Une usine d’emboutissage de Hyundai en Alabama exploite le travail des enfants

Usine d’emboutissage de métal Smart Alabama LLC, une filiale de Hyundai Motors en arrière-plan d’un message annonçant la ville de Luverne [Photo par AJ+] [Photo: AJ+]

Des enfants aussi jeunes que 12 ans travaillent illégalement dans une usine appartenant à Hyundai dans l’État, selon un reportage récent de Reuters. Les travailleurs de l’usine connaissent l’existence des enfants travailleurs depuis des années; un récent cas d’enfant disparu originaire d’Enterprise, en Alabama, a forcé l’État à reconnaître les pratiques d’embauche de l’usine. Le procureur général de l’Alabama n’a pas encore fait de commentaire.

Pedro Tzi, un migrant guatémaltèque vivant à Enterprise, a signalé en février que sa fille adolescente avait disparu. Suite à une enquête, il a été révélé que la jeune fille et ses frères, âgés de 12 et 15 ans, travaillaient depuis des années chez SMART, LLC, une filiale de Hyundai. Aucun d’entre eux n’a fréquenté l’école pendant cette période. Tzi avait initialement indiqué que sa fille était âgée de 12 ans. Dans des déclarations à Reuters, il a déclaré qu’elle avait presque 14 ans.

L’usine fabrique des pièces pour les modèles Elantra, Sonata et Santa Fe de Hyundai. Ensemble, ces véhicules représentent près de 37 pour cent des ventes du constructeur automobile aux États-Unis.

La fille de Tzi a été retrouvée à Atlanta, en Géorgie, voyageant avec un jeune de 20 ans qui travaillait également chez SMART. Le travailleur a été accusé d’enlèvement, arrêté et rapidement expulsé. L’adolescente affirme qu’elle est partie de son plein gré, disant à la police qu’elle et son compagnon avaient espéré trouver de meilleures conditions de travail à Atlanta.

N’ayant aucune compétence en matière de législation du travail, le commissariat de police d’Enterprise a signalé les infractions au bureau du procureur général de l’État. En réponse à la publication de l’article de Reuters, le ministère du Travail de l’Alabama a annoncé vendredi qu’il lancerait une enquête approfondie sur l’usine pour s’assurer du respect de la législation du travail.

Une douzaine d’employés actuels et anciens de SMART ont parlé à Reuters, la plupart sous couvert d’anonymat, de l’utilisation de travailleurs mineurs dans l’usine.

Un travailleur a déclaré qu’il savait qu’environ 50 enfants travaillaient à l’usine. Une autre ancienne employée a déclaré avoir travaillé avec environ 12 mineurs pendant son quart de travail.

Tabatha Moultry a été l’une des rares employées à parler ouvertement à Reuters. Elle a travaillé à l’usine SMART pendant des années, qu’elle a quittée en 2019. Elle a déclaré à Reuters que l’usine s’était tournée vers l’embauche de travailleurs migrants pour remédier au renouvellement élevé du personnel et aux demandes croissantes de production. Moultry a raconté avoir travaillé avec une fille migrante qui «avait l’air d’avoir 11 ou 12 ans» et qui venait travailler avec sa mère tous les jours.

Lorsque Moultry a insisté auprès de la jeune fille à propos de son âge, elle a admis qu’elle avait 13 ans.

«Elle était bien trop jeune pour travailler dans cette usine, ou dans n’importe quelle usine», a déclaré Moultry à Reuters.

SMART a déclaré qu’elle n’employait pas de mineurs. Les travailleurs disent que des dizaines d’enfants travailleurs ont été licenciés de l’usine pour devancer tout contrôle suite à l’affaire de la disparition de la fille de Tzi .

La loi d’Alabama et la loi fédérale interdisent aux mineurs de moins de 18 ans de travailler dans des opérations d’emboutissage de métaux comme SMART. L’emboutissage des métaux est considéré par de nombreux experts en santé au travail comme l’une des tâches les plus dangereuses du secteur manufacturier. Les dangers dans ces installations sont multiples et graves: amputations, lacérations, chutes et électrocution n’en sont que quelques-uns.

L’usine de SMART à Luverne a accumulé 48.515 $ en pénalités de la part de l’Inspection du travail (OSHA) depuis 2013. Les citations de l’OSHA énumèrent les risques d’être écrasé ou amputé dans l’installation.

Selon son site Web, SMART, LLC est capable de produire des pièces pour plus de 400.000 véhicules par an. Entre ses taux de renouvellement de personnel élevé et ses demandes de production croissantes, l’usine dépend fortement de la main-d’œuvre du Mexique et d’Amérique centrale, et elle passe fréquemment des contrats avec des recruteurs de main-d’œuvre qui obtiennent des visas pour ces travailleurs. Fin 2020, le directeur général de SMART, Gary Sport, a écrit une lettre aux responsables consulaires américains au Mexique demandant un visa pour un travailleur mexicain, affirmant que l’usine manquait «gravement de main-d’œuvre» et que Hyundai «ne tolérerait pas de tels manquements».

Cette année, un recours collectif a été déposé contre SMART et plusieurs des agences de recrutement au nom de 40 travailleurs mexicains. Le procès allègue que SMART a utilisé des agences de recrutement pour embaucher des travailleurs en tant qu’ouvriers spécialisés. Une fois aux États-Unis, ils ont été attribués des emplois de travail manuel à la place.

SMART a qualifié ces allégations de «sans fondement». Sa relation avec les entreprises de recrutement contraires à l’éthique est bien connue des travailleurs. Les travailleurs s’adressant à Reuters affirment que les mineurs de l’usine ont été embauchés par l’intermédiaire d’agences de recrutement.

Hyundai est l’un des nombreux constructeurs automobiles qui ont ouvert des usines en Alabama au cours des 20 dernières années. Les incitations fiscales de l’État, la réglementation laxiste et les salaires de misère font de l’État un endroit attrayant pour les entreprises à la recherche d’une main-d’œuvre bon marché.

La pandémie a entraîné un renouvellement de personnel historique et des problèmes de chaîne d’approvisionnement pour ces entreprises. Hyundai a réagi à ces pressions en décidant d’étendre ses activités aux États-Unis et annonce son intention d’investir plus de 5 milliards de dollars.

Cela se traduira par des stratégies d’embauche plus agressives. Les pratiques de travail des enfants de SMART ne sont rien d’autre qu’une source d’embarras; à l’avenir, l’entreprise et ses agences de recrutement procéderont non pas à un plan d’embauche éthique, mais dissimuleront mieux leurs agissements.

L’industrie automobile n’est pas le seul secteur à se tourner vers des pratiques d’embauche illégales depuis la pandémie. À Enterprise, la ville où Pedro Tzi vit avec ses enfants, une migrante guatémaltèque de 16 ans a été embauchée illégalement pour travailler dans une usine de volaille. Amelia Domingo avait fui le Guatemala seule, comme de nombreux enfants d’Amérique centrale l’ont fait ces dernières années.

Les immigrants mineurs non accompagnés comme Amelia seront particulièrement vulnérables aux pratiques d’embauche contraires à l’éthique alors que les problèmes de chaîne d’approvisionnement persistent, selon des chercheurs sur le marché du travail.

(Article paru en anglais le 26 juillet 2022)

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