Royaume-Uni : au rassemblement du TUC à la veille des grèves du rail, des dizaines de milliers de personnes réclament la grève

De 40 à 50.000  personnes ont manifesté samedi à Londres à l’occasion du rassemblement sur le coût de la vie ‘Nous exigeons mieux’, organisé par la confédération syndicale TUC (Trades Union Congress).

La manifestation se tenait à la veille des grèves nationales de 50.000  cheminots, prévues cette semaine, les 21, 23 et 25  juin.

Une partie du rassemblement du TUC à Parliament Square (WSWS Media)

Cherchant à garder le contrôle d’une vague de grève naissante, la bureaucratie syndicale avait sorti le grand jeu. Si la manifestation était un peu plus grosse que les manifestations annuelles du TUC ces dernières années, elle était malgré tout bien moins importante que celle de 2011 qui avait rassemblé 200.000  personnes après l’arrivée au pouvoir du gouvernement conservateur et le lancement de sa première brutale offensive d’austérité.

Organisée dans le contexte d’un fort sentiment parmi les travailleurs en faveur d’un affrontement avec le gouvernement Johnson et le patronat, la participation montre le déclin de l’autorité des syndicats après des décennies de trahisons – qu’un nécessaire virage vers une rhétorique plus militante ne peut dissimuler.

De nombreux participants venaient d’une couche plus âgée de représentants syndicaux, dont des responsables locaux, des délégués syndicaux et des militants. Mais il y avait aussi des milliers de travailleurs et de jeunes cherchant un moyen de lutter contre l’assaut dévastateur du niveau de vie et l’impact d’une inflation atteignant 11  pour cent. Une étude du TUC publiée le même jour montrait que le travailleur moyen avait perdu entre 2008 et 2021 près de 20.000  livres en revenus réels.

La politique banqueroutière du TUC fut confirmée au rassemblement de clôture, tenu à Parliament Square. Là, on a accordé une amnistie au Parti travailliste, le partenaire politique de Johnson. On avait écarté l’ex-leader travailliste Jeremy Corbyn, réduit à errer comme figure isolée dans la manifestation, lui qui avait remis son parti sans combat aux partisans droitiers de Tony Blair.

Le nouveau leader travailliste Sir Keir Starmer avait décidé de ne pas se montrer là où on aurait pu l’associer d’une quelconque manière aux grèves de la classe ouvrière. Mais on a donné l’occasion à son leader adjoint Angela Rayner et Wes Streeting, clone de Tony Blair, de poser pour la photo, entre autre avec la cheffe du TUC Frances O’Grady, tout en gardant leurs distances politiques en commun accord avec la bureaucratie syndicale.

Le lendemain, lors d’une conférence du Groupe travailliste de l’Association des municipalités, Starmer a déclaré que les grèves du rail devaient être annulées. Il a accusé le premier ministre Boris Johnson et le secrétaire d’État aux transports Grant Shapps d’alimenter le conflit social «afin de pouvoir profiter de la division». Il a tweeté: «Le temps presse. Les conservateurs doivent venir négocier et régler ce problème».

Les bureaucrates syndicaux se sont succédés – des figures comme Sharon Graham (Unite), Jo Grady (University and College Union), Dave Ward (Communication Workers Union) et Mark Serwotka (Public and Commercial Services Union) qui ont supervisé d’ignominieuses défaites de la classe ouvrière – pour vanter les succès remportés par les syndicats. O’Grady a applaudi un autre bureaucrate qui déclarait que le gouverneur de la Banque d’Angleterre Andrew Bailey n’avait pas le droit d’insister pour que les travailleurs renoncent aux augmentations de salaire. Mais elle siège au Conseil des directeurs de la Banque d’Angleterre aux côtés de Bailey.

Les dirigeants syndicaux chevauchent un tigre social, les uns après les autres ayant menacé d’organiser des scrutins de grève et des conflits sociaux, «si nécessaire». Parmi les derniers syndicats à menacer d’une grève il y a Unison qui représente des centaines de milliers de travailleurs du Service National de Santé à qui l’on veut imposer une augmentation de salaire de 3  pour cent, et le NEU (Syndicat de l’éducation nationale) qui compte 450.000  membres.

Mick Lynch, le leader du RMT, qui s’exprime lors du rassemblement du TUC (WSWS Media)

Le leader du syndicat RMT (Rail, Mer, Transports) Mick Lynch a passé la semaine dernière à tenter de négocier un arrêt des grèves du rail prévues cette semaine, en écrivant notamment une supplique pour des discussions avec le gouvernement «sans aucune condition préalable». Mais il est bien conscient du sentiment militant parmi ses membres et plus largement dans la classe ouvrière ; il a déclaré au rassemblement: «Si vos conditions sont attaquées, si votre salaire est attaqué, si vos emplois vous sont retirés, vous êtes dans une lutte de classe».

«On ne nous a offert aucun compromis et le message est clair: nous sommes à présent dans une lutte de classe».

Lynch conclut ainsi: «Nous allons poursuivre cette grève jusqu’à ce que nous obtenions un accord. La campagne marche. La lutte est lancée. Le combat est lancé… C’est là le combat de notre vie, victoire au RMT».

Dimanche, le Financial Timesa publié un article intitulé «Le gouvernement décontenancé par la vague imminente de grèves au Royaume-Uni». Il y cite un «ministre» ayant «déclaré que le gouvernement marchait sur une “ délicate corde raide” pour maintenir les salaires bas et éviter une spirale inflationniste sans forcer de nombreux secteurs à faire grève : “Si nous nous trompons, nous risquons d’entrer dans une grève générale de fait qui créera de nouvelles turbulences risquant de paralyser l’ensemble de l’économie”».

Mais les promesses des dirigeants syndicaux d’organiser une riposte sont une sorte d’action préventive de cette police sociale de la classe dirigeante. Ils cherchent à réprimer une marée montante d’agitation sociale, même si pour cela ils doivent organiser des grève limitées comme le fait le RMT.

Les principaux supporters de la bureaucratie sont les partis de la pseudo-gauche, parmi les membres de laquelle il y a une couche importante de bureaucrates syndicaux.

Le Socialist Workers Party a commenté ainsi le rassemblement de samedi: «Pour la première fois depuis 2018, tous les principaux syndicats de Grande-Bretagne ont amené des centaines – voire des milliers – de leurs membres à défiler en blocs… Cela a montré que les syndicats peuvent encore être une véritable force et qu’ils peuvent se mobiliser dans la rue lorsqu’ils essaient».

«Pour beaucoup de gens, l’ampleur de la manifestation – et le fait qu’elle ait rassemblé des gens de tout le mouvement syndical – leur a montré qu’une lutte unie est possible».

Le SWP débite des contes de fées. Les syndicats ont agi pendant des décennies pour diviser, isoler et trahir les luttes des travailleurs, imposant une série ininterrompue de défaites qui remontent à près de quarante ans, jusqu’à la grève des mineurs de 1984-1985. Cette période touche à sa fin au milieu d’une explosion de la lutte des classes. Mais la lutte unifiée nécessaire que des millions de travailleurs souhaitent pour faire tomber le gouvernement Johnson doit être menée indépendamment de la bureaucratie syndicale et contre elle.

La voie à suivre pour la classe ouvrière a pour axe la lutte pour établir des comités de la base sur chaque lieu de travail et au cœur de chaque lutte. Comme la déclaration du Parti de l’égalité socialiste, distribuée à la manifestation de samedi, intitulée «La grève des chemins de fer britanniques: mobilisez toute la classe ouvrière contre le gouvernement Johnson !» le dit clairement : «la formation de comités de la base sur chaque lieu de travail et dans chaque secteur au Royaume-Uni créera les conditions nécessaires pour que les travailleurs puissent vaincre tous les efforts des syndicats pour saboter leur lutte. Les travailleurs peuvent unir les fronts naissants et faire tomber le gouvernement Johnson».

Dans ce but, le Comité international de la Quatrième Internationale a fondé en avril 2021 l’Alliance internationale ouvrière des comités de base (IWA-RFC). Nous invitons tous les travailleurs à contacter le PES et à rejoindre l’IWA-RFC dès aujourd’hui.

(Article paru d’abord en anglais le 20 juin 2022)

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