Le maire d'Akron, Ohio, déclare « l'état d'urgence » alors que les manifestations continuent suite au meurtre de Jayland Walker par la police

Terrifié de voir une explosion sociale répondre à l'exécution brutale de Jayland Walker par la police, Dan Horrigan, le maire démocrate d'Akron, Ohio, a signé un décret juste avant minuit le 4 juillet, déclarant «l'état d'urgence» dans la ville.

Dans le cadre du décret, Horrigan a effectivement annulé les célébrations du Jour de l'Indépendance dans la ville. Trois feux d'artifice prévus par la municipalité ont été reportés et Horrigan a annoncé l'imposition d'un couvre-feu de durée indéterminée, de 21 h à 6 h. Celui-ci interdit la libre circulation des travailleurs dans une zone prohibée cerclant le centre-ville, sauf pour aller au travail.

Les manifestations se sont poursuivies dimanche soir et lundi après la diffusion dimanche après-midi d'images macabres provenant d’une caméra policière. Elles montrent sans équivoque que Walker, un chauffeur-livreur afro-américain de DoorDash âgé de 25 ans, ne représentait aucune menace pour les policiers lorsqu’ils ont tiré sur lui plus de 90 fois, dans un parking, causant au moins 60 blessures.

Walker fuyait la police pour des raisons inconnues tôt le matin du 27 juin. Après une courte poursuite en véhicule et à pied, au moins huit policiers d'Akron ont tiré sur Walker qui n’était pas armé, plusieurs continuant de tirer même après qu'il se soit effondré.

Jayland Walker [Photo: Family Photo]

Les images diffusées par la police dimanche sont incomplètes car elles ne montrent pas ce qui s'est passé immédiatement après que les flics ont exécuté Walker. L'avocat de la famille Walker, Bob DiCello, a déclaré qu'après l’avoir tué, la police avait placé son cadavre mutilé en état d'arrestation en le menottant.

Outre qu’aucune des images ne montre les conséquences de l'exécution policière, les circonstances relatives aux raisons qu’avait la police d'arrêter Walker n'ont pas encore été éclaircies car aucune des images de la caméra policière montrant l'arrêt initial de la voiture n'a été publiée. Et aucun des huit policiers impliqués dans la fusillade n'a encore fait de déclaration publique, ou devant les enquêteurs de l'État, plus d'une semaine après le meurtre.

Le couvre-feu imposé par Horrigan affecte le centre-ville d'Akron, dont l'Université d'Akron. Alors que les manifestants avaient continué à se rassembler au centre-ville tout au long de la journée, à l'approche du début du couvre-feu de 21 heures, la police s’étant postée sur les bâtiments voisins et la police anti-émeute commençant à se rassembler dans les rues, les manifestants semblaient s'être pour la plupart dispersés à l'extérieur de la zone de couvre-feu.

Lundi, les habitants d'Akron ont rapporté avoir vu des masses de véhicules de transport de troupes blindés de la police et des équipes des unités d’intervention SWAT déployées dans la ville pour tenter d’écraser la montée de la colère, réprimer les revendications de justice pour Walker et d’arrêt de la violence policière. Les images en provenance d'Akron rappellent de manière frappante celles qui ont suivi l'occupation militarisée de Ferguson, dans le Missouri, suite au meurtre par la police de Michael Brown en 2014 (articles en anglais).

Dans sa déclaration annonçant le couvre-feu, Horrigan a tenté de blâmer les manifestants pour avoir causé « d'importants dégâts matériels » au centre-ville d'Akron dimanche soir. Ila déploré que «les magasins de la Grande rue avaient eu leurs vitrines brisées». Le maire démocrate a ensuite menacé les habitants en disant qu'il « ne tolérerait pas la destruction de biens ou la violence ».

Horrigan tolère la violence quand elle émane du commissariat d'Akron, dont les policiers ont été filmés dimanche soir en train de tirer des gaz lacrymogènes directement sur des manifestants pacifiques. Bien qu'on ne sache pas combien de personnes ont été blessées dans le déchaînement policier, le commissariat a annoncé lundi qu'il avait procédé à environ 50 arrestations de manifestants, dont beaucoup ont été arrêtés pour avoir enfreint le couvre-feu qui venait d'être imposé.

Les manifestations de dimanche soir ont été extrêmement pacifiques et ne sont devenues «violentes» que quand la police a commencé à tirer des gaz lacrymogènes sur les manifestants. Que la police recherchait un affrontement était évident vu sa décision d'éclairer un seul étage du commissariat de police avec une « fine ligne bleue » avant de commencer son assaut.

Alors que la police continue de tuer plus de 1 000 Américains par an, le symbole de la « fine ligne bleue » a été adopté par les services de police du pays. Il signifie la division de classe entre la classe ouvrière et la bourgeoisie. La police, qui fait respecter les inégalités sociales, se tient entre les deux classes – une ligne bleue – et défend les privilèges et les droits de propriété de la classe opprimante.

Lundi, environ 100 manifestants ont marché jusqu'au domicile du maire Horrigan portant des pancartes exigeant « Justice pour Jayland » lors d'une manifestation organisée par les Socialistes démocrates d'Amérique d’Akron et la Freedom Black Led Organizing Collaborative, une organisation réformiste raciale dirigée par Raymond Green Jr. Leur arrivée à la résidence du maire a été accueillie par des dizaines de policiers lourdement armés et en tenue anti-émeute qui ont empêché le groupe de s'approcher de la maison.

Dans des conditions d'inflation galopante, de pandémie perpétuelle, de menace de dictature et de guerre menée contre la Russie par l'OTAN en Ukraine, la classe dirigeante américaine utilise la colère populaire suscitée par le meurtre de Walker pour intimider les travailleurs et les jeunes et réprimer l'opposition croissante à tout le système capitaliste. Afin de justifier des attaques continues contre la vie des travailleurs, on recrute dans la police les éléments les plus réactionnaires, qui sont promus par des fascistes comme l'ancien président Donald Trump.

Le commissariat de police d'Akron, comme pratiquement tous les commissariats des États-Unis, est truffé de fascistes et de racistes. Exhibant ses références fascistes et savourant peut-être le meurtre de Walker, le compte Facebook officiel du commissariat d'Akron a publié, le jour même où il publiait sa déclaration sur le meurtre de Walker, une photo montrant un policier avec un tatouage fasciste au poignet.

Photo Facebook du commissariat d'Akron d'un policier de la ville posant avec un tatouage « Tête de mort ».

Sur la photo, publiée environ trois heures après la déclaration de mardi, le policier de gauche porte un ‘Totenkopf’ [Tête de mort] au poignet. Ce symbole est extrêmement populaire dans les milieux fascistes et a été popularisé par les SS (Schutzstaffel) nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.

Image agrandie du tatouage du flic d'Akron avec image composite de Wikipedia.

Ce policier d'Akron n'est pas le seul à aimer s'identifier à l'iconographie fasciste. L'année dernière, la ville d'Akron a choisi de ne pas licencier ni même réprimander le policier Phil Senior après avoir été photographié l'année dernière avec un logo [du groupe fasciste] Three Percenters tatoué sur son bras.

Suite à l'annonce par la ville que Senior ne ferait l'objet d'aucune discipline ni ne serait licencié pour son tatouage, qui montre son appartenance à cette milice fasciste, le maire Horrigan a publié une déclaration disculpant le flic. Il a déclaré qu'il faisait confiance au Bureau des normes professionnelles de la police d'Akron pour qu’il fasse une enquête sur lui-même. « Certains symboles […] peuvent représenter une gamme de significations différentes au fil du temps ou entre les groupes communautaires » a-t-il encore dit.

Au moins 12 personnes inculpées dans le cadre du coup d'État du 6 janvier sont affiliées à la milice Three Percenter. Les Three Percenters, avec les Proud Boys et les Oath Keepers, ont été le fer de lance de l'assaut contre le Congrès lors du coup d'État fasciste de Trump.

La disculpation par Horrigan des fascistes opérant au commissariat de police d'Akron sont du même acabit que les tentatives de Biden et des démocrates de disculper l'aspirant dictateur Trump et ses complices républicains d’avoir tenté de renverser le gouvernement en janvier 2021.

Les deux cas montrent que la défense des droits démocratiques ne peut être laissée entre les mains des démocrates. Ce parti de Wall Street et de la guerre s'aligneraient plutôt sur ses « collègues républicains » et leurs fantassins fascistes dans la police du pays pour dissimuler non seulement les meurtres quotidiens de jeunes travailleurs comme Walker, mais aussi toute l'étendue du coup d'État de Trump, soutenu pratiquement de tout le parti républicain et de parties importantes de la police, de l'armée et du renseignement.

(Article paru en anglais le 5 juillet 2022)

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