Le vote de la Nupes de Mélenchon monte au premier tour des législatives françaises

Le premier tour des élections législatives a produit une victoire pour la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) de Jean-Luc Mélenchon et une désaveu cinglant de la coalition «Ensemble !» du président de la République Emmanuel Macron.

Une abstention record a aussi marqué le premier tour: 51,5 pour cent, selon Ifop-Fiducial, dépassant de peu l’ancien record de 51,3 pour cent établi en 2017.

Selon les première estimations, la Nupes et Ensemble étaient au coude à coude avec 25,6 pour cent des voix. Le Rassemblement national (RN) néofasciste de Marine Le Pen a remporté 18,73 pour cent des voix et Les Républicains (LR) 11,3 pour cent. Reconquête, le parti lancé par l’idéologue néofasciste Eric Zemmour et massivement promu dans les médias pendant l’élection présidentielle, s’est vu relégué à 4,25 pour cent.

Il paraît de plus en plus probable qu’aucun parti n’émergera du second tour des législatives la semaine prochaine avec une majorité des 577 sièges à l’Assemblée. Selon les estimations de divers médias, la Nupes obtiendrait entre 150 et 210 sièges, Ensemble entre 255 et 295, LR entre 50 et 80 sièges, et le RN entre 20 et 45 sièges. Ensemble obtiendrait plus de sièges avec moins de votes en remportant de nombreuses petites circonscriptions rurales, alors que la Nupes est plus forte dans les grandes villes.

Le score de la Nupes reflète la montée d’un sentiment de gauche parmi les travailleurs et les jeunes. Contre l’envolée de l’inflation, Mélenchon a promis d'augmenter les retraites et le salaire minimum, de bloquer la hausse du prix du gaz et de ramener l'âge de la retraite à 60 ans. Le soutien massif pour cette politique met à mal l’argument des médias officiels selon lequel les travailleurs se tournent irrésistiblement vers l’extrême-droite.

La semaine dernière, les travailleurs des aéroports et de la santé se sont mis en grève contre les bas salaires, l’austérité et la gestion de la pandémie de Covid-19. D'autres grèves sont prévues dans de nombreux lieux de travail à travers l’Europe dans les semaines à venir, avec notamment la possibilité d’une grève historique du rail en Grande-Bretagne.

Hier soir, Jean-Luc Mélenchon a estimé que le parti présidentiel «est battu et défait» et a appelé les Français à « déferler » dans les urnes au second tour pour soutenir la Nupes.

Il a déclaré, «la vérité c’est que le parti présidentiel, au terme du premier tour, est battu et défait. Pour la première fois de la Ve République un président nouvellement élu ne parvient pas à réunir une majorité à l’élection législative qui suit. J’appelle notre peuple, au vu de ce résultat, et de l’opportunité extraordinaire qu’il présente pour nos vies personnelles et pour le destin de la patrie commune, j’appelle notre peuple à déferler dimanche prochain» dans les urnes.

Si les projections indiquent pour l’heure que la Nupes n’obtiendrait pas une majorité à l’Assemblée, celle de Macron est bel et bien menacée. En effet, à peine 7 semaines depuis la réélection de Macron, par défaut face à la candidate néofasciste Marine Le Pen, il est évident que le président de la République ne bénéficie pas du soutien des électeurs. En fait, le «président des riches» est largement haï.

De nombreux candidats «Ensemble!» sont soit battus, soit en ballotage dans leurs circonscriptions. Les ministres du gouvernement actuel d’Élisabeth Borne, installé par Macron suite aux élections présidentielles, est en grande difficulté face à l’impopularité de ses ministres.

La première ministre elle-même est en ballotage au second tour du dimanche 19 juin. Candidate dans la 6e circonscription du Calvados, elle affrontera le candidat Nupes Noé Gauchard.

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, un sympathisant de l’Action française pétainiste ayant fait une loi «anti-séparatiste» visant l’Islam, est en ballotage dans la 10e circonscription du Nord.

La ministre de la Transition écologique Amélie de Montchalin est en ballotage défavorable dans le 6e circonscription de l’Essonne face au candidat PS-Nupes Jérôme Guedj.

L’ancien ministère de l’éducation nationale Jean-Michel Blanquer, est carrément éliminé dès le premier tour des élections législatives dans dans la 4e circonscription du Loiret. Il était détesté par les enseignants pour son gel du point d’indice et hostile à la mise en place de mesures scientifiques pour lutte contre la propagation du Covid dans les écoles, malgré les revendications du personnels et des parents. Avec 18,9 pour cent, il n’a pas pu obtenir les 20 pour cent nécessaires pour accéder au second tour.

Le fait que de nombreux ministres ou dirigeants politiques en vue se sont vus battus ou placés en ballotage par des candidats relativement obscurs souligne le manque de légitimité du régime politique et le caractère factice des partis établis. Aucun n’a une assise réelle parmi de larges masses d’électeurs.

C’est également le cas des partis néofascistes. Marine Le Pen, la candidate présidentielle du RN est en ballotage, dans la circonscription d'Hénin-Beaumont. Elle affrontera son adversaire Nupes Marine Tondelier.

Eric Zemmour, l’ancien candidat présidentiel d’extrême-droite ayant flirté avec 20 pour cent des voix au début de sa campagne présidentielle, est éliminé dans le Var dès le premier tour.

Ces défaites pour des ministres ou des politiciens néofascistes disposant d’un énorme soutien auprès des médias capitalistes sont le fruit d’une puissante opposition qui émerge parmi les travailleurs au diktat de la classe dirigeante. Comme lors des présidentielles, ceci prend la forme d’un vote Mélenchon, que les travailleurs tentent d’utiliser pour marquer leur colère contre Macron.

Mais on ne peut combattre ni Macron ni l’extrême-droite en élisant des députés NUPES, en espérant que Mélenchon deviendra ainsi premier ministre sous Macron.

Le capitalisme est en proie à une crise mondiale qui ne peut être résolue à l’intérieur des frontières de la seule France. La colère sociale monte contre l’inflation poussée par des décennies de plans de relance accordant des liquidités publiques aux banques et aux investisseurs, contre les politiques d’infection de masse au Covid, et la guerre de l’Otan contre la Russie. Mais en offrant ses services en tant que premier ministre au président Macron, qui contrôle la politique extérieur, Mélenchon a indiqué qu’il ne s’opposera pas à ces politiques. Il ne veut pas, non plus, mobiliser la classe ouvrière.

Mélenchon a remporté presque 8 millions de voix aux présidentielles, surtout dans les quartiers populaires des grandes villes, mais il n’a appelé ni à des grèves ni à des manifestations de ses électeurs, qui pourraient pourtant mettre l’économie à l’arrêt. Avant les législatives, il a explicitement rejeté une stratégie révolutionnaire, en disant: «Je ne suis pas favorable à l'organisation d'une insurrection politique dans ce pays.»

Il a préféré former l’alliance NUPES avec le PS et le PCF stalinien. Déjà le soir de sa victoire, alors que la NUPES remporte des millions de voix, les faiblesses et les contradictions insoutenables de cette stratégie émergent.

L’abstention record témoigne du doute et du désillusionnement de masses d’électeurs ouvriers envers l’ alliance de Mélenchon avec le PS et le PCF, qui imposent des politiques d’austérité aux travailleurs depuis des décennies. De plus, malgré le score de la NUPES, le RN se prépare aussi à remporter un nombre significatif de sièges à l’Assemblée le 19 juin.

L’alternative est la montée de l’opposition ouvrière qui est déjà en cours, et qui prépare des explosions révolutionnaires même plus larges. Comme le Parti de l’égalité socialiste l’a expliqué pendant le second tour des présidentielles entre Macron et Le Pen, en appelant à mobiliser les travailleurs pour boycotter le vote, il faut rejeter à la fois Macron, Le Pen, et tout l’establishment politique capitaliste.

Les conflits de classe qui forcent les travailleurs en France et à l’international à entrer en lutte ne se résoudront qu’en mobilisant politiquement la classe ouvrière pour rejeter le nationalisme de Mélenchon et son orientation vers l’Etat capitaliste, et pour lutter pour transférer le pouvoir aux travailleurs.

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