonnés parce qu'ils sont soupçonnés d'être des cadres des LTTE.

Au cours de la décennie qui s'est écoulée depuis le massacre de Mullivaikal, il est devenu de plus en plus clair que les crimes de guerre ne seront pas punis par la classe dirigeante sri-lankaise qui les a commis, ni par ses alliés impérialistes aux États-Unis et en Europe. Punir les crimes et s’attaquer à l'impact dévastateur de la guerre sont des tâches qui incombent au mouvement révolutionnaire émergeant de la classe ouvrière, dans la lutte pour construire les États socialistes unis du Sri Lanka et de l'Eelam tamoul dans le cadre des États socialistes unis d'Asie.

(Article paru en anglais le 18 mai 2022)

Loading