«Au Stade de France, j’ai vu la même incompétence policière qu’à Hillsborough»

Le gouvernement français défend l’assaut policier contre les partisans de Liverpool lors de la finale de la Ligue des champions

Le 28 mai, le Stade de France, dans la banlieue nord de Paris, a accueilli la finale de la Ligue des champions de l’UEFA entre Liverpool et le Real Madrid. Les partisans ont enduré ce qu’un magazine de partisans de Liverpool a appelé «cinq heures d’enfer», car ils ont été attaqués par la police avant le match.

Avant le match, des partisans de Liverpool, dont des enfants, des retraités et des personnes handicapées, ont été gazés et battus par la police à l’extérieur du stade. Une vidéo visionnée plus de 9 millions de fois montre un policier français qui asperge de gaz poivré des partisans qui se tenaient pacifiquement derrière une barrière.

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Une autre vidéo montrant des partisans escaladant désespérément des clôtures et sautant par-dessus des barrières pour éviter de suffoquer a été visionnée plus de 4,5 millions de fois.

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Le coup d’envoi de la finale, regardée à la télévision par environ 400 millions de personnes dans le monde, a été retardé de 35 minutes. Même avec ce retard, des milliers de partisans de Liverpool munis de billets ne sont pas entrés dans le stade avant la mi-temps. Des partisans ont aussi été agressés après le match, alors qu’ils quittaient le Stade de France.

L’assaut de la police contre les partisans de football a mis à nu, devant le monde entier, la brutalité et la violence de la police française et du gouvernement du président Emmanuel Macron. Le gouvernement a réagi en dénigrant les partisans de Liverpool et en défendant la violence policière.

L’ampleur de la dissimulation est devenue claire le 9 juin, lorsque Erwan Le Prévost, directeur de la Fédération française de football, a déclaré à BFM-TV que les vidéos des caméras de sécurité autour du Stade de France avaient été supprimées et étaient probablement irrécupérables. Il a précisé que les bandes étaient détruites automatiquement au bout de sept jours, car ni la police ni toute autre autorité ne les a demandés pour examen. Cependant, Théo Leclerc, un avocat spécialisé dans les libertés civiles, a déclaré à L’Express: «La police n’a pas eu besoin du procureur de la République pour réquisitionner les images».

La police n’a manifestement pas demandé les vidéos des caméras de sécurité, car elles auraient montré ce que les autres vidéos ont montré: une agression policière flagrante contre des fans pacifiques. Cela met également à nu tous les mensonges que les responsables du gouvernement Macron ont utilisés pour excuser et justifier l’assaut de la police.

Le lundi 30 mai, le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin a dénoncé une «fraude massive, industrielle et organisée de faux billets», affirmant que «30.000 à 40.000 partisans se sont retrouvés au Stade de France sans billet ou avec des billets falsifiés», avant de laisser entendre que ce problème ne concernait que les partisans anglais.

Darmanin a ensuite remercié «toutes les forces de police qui, par leur calme, ont évité un drame». Le 1er juin, Darmanin a déclaré au Sénat français que la responsabilité de la violence incombait à la ville de Liverpool. Il a dit: «C’est clair – tous les services de sécurité le disent – que les habitants de Liverpool posent des problèmes d’ordre public».

Les commentaires de Darmanin rappellent ceux des responsables britanniques au lendemain de la catastrophe de Hillsborough en 1989, accusant des «foules déchaînées» d’être responsables de la mort de 97 partisans de Liverpool. En fait, ils avaient été écrasés à mort en raison d’une erreur flagrante de la police dans la gestion des mouvements de foule au stade Hillsborough de Sheffield.

Dans les jours qui ont suivi la finale du 28 mai, des reportages ont fait état d’erreurs dans le système de billetterie numérisée du stade, et le nombre estimé de faux billets a été ramené à 2.589. Cependant, le 10 juin, le ministre français des Sports a admis que 2.700 vrais billets n’avaient pas été validés. Au-delà de l’affirmation de Darmanin, rien ne démontre que des partisans de Liverpool aient tenté d’accéder à la finale avec de faux billets.

L’arrière gauche de Liverpool, Andrew Robertson, a exprimé son incrédulité face à l’allégation de fraude de billets par les partisans de Liverpool. Il a déclaré à Sky Sports: «C’est évident que j’ai reçu mes billets directement du club et que quelqu’un a dit à l’un de nos amis qu’il avait un faux billet, ce qui n’est absolument pas le cas». Robertson a ajouté qu’un certain nombre de proches des joueurs de Liverpool ont été pris dans la violence: «Pratiquement, toutes nos familles ont été impliquées».

Il n’y a aucune preuve évidente que les partisans de Liverpool se sont comportés de manière désordonnée, et encore moins criminelle, en s’approchant du stade. L’ancien manager de l’Irlande, Brian Kerr, qui a assisté à la finale, a déclaré à extra.ie: «Les fans de Liverpool ont eu un comportement exemplaire», alors que la police française «semblait prête à se battre».

La police française semble avoir visé en grande majorité les fans de Liverpool, y compris les familles et les amis des joueurs. En outre, bien que les partisans de Liverpool et de Madrid aient eu des problèmes de billets en nombre à peu près égal, les partisans de Liverpool en ont souffert de manière disproportionnée. Selon Darmanin, seuls 50 pour cent des partisans de Liverpool étaient assis au Stade de France à 21h, heure prévue du coup d’envoi, contre 97 pour cent des partisans de Madrid. Cela soulève la question de savoir si les autorités françaises ont essayé d’interférer délibérément avec l’atmosphère et le résultat du match.

Quoi qu’il en soit, la répression au Stade de France est un nouveau rappel de la violence de classe exercée par la police de Macron.

L’ancien joueur et expert de Liverpool Jamie Carragher a résumé les sentiments de nombreux fans de Liverpool en tweetant: «Menteurs @GDarmanin @AOC1978 [le compte de la ministre française des Sports Amélie Oudéa-Castéra] @UEFA Les vidéos prouvent à quel point vous êtes tous corrompus. C’est le retour de Margaret Thatcher et Norman Bettison».

Un fan de Liverpool nommé Peter, qui a assisté à la finale, raconte à sofoot.com: «En tant que fan de Liverpool, Hillsborough est toujours dans mon esprit. Nous avions peur que cela se reproduise. J’ai vécu cette tragédie quand j’avais une vingtaine d’années. [...] Ce samedi au Stade de France, j’ai vu la même incompétence policière qu’à Hillsborough. Miraculeusement, cela n’a pas eu les mêmes conséquences».

Peter a ajouté: «Vous savez, je suis allé en France de nombreuses fois. Mais maintenant, je ne veux plus y retourner. Je ne m’y sens plus en sécurité, et surtout pas à Paris».

Au cours des décennies précédentes, des têtes auraient pu rouler à l’intérieur des forces de police dans le cadre de la réaction du gouvernement capitaliste français à un tel événement internationalement embarrassant. Cela ne reflétait pas les sentiments démocratiques, mais le froid intérêt personnel de la classe capitaliste. Avant la pandémie de COVID-19, 9,7 pour cent du PIB de la France provenait du tourisme. De plus, dans les deux prochaines années, la France accueillera à la fois la Coupe du monde de rugby de 2023 et les Jeux olympiques de 2024.

Aujourd’hui, cependant, Macron dépend presque entièrement de la mobilisation de forces fascistes dans la police pour réprimer l’opposition de la classe ouvrière. Au cours de son second mandat, Macron, le «président des riches», prépare de nouvelles coupes sombres dans les retraites et l’assurance chômage, des hausses des frais d’inscription à l’université, et l’appauvrissement de la classe ouvrière par l’inflation mondiale. Pour cette raison, les responsables français ont choisi de redoubler d’efforts pour soutenir la répression policière au Stade de France.

Le 10 juin, le chef de la police de Paris, Didier Lallement, a déclaré à une commission chargée d’enquêter sur l’événement que la gestion de la finale était «un échec, car on a mis à mal l’image du pays». Il a affirmé être «désolé» de l’utilisation de gaz lacrymogènes. Néanmoins, Lallement, qui est tristement célèbre en France pour avoir dit à une manifestante «gilet jaune» qu’elle était «de l’autre côté», a ensuite effrontément défendu l’assaut au Stade de France, affirmant qu’il n’y avait «aucun autre moyen» de faire reculer les gens que de leur tirer des gaz lacrymogènes à répétition.

La répression policière sauvage au Stade de France est un avertissement pour les travailleurs, en France et à l’international: Macron et toute l’aristocratie financière, se sachant isolés et détestés, ne reculeront devant rien pour défendre leur domination de classe.

(Article paru en anglais le 13 juin 2022)

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