Le résultat des élections australiennes montre une hostilité massive envers le Parti travailliste et les libéraux-nationaux

Les élections fédérales australiennes de samedi ont révélé une crise historique du système parlementaire bipartite. Des millions de personnes ont exprimé leur hostilité aux partis traditionnels du pouvoir capitaliste: le Parti travailliste et la Coalition libérale-nationale.

Le premier ministre australien Anthony Albanese se rend à la réunion du Quad à Tokyo [Photo: Anthony Albanese/Twitter]

Le Parti travailliste et la Coalition ont enregistré leur plus faible résultat combiné de l’histoire, avec environ 68,5 pour cent des votes primaires. Par comparaison, ce chiffre était de 74 pour cent lors de la dernière élection en 2019 et de 81 pour cent en 2010. Les candidats des partis dits mineurs et indépendants ont obtenu 31,5 pour cent du total, ce qui constitue également un record.

Le premier ministre de la Coalition, Scott Morrison, a concédé sa défaite samedi soir, déclarant que sa priorité était d’assurer la «certitude». Le chef travailliste Anthony Albanese a prêté serment en tant que premier ministre lundi matin, avec une hâte sans précédent. Mais il n’est pas du tout certain que le Parti travailliste, qui revendique actuellement 72 sièges à la Chambre des représentants, obtienne les 76 sièges nécessaires pour former un gouvernement majoritaire.

Quelle que soit l’issue, les déclarations d’Albanese selon lesquelles il «s’attelle à la tâche» ne peuvent masquer l’immense crise révélée par le résultat des élections. Les travaillistes ont obtenu moins d’un tiers des voix: le résultat le plus bas pour un gouvernement entrant depuis la Seconde Guerre mondiale.

Tant le Parti travailliste que la coalition ont perdu toute base de soutien populaire. Un énorme gouffre, qui s’est creusé au fil des décennies, s’est ouvert entre les sentiments des masses populaires et un establishment politique sclérosé, redevable aux banques, aux sociétés et à l’appareil de renseignement militaire.

Avant l’élection, le gouvernement de coalition était en plein désarroi, les conflits entre factions ayant dégénéré en guerre publique ouverte. Morrison était devenu une figure de la haine de masse associé à un mépris insensible pour les victimes des feux de brousse, l’abandon de dizaines de milliers de personnes touchées par les inondations cette année et les politiques de «laisser-faire» en matière de pandémie qui ont entraîné une vague massive du virus.

Mais alors que le vote primaire de la Coalition a baissé d’environ 5,7 pour cent, ce qui lui a coûté au moins 16 sièges, celui des travaillistes a également baissé de 0,5 pour cent. Il est de plus en plus admis que les différences entre les deux partis n’existent plus, que ce soit sur le soutien à la guerre et au militarisme, sur les politiques en temps de pandémie axées sur le profit ou sur l’offensive contre les salaires et les conditions de vie des travailleurs.

La campagne électorale a été parmi les plus droitières de l’histoire de l’Australie. Les travaillistes et la coalition, avec l’aide des médias et des autres partis parlementaires, ont cherché à confiner la discussion à des propos dégradés et à des distractions abrutissantes, tout en s’accordant sur les questions de fond.

Dans le même temps, Morrison et Albanese ont mené une campagne de l’ombre, se présentant à l’élite dirigeante comme le meilleur véhicule politique pour renforcer le rôle de l’Australie en première ligne dans les plans de conflit avec la Chine menés par les États-Unis, ainsi que pour les mesures d’austérité et la restructuration exigées par les grandes entreprises.

Les deux partis ont cherché à garantir une «élection kaki», les travaillistes et la coalition déclarant qu’il était nécessaire de «se préparer à la guerre» contre la Chine, mais les tentatives de créer une atmosphère de guerre n’ont pas résonné auprès d’une grande partie de la population.

Outre la question de la guerre, les principaux partis ont cherché à exclure toute discussion sur l’aggravation de la crise mondiale du système capitaliste. Défiant la réalité, ils ont affirmé que l’Australie était sur le point de connaître une reprise économique miraculeuse, tout en déclarant que la pandémie était terminée.

Mais comme le Parti de l’égalité socialiste seul l’a expliqué, l’élection de 2022 a été caractérisée par l’impact direct des grands développements internationaux sur l’Australie. Au beau milieu de la campagne, la vague de COVID s’est accentuée, entraînant chaque jour quelque 50.000 infections et 40 décès ou plus.

Et la crise mondiale du coût de la vie passe au premier plan, l’inflation officielle atteignant 5,1 pour cent, le niveau le plus élevé depuis 30 ans. La Banque de réserve d’Australie a procédé à sa première hausse des taux d’intérêt en 11 ans, intensifiant la crise sociale à laquelle font face des millions de détenteurs de prêts hypothécaires.

L’éruption mondiale de la lutte des classes s’est également fait sentir. Les syndicats alliés des travaillistes n’ont pas été en mesure d’empêcher les grèves ou les protestations, comme ils l’ont fait lors des dernières campagnes électorales. On a vu des arrêts de travail importants chez les enseignants et les infirmières des écoles publiques, les travailleurs des services de soins aux personnes âgées et le personnel universitaire, etc.

Une radicalisation politique croissante de la classe ouvrière a trouvé son expression la plus nette dans le déclin continu du soutien des travaillistes.

En 2019, les travaillistes ont perdu une élection «qui ne pouvait être perdue», leur vote primaire tombant à 33 pour cent: le niveau le plus bas depuis 1934. Les fluctuations ont été les plus marquées dans les électorats de la classe ouvrière. Cette tendance s’est répétée en 2022, avec une nouvelle baisse du vote primaire des travaillistes, de 0,5 pour cent. Dans les banlieues ouest de Sydney et de Melbourne, il a stagné ou a encore baissé.

Dans certains sièges, comme Calwell à Melbourne, qui couvre l’ancien centre de construction automobile de Broadmeadows, le vote des travaillistes a chuté de plus de 7 pour cent. Une dirigeante de premier plan du parti, Kristina Keneally, a perdu le siège «sûr» de Fowler, dans la banlieue ouest de Sydney.

Dans l’ensemble du pays, les travaillistes n’ont remporté que quatre nouveaux sièges en dehors de l’Australie occidentale (WA), et en ont perdu un à Brisbane au profit des Verts. Les sièges qu’ils ont gagnés se situent dans des régions plus riches, notamment Chisholm et Higgins dans les quartiers aisés de Melbourne.

Le vote de la Coalition a chuté de 5,7 pour cent. Le résultat des libéraux est le plus mauvais depuis 1983, et le parti est en passe de perdre au moins 16 sièges. Il s’agit notamment de sièges «sûrs» que le Parti libéral détient depuis sa fondation en 1944. L’ancien trésorier Josh Frydenberg, qui était pressenti pour remplacer Morrison à la tête du parti, a perdu son siège de Kooyong à Melbourne, tout comme d’autres personnalités du parti.

Les libéraux ont perdu principalement face à des candidats indépendants «Teal», qui se sont présentés dans certains des sièges les plus riches du pays et ont combiné des positions sur le changement climatique, un discours féministe et des politiques économiques favorables aux entreprises.

Le résultat a mis un point d’interrogation sur l’avenir même de la Coalition. Les hauts dirigeants du parti ont admis la possibilité d’une rupture de la coalition et de nouvelles scissions au sein du Parti libéral.

Les Verts ont remporté deux nouveaux sièges dans le centre de Brisbane et ont conservé le siège de Melbourne. Les condamnations de l’inaction climatique ont suscité une réaction à Brisbane, qui a été frappée par des inondations cette année. Mais les Verts, comme les indépendants «Teal», défendent le système capitaliste qui est responsable de la catastrophe climatique.

Il est significatif que les partis populistes d’extrême droite n’aient pas progressé, malgré l’effondrement du soutien aux grands partis, ce qui prouve que les travailleurs se tournent vers la gauche, et non vers la droite.

Le seul État où le Parti travailliste a progressé est l’Australie occidentale, où il devrait gagner quatre sièges à la Chambre des représentants. Le vote a été une réprimande à l’égard de Morrison, qui a été à l’origine des demandes d’abandon des politiques de suppression de la COVID en Australie occidentale. Le gouvernement travailliste de l’Australie-Occidentale a toutefois rejoint ses homologues travaillistes et libéraux des autres États et a abandonné les restrictions COVID peu avant les élections, ce qui a entraîné des centaines de milliers d’infections et des milliers de décès.

Les médias bourgeois ont réagi nerveusement au résultat des élections, de nombreux commentaires mettant en garde contre une crise existentielle de la structure politique existante. La presse Murdoch, qui a soutenu Morrison, a déclaré qu’Albanese disposera d’un gouvernement majoritaire, bien que cela soit loin d’être certain. Pour leur part, les Verts et les Teals se sont engagés à œuvrer pour la «stabilité parlementaire».

Comme le Parti de l’égalité socialiste l’a prévenu, quels que soient le parti ou les partis qui formeront le prochain gouvernement, son programme sera toujours déterminé par l’aggravation de la crise mondiale du capitalisme, la campagne guerrière des États-Unis contre la Chine et la Russie, et les diktats de l’élite patronale qui veut s’attaquer aux salaires et aux conditions de travail.

Albanese a envoyé des signaux immédiats. Lundi, il se rendait au Japon pour assister à une réunion du Quad, l’alliance stratégique des États-Unis, du Japon, de l’Inde et de l’Australie, dirigée contre la Chine. Le président américain Joseph Biden a téléphoné dimanche à Albanese pour le féliciter, soulignant l’importance stratégique clé de l’Australie dans les préparatifs de guerre des États-Unis en Asie-Pacifique.

Albanese a également déclaré que son «équipe économique» commencerait son travail dès lundi. Il a dit que les préparatifs d’un «sommet» qui réunit le gouvernement, les syndicats et les entreprises avaient débuté. Dans une situation où, la dette nationale approche les mille milliards de dollars, que l’inflation monte en flèche et que de nouvelles hausses des taux d’intérêt sont à l’ordre du jour, le gouvernement travailliste organise une cabale corporatiste pour imposer des attaques radicales contre la classe ouvrière, conformément aux politiques de guerre de classe menées par l’élite dirigeante partout dans le monde.

Ce programme va approfondir la colère et l’hostilité de millions de travailleurs. Les grèves et les protestations pendant la campagne électorale sont une anticipation des éruptions majeures de la lutte des classes dans les semaines et les mois à venir.

La colère et l’opposition ne sont cependant pas suffisantes. La leçon à tirer de cette élection est que les travailleurs ne trouveront pas de solution dans le système parlementaire de plus en plus fracturé, ni dans des partis politiques qui promeuvent le système parlementaire. Ce qui est nécessaire est une perspective politique et un parti qui se battent pour les intérêts indépendants de la classe ouvrière.

C’est ce que le PES a défendu dans sa campagne électorale. Il a été le seul à soulever les grandes questions internationales, qui ont été étouffées par tous les autres partis, et à mettre en avant un programme d’action socialiste pour les luttes émergentes de la classe ouvrière, contre la guerre, l’austérité, les politiques de «laisser-faire» de la COVID, et l’assaut contre les droits démocratiques.

Les candidats du PES au Sénat en Nouvelle-Galles-du-Sud, dans le Queensland et à Victoria, ont remporté un vote faible, mais significatif. Plusieurs milliers de personnes ont enregistré leur soutien à une véritable alternative révolutionnaire et socialiste. Nos candidats ont été obligés de figurer sur le bulletin de vote en tant que groupes non affiliés, car le PES a été radié avant l’élection, suite à une législation antidémocratique adoptée à la hâte par le Parlement l’année dernière par les travaillistes et la Coalition. Chaque vote déposé pour le PES était un vote conscient pour une perspective socialiste.

Nous invitons les travailleurs et les jeunes qui cherchent une voie à suivre à contacter le PES aujourd’hui, à adhérer au parti et à aider à en faire le nouveau parti de masse de la classe ouvrière.

Contactez le PES:

Téléphone: (02) 8218 3222

Courriel: sep@sep.org.au

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(Article paru en anglais le 23 mai 2022)

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