Au moins 46 immigrants sans papiers retrouvés morts dans la remorque d’un camion sous la chaleur étouffante du Texas

Il ne se passe pratiquement plus un jour aux États-Unis sans un cas de mort de masse produit par la réaction capitaliste. Lundi soir, une remorque remplie de corps – certains déjà morts, d’autres s’accrochant encore à la vie – a été découverte à San Antonio, au Texas, à deux pas d’une autoroute très fréquentée.

Policiers bloquant la scène où une remorque contenant plusieurs cadavres a été trouvée, le lundi 27 juin 2022, à San Antonio au Texas [AP Photo/Eric Gay] [AP Photo/Eric Gay]

Le camion transportait des immigrants sans-papiers fuyant les conditions économiques désespérées de l’Amérique centrale et le legs de plus d’un siècle d’exploitation impérialiste nord-américaine. Ces immigrants sont contraints d’entrer clandestinement en raison des restrictions anti-immigrants imposées par l’administration démocrate du président Joe Biden.

Jusqu’à présent, le bilan officiel est de 46 morts, mais il devrait s’alourdir, car, selon les autorités locales, 16 autres personnes ont été hospitalisées à des états divers. Il s’agit du cas le plus meurtrier de l’histoire des États-Unis, avec plus de deux fois le bilan de la deuxième plus grande asphyxie massive d’immigrants, lorsque 19 personnes ont été retrouvées mortes suffoquées dans la remorque d’un camion à Victoria, au Texas, en 2003.

Plus tôt lundi, les températures à San Antonio atteignaient les 40 degrés Celsius. Il est difficile d’imaginer comment les personnes qui ont péri dans la remorque ont passé leurs derniers instants à lutter pour s’échapper. Une personne vivant près de l’endroit où la remorque a été trouvée a déclaré au New York Times«j’ai entendu dire qu’il y aurait aussi des enfants». Les familles font en effet souvent le voyage ensemble.

Après avoir découvert la remorque, la police et la patrouille frontalière auraient déployé du matériel de détection de chaleur de qualité militaire pour rechercher et détenir tout immigrant qui aurait pu s’échapper.

Ce crime social est la responsabilité de l’administration Biden, qui a été élue sur la base d’une opposition de masse au fasciste Donald Trump, mais dont l’administration mène une attaque impitoyable contre les immigrants, en arrêtant plus d’immigrants en 2021 que ce que Trump a détenu dans n’importe quelle des années de son mandat. Biden est en passe d’arrêter quelque 2 millions d’immigrants cette année, un nouveau record. Il y a deux jours, il a mis fin à toutes les restrictions antérieures sur les arrestations de la U.S.Immigration and Customs Enforcement’s (le service de l’immigration et des douanes des États-Unis – ICE), ordonnant aux agents d’arrêter tous les immigrants, indépendamment qu’ils aient ou non un casier judiciaire ou du nombre d’années qu’ils ont déjà vécues aux États-Unis.

La remorque a été découverte au Texas à peine 24 heures après que les polices des frontières espagnole et marocaine aient attaqué brutalement une foule d’immigrants africains qui tentaient de passer l’avant-poste espagnol de Melilla, sur la côte nord de l’Afrique. Au moins 36 immigrants ont été tués, certains après avoir été battus par la police, d’autres accrochés à la clôture frontalière en fil barbelé, d’autres encore dans la bousculade qui a suivi l’assaut de la police.

Ces deux crimes montrent l’hypocrisie de l’affirmation selon laquelle les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN mènent une guerre contre la Russie en Ukraine pour des raisons humanitaires. Si ces crimes avaient eu lieu en Russie, les gouvernements impérialistes les auraient utilisés comme prétextes pour justifier une nouvelle escalade d’une guerre menaçant le monde d’une catastrophe nucléaire.

Il est déjà clair que l’establishment politique américain répondra à ce cas de mort massive survenu à San Antonio en l’utilisant pour justifier une nouvelle répression de l’immigration. Une heure avant la découverte des corps dans sa circonscription, le député républicain du Texas Tony Gonzales tweetait que l’immigration «encourage l’anarchie et crée un chaos absolu à notre frontière sud».

À la suite de cette tragédie, Gonzales a reproché aux démocrates de ne pas avoir une main de fer suffisante. Le gouverneur du Texas Greg Abbott, un partisan fasciste de Trump, rend Biden responsable des décès dans un tweet: «C’est là le résultat de ses politiques mortelles d’ouverture des frontières. Cela montre les conséquences mortelles de son refus de faire respecter la loi.»

Les médias bourgeois vont alterner leur réaction en demandant une répression de type militaire à la frontière et en dénonçant le criminel qui a conduit et abandonné la remorque dans la chaleur.

Mais l’existence des contrebandiers est un sous-produit criminel des politiques frontalières bipartites du gouvernement américain, et ce sont elles qui sont fondamentalement à blâmer.

De tels décès ne se produisaient pas avant la militarisation de la frontière américano-mexicaine lancée par le président démocrate Bill Clinton. Dans les années 1990, Clinton, fort du soutien tant des démocrates que des républicains, a promulgué des programmes tels que l’«Opération Gatekeeper» et l’«Opération Hold-the-Line», dont l’objectif était de militariser les zones de passage en milieu urbain, forçant du coup les migrants à traverser dans les déserts inhabitables.

En 2006, sous l’administration de George W. Bush, le Congrès a adopté la Secure Fences Act, facilitant la construction de centaines de kilomètres de barrières à la frontière tout en renforçant sa militarisation. Parmi ceux qui ont voté «oui» à cette loi figurent les sénateurs de l’époque Joseph Biden, Hillary Clinton, Barack Obama, John McCain et Charles Schumer.

En 2010, Obama a signé une loi pour le déploiement d’une flotte de drones à la frontière et de 1500 soldats de la Garde nationale pour y bloquer et arrêter les immigrants. En 2018, le Parti démocrate n’a rien fait lorsque Trump a redirigé illégalement des fonds alloués par le Congrès pour financer son déploiement de la Garde nationale à la frontière. L’administration Biden a maintenu les restrictions liées à la pandémie pour tous les demandeurs d’asile et elle maintient toujours la politique de Trump de contenir les immigrants au Mexique et interdisant à tout réfugié d’entrer aux États-Unis par ce pays.

La remorque a été découverte dans le sud-ouest de San Antonio, à peine à un kilomètre de l’endroit où neuf immigrants ont été retrouvés morts de déshydratation et d’asphyxie à l’arrière d’une remorque il y a presque exactement cinq ans, le 17 juillet 2017. Le World Socialist Web Site avait alors publié ceci:

Le monde est submergé de gens qui sont forcés de fuir leurs maisons sous le poids de décennies d’exploitation économique et de guerre. Selon un rapport de l’ONU de 2015, il y a 65,3 millions de réfugiés dans le monde, plus que la population du Royaume-Uni, de la France ou de l’Italie.

La crise des réfugiés est le produit du système capitaliste et nécessite une solution socialiste. Jamais dans l’histoire, la contradiction entre la facilité avec laquelle le capital se déploie à travers les frontières et la difficulté avec laquelle les êtres humains fuient à travers les frontières nationales n’a été aussi aiguë. Alors que l’économie mondiale est de plus en plus interconnectée par l’avènement de l’Internet, des téléphones mobiles et des lignes d’approvisionnement intégrées mondialement, les classes dirigeantes des pays dits démocratiques se protègent de plus en plus, comme l’a dit Léon Trotsky: «par un mur douanier et une haie de baïonnettes».

Les socialistes rejettent les tentatives de concilier les slogans «de gauche» avec le poison du nationalisme. Des figures comme Jeremy Corbyn au Royaume-Uni et Bernie Sanders aux États-Unis affichent le caractère procapitaliste de leurs perspectives lorsqu’ils parlent de «gestion raisonnable de l’immigration» (manifeste du Parti travailliste de Corbyn) ou dénoncent l’ouverture des frontières comme une «proposition de droite» qui ne peut que «rendre tout le monde plus pauvre aux États-Unis» (interview de Sanders du 18 juillet 2015 sur Vox).

Les socialistes s’opposent à toute division du monde en États-nations et appellent à l’organisation géographique du monde en harmonie avec le caractère international de l’économie mondiale.

(Article paru en anglais le 28 juin 2022)

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