Perspectives

Trahison chez Arconic: l’épreuve de force la plus récente entre les travailleurs et les syndicats

La bataille contractuelle chez l’aluminier Arconic est le dernier épisode d’une lutte croissante entre la classe ouvrière et les syndicats pro-patronaux.

Wednesday night, the United Steelworkers claimed the ratification of a substandard contract covering over 3,000 workers, sparking an eruption of anger and suspicions of ballot fraud among the rank and file. There were conflicting reports about the margin of victory, with some sources claiming a 60-40 vote breakdown and others a razor-thin margin of 51-49.

Mercredi soir, les Métallurgistes unis (United Steelworkers – USW) ont revendiqué la ratification d’un contrat de qualité inférieure qui couvre plus de 3.000 travailleurs, déclenchant une éruption de colère et des soupçons de fraude électorale parmi la base. On a publié des rapports contradictoires sur la marge de victoire, certaines sources ont fait état d’une répartition des voix de 60-40, d’autres d’une marge très mince de 51-49.

Des travailleurs d’Arconic se rassemblent devant l’usine de Davenport Works dans l’Iowa en mai [Photo: WSWS].

Au début du mois dernier, les travailleurs d’Arconic ont voté à la quasi-unanimité pour autoriser la grève. C’était une expression puissante de leur détermination à rattraper des années de concessions et à empêcher leur appauvrissement supplémentaire par une inflation galopante. Mais au lieu d’organiser la lutte, le syndicat des Métallos a maintenu les travailleurs dans l’ignorance avant d’annoncer soudainement un accord à la dernière minute. Le contrat prévoit des augmentations de salaire bien inférieures au taux d’inflation actuel de 8,3 pour cent, soit 7 pour cent la première année et 4,5 pour cent les trois années suivantes.

Les travailleurs étaient furieux de cet accord, ce qui a poussé le syndicat à censurer leurs pages Facebook locales, où on avait désactivé les commentaires. Entre-temps, les travailleurs ont créé leur propre groupe Facebook, qui a attiré plusieurs centaines de membres, afin de se doter d’un forum de discussion démocratique hors du contrôle du syndicat.

Le World Socialist Web Siteexhorte les travailleurs d’Arconic à développer immédiatement cette initiative par l’organisation formelle d’un comité de la base, indépendant des Métallos et contrôlé par les travailleurs eux-mêmes. Les travailleurs doivent exiger un recomptage du scrutin par la base. Aucune confiance ne peut être accordée à l’intégrité d’un processus de vote entièrement contrôlé par la bureaucratie syndicale.

La lutte chez Arconic est la démonstration la plus récente que les syndicats ne sont plus des organisations de travailleurs au sens propre du terme, mais des laquais de la direction.

Certaines caractéristiques générales sont apparues dans diverses luttes au cours des derniers mois. Des votes d’autorisation de grève unanimes ou quasi unanimes démontrent la volonté des travailleurs de se battre. Mais, les syndicats bloquent la grève ou limitent celle-ci à quelques jours ou à une fraction de la main-d’œuvre. Puis les syndicats annoncent brusquement un accord de capitulation, contenant presque toujours des augmentations salariales égales à la moitié du taux d’inflation ou même moins, qui entraîneraient des réductions substantielles des salaires réels pendant la durée du contrat.

Les syndicats organisent un vote éclair, dans lequel le scrutin se déroule dans des conditions opaques contrôlées par des bureaucrates qui poussent à voter «oui». Dans certains cas, les syndicats ne parviennent pas à faire passer le contrat une première fois, mais ils soumettent à un second vote un accord pratiquement identique, et finalement le syndicat déclare le contrat adopté.

En plus d’Arconic, d’autres luttes suivent ce modèle:

  • Detroit Diesel, où les travailleurs ont voté à 99 pour cent pour autoriser une grève et ont rejeté une proposition initiale de contrat par une marge de quatre contre un. Les Travailleurs unis de l’automobile (United Auto Workers – UAW), dont le président Ray Curry siège au conseil d’administration de la société mère de Detroit Diesel, ont fini par imposer un accord qui contenait des augmentations salariales cumulatives de seulement 10 pour cent sur six ans;
  • Trois mille transporteurs de voitures de l’industrie automobile étaient prêts à faire grève mardi à minuit à l’expiration de leur contrat actuel. Mais le syndicat des «Teamsters» a annoncé un accord à la dernière minute et a maintenu les travailleurs au travail;
  • Cinquante-cinq mille travailleurs du secteur public du comté de Los Angeles ont voté pour autoriser la grève, mais l’Union internationale des employés de service (SEIU) a préféré ramener un accord qui prévoit des augmentations de salaire de 3,25 à 5,5 pour cent;
  • Une grève de 500 travailleurs de Chevron dans une raffinerie de Richmond, en Californie, a été isolée par les Métallurgistes unis (USW), qui ont fait passer en force un accord national bradé en collaboration avec le gouvernement Biden. Le président de l’USW, Tom Conway, s’est ouvertement vanté que l’accord national était «non inflationniste», c’est-à-dire qu’il contenait des augmentations de salaire inférieures aux normes. Le syndicat a ensuite imposé un accord à Richmond après avoir isolé les travailleurs en grève pendant deux mois;
  • À Houston, 2.800 concierges étaient prêts à faire grève mardi soir, mais le SEIU a arrêté cette grève. Il a annoncé un accord de principe le lendemain. Les concierges sont des travailleurs hautement exploités, en grande partie immigrés, qui ne gagnent actuellement que 10,75 dollars de l’heure avant déduction des cotisations syndicales.
  • Dans le Midwest, une grève de 1.100 travailleurs de l’équipement agricole chez CNH est isolée par l’UAW depuis plus d’un mois.

À cette liste, on doit ajouter la lutte croissante des infirmières à travers les États-Unis. Alors que les syndicats ont tenté d’isoler les grèves (y compris à Stanford en avril et en mai, et les grèves en cours dans le Minnesota et le New Jersey), les infirmières et infirmiers de base se sont organisés de manière indépendante pour mener une campagne puissante contre la persécution de RaDonda Vaught et contre les ratios de personnel dangereux.

L’AFL-CIO et les autres syndicats officiels sont contrôlés par une bureaucratie privilégiée, qui perçoit des salaires à six chiffres à partir d’actifs syndicaux à neuf chiffres et qui dépend financièrement de sa capacité à faire respecter une «paix» du travail favorable aux entreprises. Leur objectif n’est pas d’organiser la lutte des travailleurs pour de meilleurs salaires et conditions de travail, mais de réprimer les grèves, d’imposer des trahisons et de défendre le «droit» des entreprises à faire des profits.

La fonction sociale des syndicats en tant que police du travail est illustrée par les chiffres officiels des salaires aux États-Unis, qui ont augmenté globalement de 4,7 pour cent l’année dernière, ce qui représente une hausse substantielle (mais toujours bien inférieure à l’inflation) due à une pénurie de main-d’œuvre qui a objectivement renforcé la position de négociation des travailleurs. Mais l’augmentation parmi les travailleurs syndiqués a été bien inférieure à la moyenne nationale, avec seulement 3,3 pour cent de mars 2021 à mars 2022. En d’autres termes, les syndicats eux-mêmes ont joué un rôle clé dans la limitation des augmentations salariales.

Ces chiffres rappellent la profonde observation de Léon Trotsky dans les années 1930: «Le caractère d’une organisation de travailleurs telle qu’un syndicat se détermine par sa relation avec la distribution du revenu national». Si les syndicats «défendaient le revenu de la bourgeoisie contre les attaques des travailleurs; s’ils menaient une lutte contre les grèves, contre l’augmentation des salaires, contre l’aide aux chômeurs, alors nous aurions une organisation de briseurs de grève, et non un syndicat». C’est, en fait, exactement ce que les syndicats sont devenus.

Afin de faire face à une rébellion croissante qui vient d’en bas, les syndicats développent des liens de plus en plus étroits avec l’État capitaliste. C’est le sens de la promesse du président Biden d’être le président le plus «pro-syndical de l’histoire américaine», tout en attaquant les salaires des travailleurs avec des mesures telles que la hausse des taux d’intérêt fédéraux. Il cherche à développer une structure corporatiste regroupant les patrons, les syndicats et le gouvernement afin d’étouffer la lutte des classes, imposer la discipline de travail au pays et préparer les guerres à l’étranger.

Outre le contrat national pour les raffineries, élaboré en étroite collaboration avec l’USW, le gouvernement a bien avancé les préparatifs à la fois avec les opérateurs portuaires et le Syndicat international des dockers et des entrepôts (International Longshore and Warehouse Union – ILWU) pour empêcher les arrêts de travail dans les ports de la côte ouest lorsque le contrat de 20.000 dockers expirera le 1er juillet. Dans le secteur ferroviaire, où les travailleurs sont sans contrat national depuis deux ans, les syndicats demandent à Biden et au Congrès d’intervenir pour faire appliquer unilatéralement un accord. Un juge fédéral est récemment intervenu pour bloquer une grève contre une nouvelle politique punitive d’assiduité au BNSF, ce qui indique clairement que toute intervention serait favorable au patronat.

Il y a une collision entre les intérêts sociaux fondamentaux des syndicats et de la classe ouvrière. Partout dans le monde, les travailleurs se soulèvent contre la montée en flèche du coût de la vie; la subordination pendant la pandémie des mesures de santé publique et de la vie humaine au profit; et les guerres dangereuses de l’impérialisme, américain et mondial. Mais les syndicats, intégrés financièrement et institutionnellement aux entreprises et dépendant du soutien de l’État capitaliste, ne répondent pas en cédant à la pression populaire d’en bas, mais en s’efforçant de la réprimer toujours plus ouvertement.

Mais l’appareil syndical ne peut retenir la roue de l’histoire. Les travailleurs se trouvent poussés à la lutte par l’effondrement global du système capitaliste, qui est incapable de résoudre les problèmes sociaux fondamentaux auxquels la société moderne fait face et qui est en fait la cause de ces problèmes. Chaque nouvelle trahison de la bureaucratie syndicale ne fait que discréditer davantage les syndicats et radicaliser les travailleurs.

La lutte chez Arconic, et parmi d’autres sections de la classe ouvrière à travers les États-Unis et au niveau international, nécessite le développement d’organisations indépendantes, coordonnées et unifiées dans l’Alliance ouvrière internationale des comités de base.

(Article paru d’abord en anglais le 3 juin 2022)

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