Grève de 24  heures des conducteurs de train dans tout le Royaume-Uni alors que le syndicat Aslef propose d’accepter des réductions du salaire réel

Des milliers de conducteurs de train ont organisé samedi leur deuxième greve nationale de l’été, perturbant les services passagers dans tout le pays.

La première grève des conducteurs de train avait eu lieu le 31  juillet dans sept des 15  sociétés de chemin de fer d’Angleterre.

Les conducteurs réclament une hausse de salaire après un gel de trois ans. Ils ont voté à une large majorité pour la grève après que le gouvernement et les sociétés de trains aient convenu pour eux d’une augmentation de 2 pour cent, très loin du taux d’inflation RPI, à près de 12 pour cent. D’autres offres comme celle de Network Rail sont basées sur l’acceptation par les travailleurs d’une augmentation de salaire toujours très inférieure à l’inflation et liée à une attaque des conditions de travail – exigée par le gouvernement dans le cadre de son projet Great British Railway.

La dernière grève de 24  heures avait touché neuf sociétés d’exploitation, interrompant les services dans de nombreuses régions d’Angleterre, d’Écosse et du Pays de Galles. Avanti West Coast, CrossCountry, Greater Anglia, Great Western Railway, Hull Trains, LNER, London Overground, Southeastern et West Midlands Trains ont tous été touchés.

La détermination des conducteurs à se battre pour des salaires plus élevés contraste avec la direction du syndicat qui, elle, recherche un compromis au rabais.

Aslef et le RMT (Rail, Mer, Transport), le principal syndicat ferroviaire, font tout leur possible pour empêcher leurs membres d’organiser une offensive unie. Durant tout l’été, les deux syndicats n’ont mené aucune action commune. Le secrétaire général d’Aslef Mick Whelan avait déclaré en juillet, alors que ses membres votaient massivement pour la grève, «il n’y a aucune raison pour que nous leur fassions faire grève tous ensemble…».

Aslef avait annoncé au début de la dernière grève que d’autres actions pourraient avoir lieu à Chiltern Railways, Northern Trains et TransPennine Express, car ces entreprises «devaient encore négocier avec Aslef… Les bulletins de vote sur les actions potentielles seront clos le 25  août».

Il est probable que tout mandat de grève des conducteurs de ces entreprises sera réprimé par Aslef, qui cherche à faire passer un accord pourri.

Vendredi, le site d’information ia rapporté qu’une source d’Aslef avait déclaré que les grèves se poursuivraient pour le moment, «mais que [le syndicat] était pragmatique quant à l’augmentation de salaire qu’il demandait».

Aslef a déjà accepté de terminer une des grèves ; le site d’information irévéle que «les actions de grève au Pays de Galles ne devraient plus se poursuivre au-delà de samedi après qu’un accord salarial a été conclu» bien en dessous de l’inflation. Selon la source d’Aslef, « un accord avec Transport for Wales a été conclu en principe pour une augmentation de salaire de 6,6  pour cent pour les conducteurs, sous réserve d’un vote de confirmation».

Cette «source syndicale» a déclaré: « Rien n’a été proposé par les entreprises contre lesquelles nous sommes en grève – il n’y a pas eu de négociations. Il est possible de conclure des accords, nous ne votons sur la grève que pour ceux qui ne proposent rien. La société Transport for Wales vient de nous proposer une augmentation de salaire de 6,6  pour cent, ce qui montre qu’un accord est possible ».

«Des accords ont été conclus avec Eurostar à 8,2  pour cent et Scotrail à 5,1  pour cent. Nous ne demandons pas 9, 10 ou 11  pour cent, nous avons accepté un juste milieu».

Le site iécrit: «Ces commentaires font écho à une déclaration du secrétaire général d’Aslef, Mick Whelan, qui a déclaré vendredi: “Nous ne voulons pas faire grève – les grèves sont toujours un dernier recours – mais les compagnies et le gouvernement nous ont, je le crains, forcé la main… mais nous sommes toujours ouverts aux discussions si les compagnies ou le gouvernement veulent venir à la table de négociations et faire une offre raisonnable”».

La semaine prochaine, le RMT organisera deux journées de grève, les 18 et 20  août, les syndicats veillant à ce qu’aucune action unitaire n’ait lieu et permettant que certains services fonctionnent.

Les reporters du World Socialist Web Site se sont entretenus dans tout le pays avec des conducteurs pendant les grèves de samedi.

Chauffeurs de train en grève à Ashford, Kent, le 13  août 2022 [Photo : WSWS].

À la gare d’Ashford dans le Kent, un conducteur a déclaré: «En ce qui nous concerne, nos membres méritent une augmentation de salaire. Nous ne savons pas encore à quoi ressemblera cette augmentation, mais ce que nous n’accepterons pas, c’est une réduction de notre salaire réel».

Interrogé sur comment la hausse du coût de la vie l’affecte, il a répondu: «Nous sommes relativement bien payés, mais les factures d’énergie, de nourriture et de carburant continuent d’augmenter, donc cela nous touche. Cela ne nous touche peut-être pas tant que les gens moins bien payés, mais c’est tout relatif».

Interrogé sur ce qu’il pensait du leader du Parti travailliste Sir Keir Starmer qui menaçait de sanctionner les ministres ‘fantômes’ s’ils participaient aux piquets de grève, ce conducteur a répondu: «Je pense que c’est une honte, parce qu’il doit se rappeler que le Parti travailliste a été formé par les syndicats et que quiconque prend part à un conflit légitime doit se rappeler que les bases du Parti travailliste ont été créées dans des endroits comme ici».

Interrogé sur ce qu’il pensait d’une élection générale, qui démasquerait la coalition de fait des conservateurs et des travaillistes, il a répondu: «Je pense qu’il devrait y avoir une élection générale. On va se retrouver de nouveau avec un dirigeant non élu à la tête du pays, et ce dont nous avons besoin, c’est que les habitants de ce pays aient leur mot à dire, quel que soit ce mot, et quel que soit le parti, il faut qu’il y ait un premier ministre élu».

À Faversham, le WSWS a parlé aux travailleurs sur la nécessité d’un mouvement de la base et de la préparation d’une grève générale. Un cheminot a répondu: «C’est dans l’intérêt de tous de le faire».

Interrogé sur ce qu’il pensait du projet Great British Railway du gouvernement conservateur, à l’origine de la campagne des sociétés de chemin de fer pour réduire les salaires et attaquer les conditions de travail, il a répondu: «Ils utilisent l’argument que le nombre de passagers des chemins de fer n’augmente pas. En mai, ce nombre représentait 92  pour cent du niveau d’avant la pandémie. Et la tendance était à la hausse. Et à l’automne, nous reviendrons au niveau pré-pandémie ou plus».

«En même temps, dans les coulisses, près de 20  pour cent de tous les services du réseau sont supprimés, tous les emplois sont supprimés et les chemins de fer sont essentiellement réservés aux élites. Ce n’est pas pour la classe ouvrière. Les tarifs sont maintenant obscènes».

«Vous entrez dans une gare, vous achetez un billet, et vous allez vous faire assommer. Pour le grand public qui entre dans une gare, c’est juste une autre façon de leur soutirer l’argent. Ils se font plumer».

Ce conducteur a dit ses inquiétudes sur le déploiement continu de trains avec juste un conducteur (DOO): «Ils ont toujours cherché des moyens de gagner de l’argent… Il faut quelqu’un à l’arrière pour aider les personnes handicapées à ouvrir les portes. Je pense que ce qu’ils sont en train de faire, c’est de mettre ces assistants aux clients dans les trains, qui sont au salaire minimum, qui finiront par supplanter les chefs de train et d’autres membres du personnel».

«Tout ce qui a été négocié ces 27  dernières années était un accord de productivité. Nous leur avons également donné quelque chose. Quand vous arrivez à ce stade, que pouvez-vous donner de plus? La seule chose qu’ils regardent maintenant, ce sont nos pensions. Nous avons une pension basée sur le salaire final. La direction dit: “Allons-y, nous payons nos 12  pour cent sur le salaire de chaque membre du chemin de fer; réduisons cela et nous pourrons économiser X millions”».

«Regardez le matériel roulant. Il appartient aux banques. C’est nous qui les payons; pour elles ce n’est que du profit. Les compagnies ont été renflouées parce qu’il n’y avait pas de passagers qui voyageaient. Maintenant, ils nous poussent à la grève parce que nous sommes tous des “militants de gauche”. Alors qu’il y a un an ou deux, nous étions des travailleurs “clés” essentiels».

Des conducteurs de train employés par LNER sur le piquet de grève à Leeds, le 13  août 2022 [Photo: WSWS].

Au dépôt de Neville Hill à Leeds, un conducteur a déclaré à nos reporters que les journées de 10  heures étaient courantes. «Les règles de sécurité sont toujours censées s’appliquer, mais elles sont attaquées».

Sur un piquet de grève des chauffeurs employés par Cross Country à Leeds, l’un d’eux a déclaré: «Ils veulent juste que vous acceptiez ce qu’on vous donne. Les gens en ont assez. La sécurité est une priorité pour nous».

Sur les plans du gouvernement d’engager du personnel d’agences intérimaires comme briseurs de grève pendant les grèves, il a déclaré: «L’agence n’aura aucune expérience. C’est dangereux.» L’attitude des sociétés de chemin de fer était: «La sécurité passe avant tout, jusqu’à ce que nous voulions vous remplacer par des travailleurs intérimaires».

Un autre conducteur a déclaré que la crise du coût de la vie rendait la vie impossible. «Nous allons être frappés par une augmentation de la facture de carburant en octobre. J’ai un enfant à nourrir».

Quelqu’un de l’accueil clientèle a déclaré: «Je gagne 22.000  livres par an [26 000 euros]. Les grèves sont nécessaires, car tout le monde devrait avoir un meilleur salaire».

(Article paru d’abord en anglais le 15 août 2022)

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