Grève générale d’une journée contre la guerre et les coupes sociales en Italie

Une grande partie de l’Italie a été paralysée par une grève générale d’une journée organisée par les syndicats de la base le 20 mai. Elle était dirigée contre la politique de guerre de l’OTAN et le gouvernement Draghi, ainsi que contre les conséquences sociales de la guerre qui sont imposées à la classe ouvrière.

Les travailleurs de TNT/FEDEX près de l’aéroport de Milan font grève contre 176 licenciements et la trahison orchestrée par les syndicats CGIL, CISL et UIL [Photo: S.I. Cobas Peschiera Borromeo] [Photo by S.I. Cobas Peschiera Borromeo]

Les grévistes ont également réclamé des salaires plus élevés, une échelle mobile des salaires pour contrer l’inflation (Scala mobile), l’amélioration des dépenses sociales et la sécurisation des emplois. «Quand, si ce n’est pas maintenant» et «Sortez de la guerre!» étaient les principaux slogans.

Les services ferroviaires ont été sévèrement limités dans tout le pays tout au long de la journée du vendredi 20 mai. Les transports publics à Milan, Rome et ailleurs n’ont maintenu des services d’urgence qu’aux heures de pointe. Les travailleurs qui assurent les services de ferry vers les îles, ainsi que de nombreux vols et péages d’autoroute étaient en grève.

De nombreuses écoles publiques sont restées fermées, tout comme des supermarchés tels que Lidl et une grande partie du secteur des transports et de la logistique. Des arrêts de travail ont également eu lieu dans l’industrie, par exemple chez le constructeur de véhicules utilitaires Iveco à Turin. Des chauffeurs-livreurs à Milan et des ouvriers du textile à Prato, près de Florence, ont également débrayé. Des rassemblements et des manifestations ont eu lieu dans les centres de Rome, Bologne, Gênes, Milan, Turin, Venise, Florence, Naples, Palerme et Tarente, ainsi que dans de nombreuses autres villes.

Les syndicats italiens de la base ont appelé à la grève: S.I. Cobas, Sgb, Unicobas, Cub et d’autres. Ils gagnent en influence depuis des années car les confédérations syndicales traditionnelles CGIL, CISL et UIL perdent des membres en masse en raison de leurs politiques progouvernementales et propatronales.

De nombreuses usines qui participent à la grève luttent depuis des années contre des niveaux d’exploitation impitoyables, tels que les travailleurs de la confection à Prato, les livreurs de colis et les chauffeurs de DHL, TNT et FEDEX. Par exemple, les chauffeurs de FEDEX à Peschiera Borromeo, où se trouve l’aéroport de Milan, sont en grève contre une capitulation des confédérations syndicales, qui ont accepté 176 licenciements.

Les grèves contre la guerre et les coupes sociales massives sont l’expression du militantisme croissant de la classe ouvrière internationale qui lutte contre les inégalités croissantes, les conséquences de la pandémie de coronavirus et les effets sociaux des politiques de guerre des gouvernements.

En outre, la pandémie est loin d’être terminée. Le jour de la récente grève générale, il y avait plus de 26.500 nouvelles infections et on a signalé 89 décès dus à la COVID-19 en Italie.

À cela s’ajoute l’augmentation des prix des carburants et des aliments. Le prix moyen du gaz de chauffage en mai 2022 est presque sept fois plus élevé qu’avant la pandémie. Le coût du pain a augmenté de 30 pour cent, et l’huile et les pâtes deviennent également plus chères. Le pouvoir d’achat a diminué d’au moins 5 pour cent au cours du premier trimestre 2022.

La crise frappe de plein fouet la classe ouvrière italienne, qui souffre déjà du chômage, du travail précaire et de la pauvreté des personnes âgées. Avec l’accord du gouvernement et des syndicats, les grandes entreprises ont profité de la pandémie pour faire porter le fardeau des coûts aux travailleurs, sous la forme de licenciements, de réductions de salaire et de périodes prolongées de chômage partiel. Selon l’office statistique Istat, plus de 3,5 millions de travailleurs sont actuellement employés de manière précaire; 430.000 ont été ajoutés rien qu’en 2021. Le chômage des jeunes est officiellement de 24,5 pour cent, mais il est beaucoup plus élevé en termes réels, surtout dans le sud.

Les employés de l’État, le personnel enseignant et le personnel soignant sont également soumis à une pression croissante. L’Italie soutient la guerre en Ukraine – une guerre par procuration de l’OTAN contre la Russie – en lui fournissant des armes et en augmentant les dépenses pour les forces armées italiennes. Dans ce contexte, le gouvernement Draghi a présenté un nouveau budget d’austérité. Il prévoit notamment de réduire le budget de l’éducation nationale et de supprimer 9.600 postes d’enseignants.

La grève générale du 20 mai n’était pas la première de ces derniers temps. Le 22 avril, les travailleurs de toute l’Italie ont débrayé pendant une journée sous le slogan «Haussons les salaires, baissons les armes!»

Le 14 mars, les ouvriers de piste de l’aéroport de Pise ont refusé de charger des armes et des munitions pour l’Ukraine, que l’on tentait de passer pour de l’«aide humanitaire». Fin mars, une cargaison d’armes qui devait être acheminée au Yémen via le port de Gênes a été stoppée. Le boycott des dockers de Gênes a également été rejoint par leurs collègues du port de Livourne.

Ces grèves sont organisées par des syndicats de la base, qui ont acquis une grande influence ces dernières années, principalement parce que les confédérations syndicales traditionnelles, CGL, CISL, UIL, qui sont liées aux partis de l’establishment, soutiennent sans vergogne le gouvernement. Ils n’ont cessé de trahir les travailleurs.

Peu après le début des grèves et des actions de boycott, le gouvernement a organisé une descente de police dans les locaux du syndicat de base USB (Unione sindacale di base) à Rome le 6 avril, prétendument pour rechercher des armes cachées. Il s’agissait d’une provocation et d’une tentative transparente d’intimider la résistance croissante.

Tout cela a contribué à ce qu’encore plus de travailleurs prennent part aux grèves générales du 22 avril et du 20 mai.

La volonté croissante de lutter soulève de manière de plus en plus urgente la question d’une perspective et d’une orientation indépendantes. Tandis que les travailleurs veulent lutter contre la guerre, les coupes sociales et les politiques d’immunité collective du gouvernement, les syndicats de la base organisent des grèves afin de demeurer à la tête du mouvement croissant de lutte des classes et de le canaliser vers des voies inoffensives.

Des organisations comme l’USB et Cobas poursuivent une perspective syndicaliste limitée à l’échelle nationale qui a échoué dans tous les pays et qui, en fin de compte, se range derrière le gouvernement et ses politiques capitalistes. Malgré leur structure fédérale et le fait qu’elles se disent orientées vers la base, elles ne sont pas fondamentalement différentes, en termes d’orientation politique, des confédérations syndicales nationales détestées.

Dans le même temps, les syndicats de la base sont étroitement liés aux partis staliniens et à des tendances de la pseudo-gauche italienne comme Rifondazione Comunista (PRC, Refondation communiste), Partito Comunista Italiano (PCI, Parti communiste italien) et Potere al Popolo (PaP, Pouvoir au peuple), qui ont tous soutenu l’appel à la grève du 20 mai. Par exemple, le dirigeant de l’USB, Pierpaolo Leonardi, est membre du PCI, qui a été recréé en 2016. Le chef de Cobas, Piero Bernocchi, a des liens étroits avec Rifondazione Comunista, qui a soutenu les politiques de coupes et de guerre du gouvernement de Romano Prodi entre 2006 et 2008.

Dans la meilleure tradition stalinienne, dans leur appel à l’action distribué le 20 mai, les syndicats de la base et leurs partisans appelaient à la «diplomatie». Ils renvoient la responsabilité à l’ONU, avec un appel qui dit: «On doit impliquer pleinement les Nations unies pour envisager un plan d’aide au peuple ukrainien, des observateurs internationaux et des élections libres».

De cette façon, ils font appel aux mêmes forces capitalistes qui organisent la guerre; le Conseil de sécurité de l’ONU comprend des représentants des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni, ainsi que ceux de la Russie et de la Chine.

La lutte contre la guerre et les coupes sociales, tout comme la lutte contre la politique qui vise à autoriser l’infection massive délibérée par le coronavirus ne peut réussir que si elle est dirigée contre la politique nationaliste et procapitaliste des syndicats et si elle se fonde sur une perspective socialiste internationale. Cela nécessite la construction de comités de grève de la base et d’une section du Comité international de la Quatrième Internationale en Italie.

(Article paru en anglais le 1er juin 2022)

Loading