50 000 mineurs de cuivre chiliens lancent une grève contre le gouvernement Boric

Le 22 juin à minuit, 50 000 mineurs de cuivre ont lancé une grève dans les mines et les installations de raffinage du Chili, la première grève nationale des mineurs en 20 ans dans ce pays.

Le Chili produit 10 pour cent du cuivre mondial – un métal essentiel nécessaire à la production industrielle – et ses mineurs représentent une section puissante et historiquement militante de la classe ouvrière internationale. Cette grève illimitée donne un coup d’accélérateur un mouvement mondial croissant contre les inégalités sociales et la hausse du coût de la vie, exacerbées par la guerre des États-Unis et de l'OTAN contre la Russie.

La grève a été déclenchée par l'annonce inattendue du gouvernement du président Gabriel Boric, le 17 juin, que l'une des principales raffineries de cuivre du pays, Fundición Ventanas près de Valparaiso, serait définitivement fermée et tous ses employés licenciés. La décision a provoqué une indignation massive parmi les mineurs et contraint la Fédération des travailleurs du cuivre (FTC) à appeler à la grève.

La décision du gouvernement Boric de fermer Fundición Ventanas a été présenté comme une mesure environnementale au motif que cette installation est l'un des plus gros pollueurs d'air du pays. Début juin, les émissions de l'installation avaient rendu malades des dizaines d'écoliers à proximité de l'usine. Mais les responsables de Codelco, l'entreprise publique de cuivre, ont déclaré que l'entreprise pouvait installer des mécanismes pour bloquer 99 pour cent des émissions avec un investissement de seulement 53 millions de dollars.

Le gouvernement Boric tente de présenter les travailleurs comme hostiles à la protection de l'environnement mais les travailleurs eux-mêmes vivent à proximité des installations et ont clairement indiqué qu’ils demandaient que le gouvernement investisse des ressources suffisantes pour protéger les emplois et réduire la pollution. Les mineurs en grève brandissaient des pancartes portant les inscriptions « Environnement et travail » et « Non à la fermeture, oui à l'investissement ».

Cette lutte est une rébellion sociale contre Boric et la coalition d’Apruebo Dignidad (J’approuve la dignité), basée sur le Frente Amplio de Boric (Front large), le Parti communiste stalinien du Chili et plusieurs petits partis. Des travailleurs sur le piquet de grève devant l’installation Fundición Ventanas ont pendu un effigie de Boric avec une pancarte indiquant « Boric : le traître maximum ». Dans tout le pays, les mineurs portaient des pancartes et accrochaient des banderoles au-dessus des passerelles près des portes des usines, dénonçant Boric comme un traître.

Le président chilien Gabriel Boric arrive au palais présidentiel de La Moneda à Santiago, au Chili, le lundi 2 mai 2022. [AP Photo/Esteban Felix] [AP Photo/Esteban Felix]

Boric a été élu en novembre 2021 sur une vague d'opposition sociale aux politiques de droite du conservateur Sebastian Piñera et de la social-démocrate Michelle Bachelet. Leurs gouvernements ont alterné à la présidence de 2006 à 2022 et ont supervisé des programmes de privatisation sans fin ayant contribué à faire du Chili le pays le plus inégal d’Amérique du Sud. À partir d'octobre 2019, des manifestations de masse ont secoué le pays, un mouvement connu sous le nom d'Estallido Social (explosion sociale), et la candidature de Boric représentait une tentative de la classe dirigeante chilienne de réprimer l'opposition sociale en utilisant la démagogie «de gauche ».

L’attaque de Boric contre les emplois des mineurs a suscité une profonde colère parmi les mineurs de cuivre à l’égard du syndicat FTC qui a soutenu Boric lors des élections de 2021 et a exhorté les mineurs à soutenir son gouvernement. Lors d'une réunion en juillet 2021 avec la direction de la FTC, Boric avait déclaré : « Il y a de la place au Chili pour une plus grande répartition des richesses et les propositions de la FTC vont dans ce sens. » Dans les semaines qui ont précédé les élections générales, le chef de la FTC avait déclaré aux membres du syndicat : « Soit nous transigeons avec lui [Boric], soit nous rentrons chez nous en lâches et en traîtres ».

Les bureaucrates de la FTC ont en fait réussi à faire les deux. Maintenant, après avoir obtenu l'approbation de la FTC, Boric a déployé la police pour arrêter les mineurs en grève. Un communiqué de presse syndical a annoncé mercredi dernier que plusieurs mineurs avaient été arrêtés sur leur lieu de travail par la police agissant sur ordre de Codelco et du gouvernement national.

Malgré cela, les dirigeants de la FTC ont annoncé jeudi qu'ils étaient prêts à rencontrer le gouvernement pour discuter de la fin de la grève.

Ce n'est pas la première fois que le gouvernement Boric agresse violemment des grévistes. En mai, Boric a déployé la police pour attaquer les travailleurs de la raffinerie de pétrole en grève de Hualpén à 500 kilomètres au sud de Santiago, utilisant des canons à eau, du gaz poivré et des gaz lacrymogènes pour battre et arrêter les travailleurs. Les carabiniers détestés ont également brutalement agressé des jeunes pauvres ayant participé à des émeutes de la faim à Santiago plus tôt cette année en raison de la hausse du coût de la vie.

Après que Boric ait déployé la police contre les travailleurs, sa porte-parole et cheffe du Parti communiste Camila Vallejo a déclaré que le gouvernement poursuivrait ses plans de fermeture de l'usine. Lors d'une conférence de presse mercredi, elle a déclaré: «J'appelle à la tranquillité. Effectivement, il y a des mobilisations, mais je pense que ce n'est pas bien, et je l'ai dit au ministre de l'intérieur, pour donner l'alerte sur cette mobilisation. »

Vallejo a été porte-parole des manifestations étudiantes chiliennes de 2011 après y avoir été installée par le Parti communiste, duquel ses parents étaient également membres. Vallejo et Boric étaient tous deux des figures de proue de la Fédération des étudiants de l'Université du Chili. Ils ont servi à détourner les manifestations contre la privatisation des écoles et les hausses de frais scolaires d’une lutte contre l'État chilien et le système capitaliste.

Après des années de contestation sociale généralisée, le soulèvement contre la classe dirigeante chilienne a maintenant atteint le cœur de la classe ouvrière chilienne, les mineurs de cuivre. L'inflation galopante rend les conditions extrêmement difficiles pour les travailleurs chiliens. L'inflation a atteint 11,5 pour cent le mois dernier, la plus élevée en 28 ans. Le prix du diesel a augmenté de 51 pour cent sur un an, l'huile végétale de 32 pour cent, la viande de 26 pour cent, le poulet de 28 pour cent et l'énergie des ménages de 20 pour cent.

Une étude réalisée en juin par la Commission économique chilienne pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL) a noté que la guerre des États-Unis et de l'OTAN contre la Russie en Ukraine exacerbe considérablement la pauvreté et les inégalités en Amérique latine. Citant l'étude, El Pais écrit: « les conséquences de la guerre en Ukraine, en particulier l'augmentation du coût de l'énergie et de la nourriture, vont augmenter la pauvreté en Amérique latine et dans les Caraïbes à 33,7 pour cent et la pauvreté extrême à 14,9 pour cent cette année », deux augmentations substantielles par rapport à 2021.

À la demande de l'impérialisme américain, le gouvernement Boric a soutenu les sanctions contre la Russie. Boric s'est rendu à Los Angeles pour le Sommet des Amériques au début du mois malgré la décision de l'administration Biden d'interdire à Cuba, au Venezuela et au Nicaragua d'y assister. Les présidents du Mexique et de l'Uruguay ont refusé d'assister au sommet à la suite de l'interdiction de Biden.

Lors du sommet, Boric a dénoncé le Venezuela et Cuba et s’en est pris aux immigrants vénézuéliens au Chili. Dans une interview à Univisión, il a déclaré : « Je crois qu'aucun pays n'a la capacité d'absorber à lui seul un flux migratoire aussi important que celui qui vient du Venezuela », faisant écho aux attaques xénophobes de la droite fasciste chilienne.

Au moment du voyage de Boric à Los Angeles, il a reçu les éloges des grands médias américains en tant qu'exemple de dirigeant latino-américain « responsable ». Le Washington Post, propriété de Bezos, a évalué ainsi les premiers mois de sa présidence: « Alors que Boric s'était engagé à faire du Chili la tombe du modèle économique de marché libre de l'ère Pinochet, il a jusqu'à présent évité les mesures radicales, faisant de l'actuel chef de la Banque centrale son ministre des Finances. Le Post aégalement noté que Boric avait déployé l'armée chilienne pour faire face aux demandes de réforme agraire des communautés autochtones, « revenant sur une promesse de campagne » afin « d'assurer une sécurité essentielle ».

La popularité de Boric a chuté depuis le printemps ; les sondages d'opinion qui affichaient un taux d’approbation de 50 pour cent début mars ont chuté en juin à 30 pour cent ou moins. Après 100 jours au pouvoir, le taux de désapprobation de Boric est presque le double de celui de ses deux prédécesseurs, Piñera et Bachelet, lors de leur second mandat.

La pseudo-gauche internationale porte la responsabilité de l’arrivée au pouvoir de Boric et de ses attaques contre la classe ouvrière chilienne. Les Socialistes démocrates d'Amérique (DSA) en particulier, ont promu Boric comme une figure de proue du socialisme au 21e siècle. Ils ont envoyé des délégations faire campagne pour son compte aux élections l'année dernière.

La déclaration du 16 décembre 2021 du « Comité international » des DSA déclarait que les DSA « expriment plus que jamais leur soutien inconditionnel à la coalition de gauche Apruebo Dignidad, à quelques jours du deuxième tour historique des élections présidentielles de 2021. Nous espérons que le peuple chilien choisira comme prochain président le socialiste démocrate et ancien dirigeant du mouvement étudiant Gabriel Boric. »

Les DSA ont loué Boric qui s’était selon eux « engagé à mettre fin aux profondes inégalités politiques et économiques qui marquent la société chilienne » et ont déclaré qu'une victoire de Boric serait une perte « pour l'ensemble du modèle néolibéral et néofasciste ».

(Article paru en anglais le 24 juin 2022)

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