Royaume-Uni: le syndicat Unite suspend la grève chez Arriva Yorkshire avant un vote sur une offre modifiée.

Jeudi, le syndicat Unite a suspendu une grève totale, entrée dans sa quatrième semaine, de 560  travailleurs des bus dans cinq garages d’Arriva dans le Yorkshire,.

Le syndicat a organisé une reprise du travail samedi avant la tenue d’un scrutin sur une offre modifiée. En collusion avec la direction, il n’a tenu aucun compte de ses membres.

Des travailleurs d’Arriva West Yorkshire sur le piquet de grève (Credit : TUC Yorkshire & Humber Facebook) [Photo by TUC Yorkshire & Humber Facebook]

«Arriva a présenté une offre sur laquelle nos membres vont maintenant voter. Pendant que le vote a lieu et comme acte de bonne volonté, Unite a suspendu son action de grève», a déclaré Phil Bown, responsable régional d’Unite.

Cela a permis à Arriva de présenter l’accord modifié comme une affaire conclue. Gavin Peace, directeur d’exploitation régional d’Arriva North East & Yorkshire, a déclaré: «C’est une nouvelle fantastique que nous ayons trouvé un accord avec Unite et, à partir de ce samedi, nous pourrons commencer à rétablir les services de bus dans tout le Yorkshire».

La «bonne volonté» entre Unite et Arriva est due à ce qu’ils collaborent pour faire pression au maximum sur les travailleurs des bus pour qu’ils abandonnent la lutte pour l’augmentation de leurs salaires. Dès le début, le 6  juin, de cette grève totale, Arriva Yorkshire a organisé une chasse aux sorcières dans les médias contre les travailleurs des bus, tandis qu’Unite interdisait aux grévistes de parler contre l’entreprise et de demander du soutien.

Samedi, le WSWS s’est entretenu avec les chauffeurs des garages de Castleford et Selby, qui ont expliqué qu’ils n’avaient pas encore reçu du syndicat une copie de l’offre modifiée et que le vote ne commencerait que cette semaine, les résultats étant annoncés le mardi suivant.

Les travailleurs des cinq garages avaient voté à une majorité de 96 pour cent pour la grève après avoir rejeté une offre de 4,1 pour cent d’augmentation. Les salaires ne dépassent pas 9,79 livres de l'heure (11,4 euros) pour les nouveaux conducteurs, qui ne touchent que 29 pence (34 centimes) de plus que le salaire minimum pendant un an.

Les travailleurs ont jugé une nouvelle offre si dérisoire qu’on ne l’a pas soumise au vote et qu’ils ont continué la grève. Arriva Yorkshire a qualifié de «généreuse» l’offre améliorée, affirmant qu’elle représentait entre 7 et 12,5 pour cent. Mais le montant le plus élevé ne s’applique qu’aux chauffeurs du garage de Selby dont les salaires d’embauche sont inférieurs. Le taux supérieur proposé pour eux était inférieur de 1,50  livres de l’heure (1,75  euro) à celui des quatre autres garages. Pour la plupart des chauffeurs, l’augmentation aurait été d’environ 7  pour cent, une baisse réelle de salaire, l’inflation étant à 11,7 pour cent.

Unite traite ses membres avec mépris, les renvoyant au travail sans accord après avoir passé près de quatre semaines sur le piquet de grève et sacrifié leur revenu, n’ayant que 70  livres par jour d’indemnité de grève. Unite a annoncé le 20  juin qu’il ne rendrait pas compte publiquement de la poursuite des négociations après l’échec de deux cycles de négociations précédents. Mardi encore, deux jours avant l’arrêt de la grève, Unite avait déclaré que l’entreprise avait présenté une «offre régurgitée» qu’il avait rejetée à deux reprises.

Bown a profité d’une interview avec ITV Calendar News jeudi pour en substance recommander l’accord. Oubliées ses précédentes protestations que les chauffeurs de bus devaient travailler 40 à 50  heures la semaine pour compenser leurs bas salaires ou aller aux banques alimentaires. Oublié son appel à un accord de 10  pour cent ou bien lié à l’inflation. «Nous avons fait notre mieux pour essayer de trouver une offre qui permette à nos conducteurs de retrouver un niveau de rémunération décent», a-t-il déclaré. «Nous pensons que cette offre va dans le bon sens. Nous aimerions plus, comme tout le monde, évidemment. Mais il est évident qu’à ce stade, nous estimons que c’est une offre équitable à soumettre à la réflexion de nos membres.»

Le voile du secret sur les négociations, imposé par Unite depuis le 20  juin, a été étendu à ses membres alors que le syndicat préparait un accord de capitulation et s’efforçait d’isoler la grève. Les travailleurs des bus et les membres d’Unite chez Arriva Harts and Bucks ont voté pour la grève. Chez Arriva North West, 1.800  travailleurs des bus ont commencé un vote de grève contre une offre de 3  pour cent ou de 6  pour cent avec des conditions.

La suspension de la grève chez Arriva Yorkshire est intervenue quelques jours seulement après qu’Unite a présenté une offre modifiée pour suspendre la grève de 370  chauffeurs de bus et mécaniciens de Stagecoach Merseyside au dépôt de Gilmoss (Liverpool). Cette offre a été rejetée et la grève prévue pour lundi a été maintenue, avec sept autres arrêts d’un jour prévus jusqu’à fin juillet.

La secrétaire générale d’Unite, Sharon Graham, a déclaré dans un communiqué que les travailleurs des bus de Gilmoss continueraient à jouir du «soutien total» du syndicat, dénonçant le fait que Stagecoach «faisait de l’argent à tour de bras». C’est du double langage. Le syndicat était prêt à éviter la grève pour une maigre révision de l’offre précédente, de 9,5  à 10,3 pour cent, soit 0,8  pour cent. On avait imposé aux travailleurs de Gilmoss un accord salarial de seulement 2,25  pour cent de 2021 à cette année, alors qu’Unite entreprenait d’empêcher une grève nationale chez le plus grand opérateur de bus du Royaume-Uni.

La prétention de Graham, depuis son élection en août dernier, de reconstruire Unite en un syndicat «dirigé par ses membres» et de mener une action pour faire reculer les employeurs est une fraude. C’était une opération de regroupement mené par une bureaucrate de carrière mobilisant une étroite base de soutien parmi les responsables régionaux et locaux, contre un mouvement unifié de la base. On a imposé des divisions et des accords de capitulation de 3 à 3,5  pour cent, comme chez Arriva dans tout le pays. Comme syndicat, Unite ne fonctionne pas pour défendre les intérêts des travailleurs mais pour étouffer toute résistance afin de développer ses relations corporatistes avec les employeurs en vue de sauvegarder leurs profits.

Les travailleurs d’Arriva Yorkshire doivent rejeter tout recul par rapport à leurs revendications d’augmentation des salaires et de passage au taux supérieur en six mois pour les nouveaux arrivants, afin de mettre fin au système salarial à plusieurs vitesses. Tout accord qui revient sur ces revendications ou qui contient des conditions doit être rejeté.

Pour mener ce combat il faut former un comité de la base. Cela leur permettrait de mettre fin à l'isolement de leur conflit et de se joindre aux autres travailleurs d'Arriva qui mènent la même lutte dans le reste du pays, ainsi qu'à ceux de Stagecoach et de tous les autres opérateurs privés.

Quelques jours seulement après l’arrêt de la grève chez Arriva Yorkshire, on a annoncé que 62  lignes de bus seraient supprimées dans la région de West Yorkshire – 11  pour cent du réseau de bus en termes de kilométrage – sur les 135  lignes au moins devant être supprimées dans toute l’Angleterre. Ceci en réaction à l’arrêt des subventions COVID par le gouvernement Johnson en octobre. Depuis mars 2020, les opérateurs privés ont été renfloués à hauteur de 2  milliards de livres sterling. Le nombre de passagers étant revenu à environ trois quarts des niveaux pré-pandémiques, les pertes doivent être répercutées sur les travailleurs des bus et les usagers.

Les travailleurs des bus ne mènent pas une lutte contre des employeurs individuels mais contre un gouvernement décidé à faire payer à la classe ouvrière son renflouement des oligarques de la grande entreprise. Ils sont confrontés à la même lutte que les travailleurs du rail. Ceux-ci se battent contre les plans de reprivatisation des chemins de fer par l’imposition d’un nouveau modèle garantissant les profits des opérateurs privés, qui dominent tant les réseaux de bus que de trains.

(Article paru d’abord en anglais le 5 juillet 2022)

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