Un mois de grève à la Mine Raglan dans le nord du Québec

Jeudi dernier, les travailleurs en grève de la Mine Raglan ont manifesté à l’aéroport de Rouyn-Noranda pour exprimer leur colère contre l’intransigeance patronale face à leurs revendications tout à fait légitimes.

Les 630 travailleurs syndiqués de la mine sont en grève générale illimitée depuis le 27 mai dernier, après avoir voté massivement à 97,5% pour un mandat de grève. Face à l’inflation galopante actuelle et au mépris constant de l’entreprise envers ses ouvriers, les grévistes sont déterminés à se battre contre la sous-traitance et les attaques sur leurs conditions de travail et de vie.

Les mineurs de Raglan ne sont pas seuls dans leur lutte: on voit ici des mineurs du charbon en grève à Brookwook, en Alabama (Photo : Friends of Coal Alabama).

Le groupe Glencore, propriétaire des installations, avait réagi au lancement de la grève en annonçant la suspension de ses opérations minières et le renvoi des travailleurs dans leurs régions respectives. Vendredi dernier, il a repris certaines opérations en utilisant des sous-traitants.«Nous sommes très inquiets, c’est le moins qu’on puisse dire, quant au type de travail qui est fait à la mine et par qui», a déclaré un mineur qui est membre de l’équipe syndicale de négociation.

La Mine Raglan est localisée dans le nord du Québec, au Nunavik, dans la péninsule d’Ungava, soit à 1800 km au nord de Montréal. Étant située entre les villages de Salluit et de Kangiqsujuaq, la mine compte environ 20% des travailleurs qui proviennent des communautés inuites. Comme pour plusieurs exploitations de ressources naturelles en région, la Mine Raglan est au centre de l’économie locale et une portion importante des habitants contribuent de près ou de loin aux activités de la mine.

Malgré son nom, la Mine Raglan est en fait un complexe minier composé de quatre mines souterraines. Alors que la mine traite principalement du nickel, l’entreprise extrait également d’autres métaux précieux. En 2020, l’entreprise a extrait notamment près de 40.000 tonnes de nickel, 9.000 tonnes de cuivre et plus de 800 tonnes de cobalt. C’était en pleine pandémie de COVID-19, le gouvernement ayant donné le feu vert à l’industrie minière pour poursuivre ses activités et exposer les mineurs au dangereux coronavirus.

Selon une estimation publiée par le syndicat des Métallos, basée sur les données de production de l’entreprise, la mine aurait extrait pour 586 millions de dollars américains en 2020. Considérant que le prix du nickel a plus que doublé depuis 2020, et que le prix des autres métaux a également connu une hausse significative, les revenus de 2022 pourraient dépasser le milliard.

Malgré la rentabilité plus que substantielle de l’exploitation, Glencore refuse à ses travailleurs la moindre amélioration de leur situation et multiplie plutôt les attaques sur leurs emplois et conditions de travail.

Un exemple flagrant fut le congédiement en mars 2021 des travailleurs syndiqués chargés de la sécurité à la Mine Raglan, après que ces derniers eurent rejeté une offre de la compagnie pour le renouvellement de leur convention collective. Dans un jugement émis le 15 juin, le Tribunal administratif du travail du Québec a sévèrement condamné cette action motivée par le désir de lancer «un signal clair de la compagnie aux autres unités (de travailleurs syndiqués) qui seront bientôt en négociation».

Comme c’est le cas pour la vaste majorité des travailleurs de l’industrie minière, les travailleurs de Raglan ont littéralement des conditions de misère. En plus du «fly-in fly-out» [qui consiste à prendre l’avion pour se rendre et revenir du complexe minier] et de l’éloignement de leurs familles, les ouvriers travaillent 11 heures par jour durant 21 jours en ligne, suivi d’un congé de 14 jours.

Dans ces conditions, et avec l’inflation qui gruge le peu de latitude restante aux familles, les travailleurs sont déterminés à lutter pour leurs intérêts. Ils réclament de meilleurs salaires, des conditions de travail décentes, et un régime bonifié de vacances. Ils s’opposent également à l’utilisation accrue de la sous-traitance par Glencore.

En plus des salaires plus bas et des avantages sociaux moindres qu’elle entraîne, l’utilisation des sous-traitants a tellement crû dans les dernières années que c’est près de la moitié des 1.200 employés de la mine qui travaillent pour un tiers parti. Si cette pratique permet à la multinationale de sauver de grosses sommes, ce sont tous les travailleurs qui payent pour cette concurrence artificielle.

En réalité, l’entreprise a définitivement les moyens de donner aux travailleurs ce qu’ils réclament. Suite à sa fusion avec Xstrata en 2013, le groupe Glencore est l’une des plus grandes entreprises dans le secteur des ressources naturelles au monde.

Présente dans 35 pays, la société gère autour de 150 installations dans le domaine des mines, de la métallurgie et de la production pétrolière. Glencore est le plus important producteur de nickel au Québec et le quatrième plus important dans le monde. La société est dirigée par Ivan Glasenberg, neuvième homme le plus riche d’Australie, qui possède une fortune personnelle de 12,2 milliards de dollars.

Alors qu’ils font face à une multinationale déterminée à couper dans ses coûts de production pour accroitre ses profits, les 630 travailleurs en grève sont également confrontés à la bureaucratie syndicale des Métallos, affiliée à la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ). Comme le souligne l’annonce à la dernière minute d’à peine quatre piquets de grève ponctuels sur deux semaines, celui de Rouyn-Noranda étant le dernier sur la liste, le syndicat des Métallos cherche à isoler les grévistes.

Le seul petit geste de solidarité est venu de la section locale 6586 de l’usined’ArcelorMittal à Contrecœur, qui fournit une aide financière limitée de 1100$ par semaine. Alors qu’il se vante d’être le plus important syndicat du secteur privé au Québec, avec 60.000 membres répartis dans pratiquement tous les secteurs d’activités, le syndicat des Métallos refuse de mobiliser la pleine force de ses membres pour appuyer les travailleurs de Raglan.

Les grévistes de Raglan devraient tirer les leçons de la trahison par les Métallos d’un puissant vote de grève tenu dans les usines d’Arconic en Iowa, au Tennessee et en Indiana plus tôt ce mois-ci. Malgré un appui écrasant pour la grève parmi les travailleurs, le syndicat l’a empêchée et a annoncé à la dernière minute une entente avec la compagnie. Les Métallos ont ensuite imposé une entente remplie de reculs, dont des baisses de salaire réel et l’abolition d’avantages basés sur la performance. Bien des travailleurs prétendent que le vote a été truqué. «C’est comme si la direction syndicale travaillait pour la compagnie», a confié un travailleur d’Arconic au WSWS.

Même si le syndicat des Métallos s’est senti obligé de déclencher la grève à Raglan, il ne fait aucun doute qu’il travaille d’arrache-pied en coulisse avec la direction pour imposer un contrat au rabais semblable.

La corruption criminelle qui ronge les appareils syndicaux pro-capitalistes est un processus universel. Il a été révélé cette semaine, sur la base d’une série de jugements récents, qu’au moins quatre dirigeants des Métallos au Canada seraient impliqués dans des combines de détournements de fonds. Selon TVA Nouvelles, les représentants syndicaux auraient utilisé leurs positions pour passer des dépenses personnelles au syndicat, pour charger des factures en double et même pour se signer des chèques en blanc. Incapable de rembourser, l’un d’eux s’est fait saisir sa maison la semaine dernière.

Les travailleurs de Raglan ne sont pas seuls dans la lutte. Depuis un an, une vague de grèves a éclaté parmi de nombreuses sections de mineurs dans le monde – des mines de nickel de l’Ontario et des bassins houillers de l’Alabama au désert d’Atacama au Chili et aux jungles de Colombie– pour exiger notamment une hausse substantielle des salaires et le rétablissement d’acquis gagnés autrefois de haute lutte.

Pour avoir gain de cause, les travailleurs de Raglan doivent rompre avec les syndicats nationalistes et pro-capitalistes qui les ligotent et créer leur propre comité de la base. Un tel comité, en allianceavec d’autres du même genre dans d’autres secteurs économiques et d’autres pays, pourra lancer un puissant appel à la classe ouvrière internationale en vue d’une contre-offensive commune afin de défendre les emplois, les salaires et les conditions de travail de tous.

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