Pourquoi les travailleurs de l’auto du Canada devraient appuyer la campagne de Will Lehman à la présidence du syndicat UAW

Êtes-vous un travailleur de l’automobile au Canada ou travaillez-vous dans l’industrie des pièces? Envoyez-nous vos déclarations de soutien à la campagne de Will Lehman et participez à la lutte pour la création de comités de la base indépendants des appareils pro-patronaux d’Unifor et de l’UAW.

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Les travailleurs de l’automobile et tous les travailleurs du Canada devraient soutenir activement la campagne de Will Lehman, travailleur de Mack Trucks, pour la présidence du syndicat des Travailleurs unis de l’automobile (United Auto Workers – UAW). Lehman, un socialiste, se bat pour que les travailleurs mettent en place des comités de la base sur chaque lieu de travail, indépendamment de l’appareil syndical pro-patronal, et pour abolir la bureaucratie de l’UAW qui a imposé des décennies de reculs et de trahisons.

Au centre de la campagne de Lehman se trouve la lutte pour unir les travailleurs des États-Unis à leurs frères et sœurs de classe au Canada et à l’étranger dans une contre-offensive envers l’assaut mondial sur les emplois, les salaires et les conditions de travail mené par l’élite patronale et leurs mercenaires politiques.

Will Lehman, ouvrier de Mack Truck et candidat à la présidence de l’UAW

Lehman a obtenu la nomination de deux délégués lors de la convention de l’UAW qui s’est récemment terminée à Detroit, où la bureaucratie corrompue a cherché par la manipulation et l’intimidation à bloquer sa candidature. Cette victoire signifie que Lehman a rempli toutes les conditions pour figurer sur le bulletin de vote lors de la première élection directe d’un président de l’UAW en plus de 70 ans, cet automne. Cette élection n’a lieu que parce qu’elle a été exigée par le contrôleur nommé par le gouvernement comme moyen de réhabiliter le syndicat après un scandale de corruption de plusieurs années qui a englouti l’ensemble de la haute direction de l’UAW.

La campagne de Lehman a obtenu un fort soutien de la part des ouvriers de l’automobile de la base parce qu’elle exprime leur vive colère face à des décennies de reculs imposés par l’UAW et leur impatience de lancer une riposte militante.

Les conditions des travailleurs de l’automobile au Canada ne sont pas différentes de celles qui prévalent au sud de la frontière. À partir du 8 août, les travailleurs canadiens assisteront au spectacle d’Unifor en crise – le plus grand syndicat du secteur privé du pays avec quelque 315.000 membres – qui tentera de passer son congrès national triennal en faisant le moins de cas possible du nuage noir de corruption et de double jeu bureaucratique qui plane sur toute l’organisation. Au printemps dernier, Jerry Dias, président de longue date, a été limogé, après avoir été démasqué comme un profiteur éhonté de la COVID-19 dans une sale opération de pots-de-vin. S’ajoute à cela l’incessante série de reculs contractuels imposés à d’innombrables unités de négociation, alors que les salaires stagnent, que des emplois sont supprimés et que les règles du travail sont saccagées.

La corruption de Dias n’est que l’expression la plus grotesque d’une organisation qui a été entièrement intégrée à la gestion des entreprises et à l’État capitaliste, et dont le personnel est composé de bureaucrates hautement rémunérés avec de gros comptes de dépenses personnelles dédiés à la défense des intérêts de la bureaucratie contre les travailleurs.

Au fur et à mesure que le congrès se déroulera, les délégués auront le choix entre trois bureaucrates syndicaux de carrière pour remplacer Jerry Dias, disgracié, et s’atteler à la tâche de tenter d’appliquer un mince vernis de «respectabilité» sur le logo du syndicat. Ce sera une tâche difficile, qu’il vaut mieux confier à un magicien.

Lors de sa convention de direction à la fin du mois dernier, la bureaucratie de l’UAW a fait tout ce qu’elle a pu pour étouffer toute opposition à son bilan de corruption endémique, qui a vu plus d’une douzaine de hauts responsables inculpés et emprisonnés, dont deux présidents récents et plusieurs vice-présidents. Le président actuel, Ray Curry, qui a présidé la convention, fait lui-même l’objet d’une enquête criminelle pour avoir dissimulé des preuves de la poursuite de la corruption au sein du syndicat.

Des travailleurs de Ford à Chicago et à Detroit expriment leur soutien à la campagne de Will Lehman pour la présidence de l’UAW

La campagne de Lehman est l’expression la plus consciente d’une rébellion croissante des membres de la base de l’UAW contre ce syndicat corrompu et pro-patronal, qui, comme Unifor, impose depuis des décennies une série de reculs et de suppressions d’emplois, tout en dressant systématiquement les travailleurs du Canada, des États-Unis et du Mexique les uns contre les autres. La rébellion s’inscrit dans une vague de luttes militantes récentes, notamment chez Volvo Trucks, Dana et John Deere. Les travailleurs ont répondu à l’appel du WSWS et de son Autoworker Newsletterpour la formation de comités de la base afin de briser la mainmise de la bureaucratie de l’UAW et de lancer une contre-offensive pour renverser les décennies de reculs imposés par l’UAW. Ces luttes visent à obtenir des améliorations majeures du niveau de vie et des conditions de travail, y compris l’annulation du système salarial à plusieurs échelons tant détesté, des ajustements du coût de la vie pour suivre le rythme de l’inflation galopante, et la sécurité de l’emploi.

Il existe une longue tradition de luttes unies des travailleurs canadiens et américains, qu’Unifor, son prédécesseur, les Travailleurs canadiens de l’automobile (TCA), et l’UAW ont tout fait pour dissimuler et dénigrer au cours des quatre dernières décennies. Tous les soulèvements des travailleurs américains, des Knights of Labor aux IWW et au CIO, ont suscité une réaction massive des travailleurs canadiens, qui ont reconnu qu’ils se battaient contre les mêmes patrons. Les travailleurs canadiens ont invité l’UAW à les organiser après avoir été inspirés par les grèves d’occupation des années 1930 – et en 1945, ils ont organisé un blocus massif à Windsor pour arrêter la production automobile. Chaque effort d’unification avec les travailleurs américains a été âprement combattu par l’élite canadienne, qui invoquait invariablement le nationalisme canadien et une opposition farouche au socialisme.

Malgré tous les efforts des bureaucrates pro-capitalistes d’Unifor et de l’UAW, qui privilégient leurs «partenariats» avec les patrons d’entreprise et les représentants du gouvernement, les liens de lutte entre les travailleurs de l’automobile américains et canadiens restent forts.

Constatant que les entreprises et les syndicats n’avaient aucun intérêt à protéger leur santé et leur vie alors que la pandémie de COVID-19 se propageait, les travailleurs de l’usine d’assemblage de Windsor (Fiat-Chrysler, aujourd’hui Stellantis) ont spontanément cessé de travailler à la mi-mars 2020, déclenchant des actions de débrayage similaires de la part des travailleurs des usines automobiles des trois principaux constructeurs basés à Detroit à travers les États-Unis. Les protestations étaient également dirigées contre Unifor et l’UAW au sud de la frontière, car les deux syndicats s’étaient engagés à travailler avec la direction pour maintenir les usines en activité sans interruption. Les actions des travailleurs de la base ont joué un rôle majeur en forçant les gouvernements d’Amérique du Nord et d’Europe à imposer des confinements temporaires qui, bien qu’inadéquats et rapidement annulés, ont sauvé des millions de vies.

La mondialisation de la production et le démantèlement connexe d’une grande partie de l’industrie dans les pays économiquement les plus avancés dans les années 1980 ont fatalement sapé la capacité des syndicats pro-capitalistes à faire pression sur le capital pour obtenir des concessions sur le marché du travail national. La réponse des syndicats à l’émergence d’un marché du travail mondial a été de se joindre aux patrons pour exiger des travailleurs qu’ils rendent «leurs» employeurs plus «compétitifs», c’est-à-dire qu’ils négocient une course vers le bas à travers les frontières pour imposer des reculs, des accélérations de cadence et des suppressions d’emplois. Cette perspective nationaliste et pro-capitaliste sert à bloquer toute action unie de la part des travailleurs d’Amérique du Nord et du monde entier contre les géants transnationaux comme GM, Ford, Toyota et Volkswagen qui cherchent sans relâche à intensifier l’exploitation de tous les travailleurs, quelle que soit leur nationalité.

La naissance des TCA – le principal précurseur d’Unifor – en 1985 a découlé directement de la promulgation d’un programme nationaliste qui a divisé les travailleurs nord-américains et a donné aux trois grands de l’automobile la possibilité d’intensifier leur pratique consistant à opposer les conventions collectives et les emplois d’un côté à l’autre de la frontière canado-américaine pour obtenir les salaires, les avantages et les niveaux d’emploi les plus bas possible. Bob White, le bureaucrate qui a dirigé la scission des TCA, a explicitement rejeté tout appel aux travailleurs américains et canadiens à une rébellion commune contre la bureaucratie de Solidarity House. La scission menée par White visait à soutenir la bureaucratie des deux côtés de la frontière et à donner à chacune une plus grande liberté de manœuvre avec la direction des entreprises pour imposer des réductions de salaires et d’emplois et monter les travailleurs américains et canadiens les uns contre les autres.

La formation d’Unifor en 2013 a conduit à une intensification de ce bilan anti-ouvrier, le syndicat étant intégré de plus en plus complètement à l’État capitaliste. Dias a fonctionné à toutes fins utiles comme conseiller du premier ministre Justin Trudeau et de son gouvernement libéral, notamment lors de la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain pour jeter les bases d’un bloc commercial protectionniste encore plus explicitement anti-chinois afin de faire avancer les ambitions économiques, militaires et géopolitiques de l’impérialisme canadien et américain dans le monde.

Dans chaque cycle de négociation que Dias a mené avec les trois constructeurs automobiles de Detroit, il s’est comporté de plus en plus ouvertement comme un entrepreneur de main-d’œuvre bon marché, offrant aux grandes entreprises les concessions qu’elles exigeaient pour rester «compétitives à l’échelle mondiale», c’est-à-dire très rentables, aux dépens des emplois et du niveau de vie des travailleurs. Et sous la direction de Dias, Unifor a joué un rôle majeur dans l’application de la politique désastreuse de la classe dirigeante consistant à faire passer les profits avant les vies, en aidant à ramener les travailleurs dans des lieux de travail dangereux en pleine crise sanitaire, la pire du siècle.

La tâche à laquelle les membres d’Unifor doivent maintenant faire face est de traduire l’opposition aux attaques continues contre leur niveau de vie en une lutte politique consciente contre la volonté insatiable des entreprises d’obtenir des reculs sans fin imposés par les syndicats. La formation de comités de la base par les travailleurs de chaque usine et de chaque lieu de travail pour lutter pour des salaires, des avantages sociaux et des conditions de travail décents, ainsi que pour un lieu de travail sûr et sain, est de plus en plus urgente à mesure que la crise capitaliste s’aggrave.

En luttant pour la création de tels comités, les travailleurs doivent rejeter résolument le nationalisme canadien d’Unifor et la subordination des emplois et des moyens de subsistance des travailleurs aux profits des entreprises. Au lieu de cela, les travailleurs doivent se baser sur la compréhension qu’ils sont confrontés aux mêmes problèmes fondamentaux dans chaque pays et que ce qu’il faut, c’est une perspective internationaliste et socialiste pour unifier les luttes des travailleurs de l’automobile au Canada, aux États-Unis, au Mexique et dans le monde entier. Les travailleurs de l’automobile au Canada peuvent faire un pas important dans cette lutte en mobilisant leur soutien à Lehman, dont la campagne vise à faciliter la construction d’un réseau de comités de la base sous la direction de l’Alliance ouvrière internationale des comités de base afin de coordonner une contre-offensive mondiale de la classe ouvrière contre les constructeurs automobiles organisés à l’échelle mondiale et leur recherche effrénée du profit.

(Article paru en anglais le 5 août 2022)

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