Des travailleurs en colère après un troisième décès en deux ans causé par un horrible accident à l’usine National Steel Car de Hamilton, en Ontario

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Un travailleur de 51 ans a été tué dans un horrible accident de travail à l’usine de National Steel Car à Hamilton, en Ontario, vers 19h50 le lundi 6 juin, provoquant une vague de colère de la part de ses collègues qui a forcé l’entreprise à annuler la production la semaine dernière.

Des travailleurs manifestent devant National Steel Car à Hamilton, en Ontario, le jeudi 9 juin [Photo par Hamilton and District Labour Council] [Photo: Hamilton and District Labour Council ]

Les détails disponibles demeurent limités, mais les premiers rapports indiquent que Quoc Le a été écrasé par une cloison de wagon. Il laisse derrière lui une épouse et un enfant. Un GoFundMe a été lancé par ses collègues afin de recueillir des fonds pour sa veuve et son enfant en deuil.

Le est le troisième travailleur à mourir à l’usine en moins de deux ans. Collin Grayley, un peintre de 35 ans, est mort au travail le 23 avril 2021. Huit mois plus tôt, le 2 septembre 2020, Fraser Cowan, un grutier de 51 ans, a perdu la vie. Grayley s’était réjoui de pouvoir passer du temps avec ses enfants Emma, Robert et Joseph pendant l’arrêt de production dû à la COVID-19 au printemps dernier. Cowan, un musicien amateur passionné qui soutenait l’association musicale locale Hamilton Music Collective, laisse derrière lui ses enfants, Ellison et Aimee, et son ex-femme Trudy.

Les travailleurs de l’usine sont indignés par la mort de Le. Plus de 60 travailleurs se sont rassemblés aux portes de l’usine jeudi, en scandant «Plus de morts !». Les travailleurs sont furieux d’être traités comme des marchandises jetables. Une chose est indéniablement claire après les trois décès survenus à National Steel Car en moins de deux ans – et après les deux ans et demi de la pandémie de la COVID-19 – les entreprises donnent la priorité à leur rentabilité sur la santé et la vie des travailleurs.

Commentant la mort des trois travailleurs, un ouvrier de National Steel Car a déclaré au WSWS: «Les trois personnes tuées ont toutes quelque chose en commun... des dispositifs de sécurité défaillants. En septembre 2020, Fraser Cowan a été tué par un dispositif de sécurité qui s’est détaché de son crochet parce qu’il n’y avait pas de loquet de sécurité pour le maintenir. Le deuxième, en avril 2021, a été tué la dernière nuit avant que nous soyons tous renvoyés chez nous (parce que les infections à la COVID étaient hors de contrôle). [Collin Grayley] a été écrasé lorsqu’un monte-charge s’est déployé et l’a coincé contre quelque chose. Il s’agissait auparavant d’un travail pour deux personnes et (apparemment) les dispositifs de verrouillage de sécurité de la machine avaient été désactivés.»

National Steel Car est le plus grand fabricant de matériel roulant ferroviaire au Canada. Parmi ses clients figurent les conglomérats ferroviaires les plus importants et les plus rentables d’Amérique du Nord, comme le Canadien National, le Canadien Pacifique et BNSF. Le chiffre d’affaires de l’entreprise en 2021 est estimé à 543 millions de dollars. L’usine de Hamilton emploie 1.400 membres du syndicat des Métallos en plus de 600 travailleurs non syndiqués dans un système à deux niveaux abusif.

Le PDG actuel, Greg Aziz, a racheté l’entreprise à Dofasco en 1994 et a fait passer la production de 3.500 à 12.000 wagons par an, tout en réduisant les effectifs de 3.000 travailleurs en 2000 et jusqu’à 2.400 en 2006 à environ 2.000 aujourd’hui.

Les systèmes de paiement à la pièce et de primes en place chez National Steel Car contribuent au bilan lamentable en matière de santé et de sécurité, car ils sont conçus pour forcer les travailleurs à accélérer la production à des niveaux dangereux.

Dans l’espoir de dissiper la colère des travailleurs, la compagnie a d’abord annulé les quarts de travail de mardi et de mercredi. D’après les informations publiques, il semblerait qu’ils aient eu l’intention de reprendre l’horaire de travail épuisant habituel le 8 juin. Ce scénario a toutefois été perturbé par la manifestation de jeudi et la colère des travailleurs de la base.

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Le déferlement de rage des travailleurs a tellement effrayé les patrons de l’entreprise qu’ils ont publié une déclaration publique, dans laquelle ils ont cherché à présenter la prolongation de la fermeture de l’usine – une tentative transparente de dissiper la colère des travailleurs et de les empêcher de discuter de la manière de mettre fin aux conditions de travail dangereuses – comme une mesure de santé et de sécurité!

S’adressant à ses employés comme à des «membres précieux de l’équipe», l’entreprise a déclaré sur sa page Facebook : «Nous avons été informés d’une manifestation prévue cet après-midi à notre entrée principale, qui empêchera l’entrée et la sortie sécuritaire de notre établissement. Notre priorité absolue reste la santé et la sécurité de nos employés, clients, fournisseurs et partenaires. Par excès de prudence, nous avons décidé de suspendre temporairement nos opérations de fabrication aujourd’hui et demain. Nous prévoyons de reprendre les opérations la semaine prochaine».

Le travailleur de National Steel Car a déclaré au WSWS que les Métallos «ont appelé à une manifestation dans le stationnement aujourd’hui, jeudi 9 juin, essentiellement pour décompresser et parler de la Loi Westray.» Cette loi, adoptée en 2004, tire son nom de la catastrophe de la mine Westray en Nouvelle-Écosse qui a coûté la vie à 26 mineurs- en 1992. Elle permet de tenir la direction criminellement responsable des accidents de travail résultant de la négligence de l’entreprise. Personne n’a jamais été condamné en vertu de cette loi, qui est largement symbolique.

Les critiques en ligne sur l’usine de Hamilton donnent une indication du mépris total de la direction pour le bien-être et la vie des travailleurs. Plusieurs commentaires sur Google indiquent que la formation n’est pas rémunérée et que l’endroit ressemble à «un bateau qui coule». Un autre commentaire dit: «J’y ai travaillé en tant que soudeur, sans expérience préalable en soudure, ils m’ont embauché en tant que soudeur stagiaire. Ils m’ont fait suivre un cours de formation interne de deux semaines (non rémunéré). Dès que j’ai commencé, j’ai réalisé que la formation fournie n’était pas suffisante pour répondre aux attentes. J’ai été affecté à la rotation, l’un des emplois les plus difficiles de l’entreprise, tout juste sorti de l’école. Je devais souder l’intérieur des wagons de train. Toutes les autres personnes qui faisaient mon travail étaient là depuis plus de cinq ans et n’avaient pas la patience d’enseigner. J’ai demandé un poste plus facile pour améliorer mes soudures, mais ils m’ont dit que je ne pouvais pas changer avant d’avoir un an d’ancienneté.»

Un autre commentaire sur Indeed indique: «La sécurité n’est certainement pas une priorité chez National Steel Car et vous serez malicieusement ciblé si vous essayez de dénoncer les conditions ou refuser un travail dangereux. Si vous parlez de quoi que ce soit, le responsable des RH forcera votre supérieur à vous affecter à un autre poste où vous ne pourrez certainement pas travailler à la pièce, ce qui vous fera perdre des centaines de dollars chaque semaine. Si vous tenez à votre vie, à votre temps et à votre santé mentale, j’éviterais à tout prix National Steel Car.»

Frank Crowder, président de la section locale 7135 du syndicat des Métallos, qui compte 1.400 membres à l’usine, a déclaré à CBC News: «Nos membres ne sont pas seulement en colère, mais ils ont peur...Je reçois de nombreux appels de membres qui cherchent un autre emploi parce qu’ils croient que c’est trop dangereux. Leurs familles, leurs épouses, leur demandent de ne pas y retourner, de trouver d’autres emplois et de travailler ailleurs.»

Soulignant la colère qui gronde parmi les travailleurs de l’usine, le syndicat des Métallos s’est senti obligé de demander une enquête criminelle sur l’entreprise. Cette demande vise à la fois à contenir l’indignation des travailleurs dans les canaux officiels pro-employeurs et à dissimuler la complicité du syndicat dans l’imposition des conditions de travail dangereuses à National Steel Car.

Lorsque les travailleurs ont lancé une grève à l’usine pour améliorer les conditions de santé et de sécurité en 2009, le syndicat des Métallos a tout fait pour y mettre un terme. Après le rejet décisif par les travailleurs d’un contrat de capitulation par 67% d’entre eux, le syndicat des Métallos a forcé l’adoption d’un accord similaire qui a réduit les droits d’ancienneté et instauré un système salarial à deux niveaux dans l’usine. Actuellement, les salaires horaires dans l’usine varient entre 19 et 27 dollars, en fonction du poste, selon les données d’Indeed.

Une critique sur Indeed résume la relation entre l’entreprise et le syndicat d’une part et les travailleurs de l’autre: «Une direction épouvantable et un syndicat encore pire. Personne n’est derrière vous en tant qu’employé, vous n’êtes qu’un numéro. D’où tous les décès dus à la sécurité pour lesquels ils ne font rien.»

National Steel Car a refusé de commenter directement la mort de Le. L’entreprise fait actuellement l’objet d’accusations pour les décès de Grayley et Cowan en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST) de l’Ontario. Soulignant le mépris avec lequel l’entreprise considère la vie de ses travailleurs, National Steel Car, par l’intermédiaire de ses avocats, a déclaré qu’elle se «défendra vigoureusement» contre les accusations et que l’usine de wagons «a été et continue d’être un lieu de travail sécuritaire.»

Quoc Le

Le ministère provincial du Travail, de la Formation et du Développement des compétences (MLTSD) aurait ouvert une enquête sur la mort de Le. En vertu de la législation du travail de l’Ontario, favorable aux entreprises, le MLTSD est légalement tenu d’enquêter sur les décès en milieu de travail. Toutefois, les condamnations sont rares et la sanction se limite à une amende.

L’usine a un historique de violations des mesures de sécurité ayant entraîné des décès tragiques, mais tout à fait évitables, qui précède de loin les événements des deux dernières années. Six mois seulement avant la grève de 2009, l’entreprise a été condamnée à une amende de 250.000 dollars pour le décès d’un travailleur et, dans un autre incident, pour la blessure grave d’un autre. Des amendes ont été données à l’entreprise pour le non-respect de la loi sur la santé et la sécurité au travail. Les amendes, cependant, sont simplement le coût de faire des affaires et elles n’ont rien fait pour changer le comportement de National Steel Car.

Les problèmes à National Steel Car s’inscrivent dans une crise plus large qui touche les travailleurs du Canada et du monde entier. En moyenne, au Canada, trois travailleurs meurent au travail chaque jour, ce qui représente un total d’environ 1.000 travailleurs par an. Selon l’Organisation internationale du travail de l’ONU, 6.000 travailleurs meurent au travail chaque jour et 2,3 millions meurent chaque année.

Le Syndicat des Métallos et la bureaucratie syndicale dans son ensemble n’ont pas l’intention de remettre en question ces conditions d’exploitation brutales. En plus de leur complicité dans l’application de conditions de travail mortelles dans les secteurs industriels et manufacturiers du Canada, les syndicats ont pleinement soutenu la campagne de retour au travail et à l’école du gouvernement libéral de Trudeau pendant la pandémie, qui a conduit au sacrifice de dizaines de milliers de vies pour protéger les profits de la grande entreprise.

La défense du droit à la vie et à un lieu de travail sécuritaire est incompatible avec le système capitaliste. Les travailleurs doivent former des comités de la base, indépendants de l’appareil syndical, pour mettre de l’avant un programme qui lutte pour placer les besoins humains, y compris la protection même de la vie des travailleurs sur le lieu de travail, au-dessus du profit privé.

(Article paru en anglais le 10 juin 2022)

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