La Luftwaffe part en mission de guerre mondiale dans l’Indo-Pacifique

Après le déploiement de la frégate Bayern l’année dernière, la Luftwaffe (armée de l’air) allemande étend désormais ses opérations à l’Indo-Pacifique.

Ces derniers jours, six des Eurofighters de l’escadre aérienne tactique 74 de Neuburg an der Donau, quatre A400M de l’escadre de transport aérien 62 de Wunstorf et trois A330 de l’unité de ravitaillement en vol multirôle basée à Eindhoven ont été déployés «pour la première fois depuis l’Allemagne vers l’Indo-Pacifique», selon la Bundeswehr (forces armées).

Eurofighter de la Luftwaffe (Krasimir Grozev, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons)

L’escadron allemand est arrivé dimanche en Australie et participera à des exercices militaires de grande envergure dans la région au cours des prochains jours. Ceux-ci ont un caractère résolument offensif et font partie des préparatifs de guerre des États-Unis et de leurs alliés dans la région contre la Chine.

Sur le site officiel de la Bundeswehr, on peut lire: «Au cours de l’exercice de combat aérien Pitch Black, les Eurofighters s’exerceront à des frappes aériennes et à la défense avec des partenaires internationaux en formations plus importantes.» Les Eurofighters seraient «déployés dans des rôles air-air et air-surface au cours de cet exercice». L’exercice multinational de combat naval Kakadu, a-t-il précisé, vise à protéger «les navires depuis les airs». Au total, les manœuvres ont impliqué «environ 250 aviateurs et aviatrices», a-t-il précisé.

Selon les forces armées australiennes, il s’agit des plus grandes manœuvres de ce type. Pitch Black à lui seul impliquerait «jusqu’à 2.500 soldats et jusqu’à 100 avions du monde entier». Un reportage souligne que «l’Allemagne, le Japon et la République de Corée y participent pleinement pour la première fois.» L’exercice Kakadu serait également «le plus important à ce jour», avec 19 navires, 34 aéronefs et plus de 3.000 soldats de 25 pays, précise le reportage.

Selon le ministère allemand de la Défense, l’exercice sera suivi de «courtes visites» de l’escadron de la Luftwaffe auprès des «partenaires d’Asie de l’Est qui partagent des valeurs communes»: Japon, Corée du Sud et Singapour. Tous ces pays jouent un rôle clé dans l’alliance anti-chinoise dirigée par les États-Unis dans la région. Et apparemment, les prochains déploiements sont déjà prévus. «La présence renforcée de la Bundeswehr se poursuivra dans les années à venir», écrit le ministère.

La démonstration de la Bundeswehr dans la région indopacifique souligne l’agressivité dont fait preuve à nouveau le militarisme allemand après deux guerres mondiales perdues et les crimes horribles dont il a été responsable au XXe siècle. L’opération actuelle est «le déploiement le plus important et le plus difficile jamais vu dans la Luftwaffe», s’est vanté son officier le plus haut gradé, l’inspecteur de la Luftwaffe Ingo Gerhartz, avant le décollage.

Inspecteur de la Luftwaffe Ingo Gebhartz (Amit Agronov / Unité du porte-parole de Tsahal)

Le chef de la Lufwaffe, qui a récemment menacé d’utiliser des armes nucléaires contre la Russie, a souligné les revendications mondiales du militarisme allemand. «La Luftwaffe peut non seulement protéger le flanc oriental de l’OTAN dans la Baltique, mais aussi coopérer avec des nations amies dans l’Indo-Pacifique. Pour nous, il n’y a pas d’alternative! Nous envoyons un signal clair que la Luftwaffe peut être déployée rapidement et dans le monde entier, même avec de multiples missions à remplir en parallèle».

C’est sans équivoque. L’Allemagne ne joue pas seulement un rôle de premier plan dans le cadre de la guerre contre la Russie, mais aussi contre la Chine. Poussant à l’extrême la provocation de la Luftwaffe dans la région indopacifique, Gerhartz a annoncé qu’il prévoyait lui-même de faire voler un Eurofighter de l’Australie au Japon. Son itinéraire passe directement par la mer de Chine méridionale et Taïwan.

L’intervention allemande va encore aggraver la situation dans la région. Depuis que Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, s’est rendue à Taïwan au début du mois, la région indopacifique est devenue un véritable baril de poudre, et une confrontation militaire directe entre les États-Unis et la Chine apparaît comme une menace imminente.

L’armée chinoise a prolongé indéfiniment les exercices autour de Taïwan qui ont commencé immédiatement après le départ de Pelosi. Les États-Unis ont déployé un groupe de combat de porte-avions dirigé par l’USS Ronald Reagan près de l’île et prévoient d’envoyer des navires de guerre dans le détroit de Taïwan. Une autre délégation américaine est arrivée à Taipei dimanche. La politique de la Chine unique, qui constituait la base des relations diplomatiques entre la République populaire de Chine et Washington depuis 1979, a effectivement pris fin.

L’offensive de Washington vise à soumettre l’ancienne semi-colonie chinoise et à assurer ainsi la suprématie de l’impérialisme américain. Bien que ce projet implique une troisième guerre mondiale dévastatrice, l’impérialisme allemand ne veut pas rester à l’écart lorsqu’il s’agit de contrôler et de diviser cette région riche en ressources et d’une importance géostratégique capitale. Malgré ses liens économiques étroits avec la Chine, la classe dirigeante allemande s’engage sur la voie de la guerre.

Les principales personnalités du gouvernement et de l’opposition en Allemagne ont déjà soutenu le voyage de Pelosi à Taïwan et ont appelé à une approche plus agressive envers la Chine. Le ton a été donné par la ministre des Affaires étrangères des Verts, Annalena Baerbock. Dans un discours sur la politique étrangère prononcé à la New School de New York, elle a qualifié Pékin de «concurrent et de rival systémique». Elle a déclaré qu’il ne pouvait être dans l’intérêt de l’Allemagne «que la Chine crée des dépendances économiques excessives dans sa région».

Les médias battent également le tambour de la guerre. «L’Allemagne doit se préparer à un conflit avec la Chine»; et «se libérer de sa dépendance à l’égard de la République populaire – même si cela coûte la prospérité», exige l’hebdomadaire d’information le plus lu d’Allemagne, Der Spiegel. Le Frankfurter Allgemeine Zeitung prévient: «Le conflit ouvert avec la Russie éclipse actuellement la concurrence systémique avec la Chine. À long terme, cependant, la confrontation avec Pékin est la tâche la plus difficile».

Il ne s’agit pas de défendre les «valeurs» et la «démocratie» contre les «agresseurs» russes et chinois, comme la propagande officielle voudrait nous le faire croire, mais d’intérêts impérialistes tangibles. Ce sont les puissances de l’OTAN – avant tout les États-Unis et l’Allemagne – qui ont lancé des guerres meurtrières pour s’emparer de matières premières, de marchés et de sphères d’influence dans les Balkans, au Moyen-Orient, en Asie centrale et en Afrique au cours des 30 dernières années. Aujourd’hui, le redécoupage impérialiste du monde a pour objectif direct la soumission de Moscou et de Pékin.

Tout comme la guerre par procuration de l’OTAN contre la Russie, l’offensive militaire allemande dans l’Indo-Pacifique a été systématiquement planifiée. Lors de son dernier sommet fin juin, l’OTAN a adopté une nouvelle stratégie qui oriente explicitement l’alliance militaire vers une confrontation militaire avec les puissances nucléaires que sont la Russie et la Chine. En septembre 2020, le ministère allemand des Affaires étrangères a publié ses «lignes directrices sur l’Indo-Pacifique», dans lesquelles il déclare que la région Indo-Pacifique est «essentielle pour façonner l’ordre international au XXIe siècle».

Le document stratégique formule ensuite explicitement la prétention de l’impérialisme allemand à prendre le leadership dans la région: «L’Himalaya et le détroit de Malacca peuvent sembler lointains. Mais notre prospérité et notre influence géopolitique dans les décennies à venir seront fondées précisément sur la façon dont nous coopérerons avec les États de l’Indo-Pacifique». En tant que nation commerciale active au niveau mondial, l’Allemagne «ne doit pas se contenter d’un rôle de spectateur là-bas», y compris sur le plan militaire.

(Article paru en anglais le 22 août 2022)